jeudi 29 septembre 2011

festival latino

    Leonardo Padura, (L’homme qui aimait les chiens) rencontres littéraires festival latino Biarritz septembre 2011. Le marché comme liberté de l’écrivain. Quand il déposait un manuscrit à Cuba, il était lu par un fonctionnaire qui cherchait dans son texte ce qui était favorable ou  dangereux pour la carrière du fonctionnaire. Quand il envoyait son manuscrit à un éditeur espagnol, un lecteur cherchait dans son texte des qualités d’écriture et les ventes possibles. Bien entendu, le marché, c’est aussi des livres qui pourrissent dans les invendus, ou les manuscrits non publiés. Mais tout compte fait…En tout cas, Padura préfère le marché.

    Un docu-fiction sur les mères de la place de Mai en Argentine. Je regarde et je pleure. Je pleure de quoi ? Je pleure aussi parce que les mères de la place de Mai en Argentine ont pu mener campagne et obtenir des résultats, pendant la dictature des généraux. Les épouses de juifs emprisonnés, sous le régime nazi, ont pu manifester et obtenir la libération de leur époux. Il y a un endroit où de telles manifestations étaient impensables, impossibles : à Moscou, sous Staline. 

dimanche 25 septembre 2011

CAR

Le groupe CAR (du communisme au réformisme) comprend une dizaine d’anciens membres ou sympathisants du PCF qui se sont éloignés ou en ont été exclus et se sont rapprochés des courants réformistes de la société française. Il avait été formé en toute fin du XXème siècle  pour peser sur les orientations du parti socialiste et mettre en garde inlassablement contre les discours et les postures post-révolutionnaires au sein de ce parti. Dans ce but, il avait été reçu par le premier secrétaire de l’époque, François Hollande, qui nous avait vivement encouragés. Le CAR a été intégré dans la Fondation Jaurès grâce à Pierre Mauroy qui croyait que le groupe allait peser à gauche et représenter la classe ouvrière au sein de la Fondation. Malgré sa déception, il a permis que le CAR tienne des réunions régulières à la Cité Malesherbes. Les textes de nos interventions peuvent encore se visiter en ligne sur le site de la Fondation Jaurès. Certaines ont donné lieu à des tribunes dans les journaux.

            Aujourd’hui, la mission a été accomplie avec succès. Les courants de rupture se sont détachés du PS et cherchent à recomposer une nouvelle famille de preux chevaliers  avec ce qu’il reste de communistes. Front de gauche à la poursuite du Graal, Don Quichotte inventeurs de moulins à vent. Mais pour l’essentiel, à l’intérieur du PS, le Congrès de Tours est désormais achevé.

            Dans ces conditions, l’intervention du CAR ne correspond plus à des nécessités politiques et ses membres ont décidé de mettre en harmonie l’organisation et la pratique, donc de dissoudre l’organisation. Le CAR n’existe plus. Il reste un groupe d’amis qui ont en commun une  histoire, une expérience et se rencontrent chez les uns et chez les autres pour affuter leurs arguments lorsque les petits-enfants leur demandent de les accompagner à le fête de l’Humanité

vendredi 23 septembre 2011

scandales

méfions-nous des grandes manoeuvres et ne nous fixons pas sur les scandales. si la droite est de plus en plus certaine que Sarkozy sera battu en 2012, elle est tout à fait capable de choisir un autre homme, honnête, neuf, etc...pas mêlé aux scandales. et donc de faire couler le président actuel.

jeudi 22 septembre 2011

primaires socialistes

Primaires 22 septembre 2011

       Six candidats. Ils ont tous signé le projet socialiste et expriment des orientations différentes. Premier résultat des primaires: le retour des discussions politiques. Sauf surprise, le second tour, s'il y a second tour, mettra face à face François Hollande et Martine Aubry. Souhaitons que le choix se fasse sur leurs orientations politiques.
La crise et l'arrogance de la droite au pouvoir créent un terrain favorable aux discours de la radicalité. Sortir de l'euro, démondialiser. Fascination pour Chavez, pour le mouvement des indignés, les révoltes…Le PS n'échappe pas à la tentation de l'outrance, aux discours apocalyptiques qui décrivent des situations de galère réelle, douloureuse et insupportables et les présentent comme l'état de la société toute entière. En ne pointant que les situations extrêmes, le PS risque de rejeter en dehors de son influence la majorité du peuple qui ne partage pas les galères les plus sévères.
Ces discours sont possibles d'abord parce que les millions de personnes qui vivent chez dans des situations d'une extrême sévérité ne sont jamais présentes dans nos réunions, car elles ne s'intéressent pas à la politique, elles sont tout simplement dans la survie: un travail, un logement, des soins accessibles… Le personnel du PS, nous le savons, est composé de la fraction de la population relativement privilégiée: élus ou aspirants. Une partie de ces militants compense un sentiment diffus de culpabilité par la compassion ou le soutien des révoltes sans avenir. C'est plus facile qu'un effort pour intégrer dans les rangs du PS les catégories qui en sont actuellement exclues. Bien entendu, un parti de gauche n'est plus de gauche s'il ne considère pas les urgences comme des problèmes politiques pour toute la société. Mais cela passe , non par la compassion et la fascination pour les colères sans lendemain. Cela passe par un travail d'intégration dans le PS de ceux qui en sont actuellement exclus. Cela passe par une attention et un respect soutenu pour tous les personnels qui sont à l'interface entre la galère et le corps social: les éducateurs, les personnels de santé, les militants associatifs, les syndicalistes, etc. Tous ces gens qui ne vont pas "visiter" les pauvres, mais œuvrent à les tirer vers le haut.
       Cette fascination conduit à un été de sidération devant les surenchères de la gauche radicale. La gauche extrême n'est pas critiquable parce qu'elle demande l'impossible, mais parce qu'elle déprécie et méprise le possible. Un migrant qui obtient des papiers ne l'intéresse pas. Une famille modeste qui obtient un logement social est moins intéressante que les SDF parce qu'elle échappe aux discours d'apocalypse. Elle aime les révoltes et se méfie des succès électoraux. L'alliance de toute la gauche doit se réaliser sur un projet qui ne fera pas fuir un électorat dont nous avons besoin pour faire une majorité. Ce qui suppose un dialogue sans concession avec la gauche extrême. Or que voyons-nous? Un Front de gauche et le NPA qui passe leur temps à taper sur la gauche réformiste, à les accuser d'être des affameurs du peuple, des criminels, des suppôts du capitalisme et la "réponse" d'une partie des responsables socialistes est d'aller faire la bise à Jean-Luc Mélenchon qui se rengorge et se félicite que "certains" socialistes rejoignent ses positions. C'est ça un dialogue sans concession? Benoit Hamon, responsable de la campagne de Martine Aubry, ne répugne jamais à se trouver sur les mêmes tribunes que Mélenchon et Besancenot, pas pour défendre le programme du PS, mais pour crier ensemble contre Sarkozy. Et je n'arrive pas, malgré tous mes efforts, à oublier que Laurent Fabius a mené campagne pour le non au traité européen contre l'avis majoritaire de son parti. La tradition de ce dialogue sans concession, condition de la victoire, passe dans le PS par François Mitterrand, par Lionel Jospin et aujourd'hui par François Hollande. 

mardi 20 septembre 2011

salut au drapeau

Bonne idée que ce salut au drapeau. Je propose que tous les propriétaires de capitaux qui fuient l'impôt national soient contraints de saluer le drapeau en jurant de payer leurs impôts à la nation.

samedi 17 septembre 2011

en rues libres

            Pendant vingt ans, des critiques venant de la droite, de l'extrême-droite et de l'extrême radicalité laïque ont stigmatisé les musulmans qui priaient dans la rue. Pendant vingt ans, la gauche socialiste, les progressistes, les antiracistes naïfs ou généreux, réclamaient un lieu de culte comme solution aux prières dans la rue. Daniel Vaillant a suggéré des casernes désaffectées. Claude Guéant, le ministre des rues envahies, s'est frappé le front, mais c'est bien sûr, comment n'y ai-je pas pensé plus tôt? Les musulmans de la Goutte d'Or ont quitté les rues Polonceau et Myrha, les photographes et les cameramen du sensationnel sont au chômage technique. L'habitant de la Goutte d'Or qui remonte chez lui avec son caddy à l'heure de la prière du vendredi ne peut plus s'énerver que contre les vendeurs à la sauvette, chrétiens, bouddhistes, musulmans et athées, des marchands de maïs chaud, des évangélistes et des marabouts et des stands de téléphones qui permettent de dire "je suis dans le métro" à un oncle de Bamako. Si on trouvait un lieu, une caserne désaffectée peut-être, un supermarché de la contrefaçon, un dépôt vente de cigarettes de contrebande ou un comptoir de drogues, une galerie marchande des religions, l'habitant de la Goutte d'Or pourrait rentrer chez lui tranquillement, sans pester contre les obstacles. Pas impossible qu'il soit un peu frustré, car on s'habitue à râler.

            Cet incident comporte une leçon politique. Si pendant vingt ans, on a montré du doigt des fidèles en prière dans la rue en dénonçant les atteintes à la République et à la laïcité, sans leur trouver un lieu de prière, l'important n'était pas la solution, mais la dénonciation. La stigmatisation. Si on ne construit pas de logements en nombre suffisants, il y aura des personnes qui dormiront dans la rue et dormir dans la rue est une atteinte sans doute plus grave à la République que de prier sur le pavé. Si on ne distribue pas des seringues propres, les usagers de drogue s'injecteront les hépatites en même temps que leur produit. S'il n'y a pas de lieux pour consommer proprement, les usagers consommeront sur les trottoirs.

            J'entends les objections. Comment peut-on comparer la religion à une drogue? Comment assimiler la consommation de drogues à des rites religieux? Il faudrait trouver un lieu où pourraient se débattre de telles questions.   

fête de l'huma

            Année après année, les dirigeants communistes dénoncent les trahisons des socialistes français, leur renoncement devant le grand capital. Les résultats de ces campagnes permanentes ont des effets: dans les débats à la fête de l'Humanité, Besancenot est applaudi chaleureusement par les participants, pas pour les résultats qu'il a obtenus, parce que l'unité de mesure de son bilan est le nanomètre, mais pour ses dénonciations de la social-démocratie qui a trahi et ne veut pas faire la révolution, et il somme la gauche de faire la révolution et de renverser le capitalisme. Sinon tout de suite, au moins la semaine prochaine. Et François Hollande se fait huer et chahuter parce qu'il ne promet pas de faire la révolution dès la semaine prochaine.

            Cette année, c'est Mélenchon qui va remplacer Besancenot dans le rôle de procureur de la social-démocratie, qui va dénoncer le rôle des socialistes au FMI, ces massacreurs des peuples, ces affameurs, ces criminels. Il sera vivement applaudi par les révolutionnaires de la fête de l'Huma, et il s'arrêtera dans les stands de la cité internationale pour serrer les mains des représentants de Cuba. Martine Aubry sera chahutée comme François Hollande les années précédentes.

            Je me réjouis que François Hollande n'ait pas été chercher un brevet de gauche à la fête de l'Huma.

vendredi 16 septembre 2011

débat primaires

Vendredi 18 septembre 2011. Après le débat des primaires socialistes.

            Le débat devant écran ordinateur, quatre hommes deux femmes sur l'écran, dans la salle quatre hommes deux femmes. Une femme dit que l'un des hommes sur l'écran s'est teint les cheveux, exclamations des hommes on n'aurait jamais du leur donner le droit de vote, voyez ce qui les intéresse, la couleur des cheveux, s'il est mignon ou pas…Un homme qui dirait, comme souvent, que l'un des candidates a un joli minois, on ne dirait pas "on n'aurait jamais du leur donner le droit de vote". Une majorité d'hommes devant le débat. Les compagnes ne sont pas venues. Fuite devant des réflexions sexistes? Mêmes dites sur le ton de la plaisanterie, pas à prendre au premier degré, on s'aime bien, on se respecte tu le sais bien. N'empêche, les poids les plus légers, les plus aimables, contribuent à faire pencher la balance.

            Début de débat sur légalisation/dépénalisation des drogues. Ceux qui sont pour sont les plus éloignés de la victoire. C'est même le signe qu'ils ne se battent plus pour gagner. Il y a des sujets comme ça, la peine de mort, l'avortement, le divorce, qui ne sont jamais tranchés d'un seul coup par le vote, référendum ou élections générales, car les candidats sont peu portés à prendre parti sur des sujets qui vont leur éclater à la figure. Donc ce qu'on appelle les "sujets de société" avancent par à coups, par crise, comme l'euthanasie. Quand la société est mûre, une loi, un référendum entérinera les évolutions. 

mercredi 7 septembre 2011

les vérités du matin

            Francette Lazard et René Piquet, Les vérités du matin


Je n'attendais rien et je n'ai pas été déçu.

            Francette Lazard et René Piquet ont exercé des responsabilités nationales au PCF pendant les années 1960-1970. Ils sont toujours communistes. Ils sont tout heureux de s'être ainsi engagés. Ils ont tout accompagné. Ils ont accepté les mises au pas, les bilans globalement positifs. Ils se sont réjouis des ouvertures et mis les journalistes de l'Huma et de France nouvelle au pas, ils ont déploré les replis sectaires et exclu Henri Fiszbin et les dirigeants de la fédération de Paris. Puis ils se sont retirés sur la pointe des pieds, sans dire un mot et ils continuent à se taire, à bavarder sur le marxisme et sur la vitalité du concept de communisme.

            Ils racontent leurs doutes, leur rébellion. La scène de la fête de l'Huma de l'automne 1968 où René Piquet, chargé du discours de rentrée, négocie avec les membres du BP présents le choix entre "condamnation" ou "réprobation" de l'invasion soviétique à Prague est désopilante. S'il avait su, Dubcek aurait sangloté sur les souffrances du jeune Piquet et savouré la chance qu'il avait d'être communiste tchèque. En 1978, après la défaite de la gauche, Francette Lazard est consternée par le discours ouvriériste et sectaire de George Marchais. Elle s'approche de Henri Fiszbin et lui demande de réagir: Toi, tu es un ouvrier, ils t'écouteront. Chère Francette, je t'assure qu'on t'aurait écoutée. J'en suis certain. Je mettrais ma main à couper. Et même aujourd'hui, on t'écouterait si tu te mettais à parler.

            Ils ne sont responsables de rien. Dommage. Sans regard critique sur le passé, le présent se brouille. Leurs mensonges d'hier résumés en "engagement" chaleureux et porteur d'espoir les enferment dans des choix sectaires ou dans les silences. Le bilan du gouvernement Jospin? : les privatisations et la mise en cause des grands acquis progressistes. Et aujourd'hui? L'alliance du PCF et de Mélenchon qui se proclame le nouveau Georges Marchais, dont le modèle est Die Linke dont le groupe refuse au parlement européen de condamner les crimes staliniens. Qui prend Hugo Chavez comme modèle. Qui dit et répète que le modèle social-démocrate est épuisé du haut de leur deux pour cent.

            Maxim Leo visite la France avec son grand-père Gerhard, ancien résistant et personnalité de la RDA. Ils sont invités par Gilles Perrault qui a une maison près d'Avignon avec piscine. Nous sommes en 1987. Régis Debray est là. Tout le monde trouve que la RDA est fantastique. Gilles Perrault dit que Maxim devrait être fier de vivre dans un pays révolutionnaire. Maxim n'ose pas le contredire. Mais comment peut-on habiter dans une villa pareille et chanter les louanges de la RDA? Les hommes rient, ils trinquent et Maxim se dit qu'il est bien agréable d'être révolutionnaire dans le sud de la France.

            En un tout petit paragraphe, Maxim Leo (Histoire d'un Allemand de l'Est) en dit infiniment plus sur le communisme français que Francette Lazard et René Piquet dans Les vérités du matin

square léon

Le square Léon est un concentré de la Goutte d'Or. Selon les heures, les jours, le temps qu'il fait, il attire ou repousse. Par beau temps, les retraités nord-africains jouent aux dames, les mère de famille surveillent leurs enfants comme une soupe sur le feu. Les garçons jouent au foot et au basket ou tiennent les murs. Des promeneurs utilisent l'allée centrale pour passer de la rue de la Goutte d'Or à la rue Léon. Le soir, les familles se retirent, les joueurs de dames se reposent, les groupes de jeunes se resserrent. Puis les grilles se ferment. Autour, les fumeurs de crack commencent leurs activités à l'abri des buissons. Comme ils paraissent inquiétants, la station Velib du square Léon a toujours des places si vous rentrez très tard, quand les autres stations sont pleines. Donc, selon les heures, les jours, le temps qu'il fait, vous serez attendri par les bambins et les ancêtres, vous aurez peur des capuchons, vous serez fiers d'une mixité de couleurs et de langues et contents de trouver une place pour votre vélo.

prière de rue

Des locaux vont être prêtés par les pouvoirs publics aux musulmans pour qu'ils prient à l'intérieur et plus dans la rue. Mes sentiments sont partagés. Mon cœur laïque accueille la nouvelle avec plaisir. On ne doit pas prier dans la rue, la religion est une affaire privée, etc. Mon cœur social et humanitaire n'est pas moins satisfait: la République permet à toutes les confessions de se pratiquer dans de bonnes conditions. Mon cœur d'habitant va regretter. Tous les vendredi, la rue où il habite était nettoyée dans les moindres recoins et devenait pour quelques jours l'artère la plus propre du quartier. 

dimanche 4 septembre 2011

la Ténarèze en VAE




 La Ténarèze en VAE

            La Ténarèze est un chemin naturel entre la Garonne et l’Adour dont la ville de Condom est  le centre. La région est plus connue sous le nom du département : le Gers, en raison de ses produits : magrets de canard, foie gras, Armagnac. Condom signifie préservatif en anglais et souvent les touristes anglophones se font photographier à côté du panneau de l’entrée de ville en montrant du doigt les lettres légères, en se tapant sur les cuisses et en rigolant stupidement. La ville tente de lancer un musée du préservatif et cherche à déposer le nom Condom comme une marque protégée, parce que des petits malins ont déjà tenté de commercialiser des préservatifs à l’Armagnac ou des bouteilles de Floc en forme de capote.

            En juin 2011, nous avons tapé randonnée vélos électriques (à assistance), un site apparut, une maison d’hôte à Condom, qui recevait des invités, leur louait des VAE (vélos à assistance électrique), et organisait des balades dans une région riche de vignes, de villas gréco-romaines, d’abbatiales, de cathédrales, de couvents, de tumulus et de routes départementales. Cette maison se nomme « Les Angelots », ce qui à Condom, ne manque pas d’épices. Enthousiasmés par cette description, par la perspective de visiter une région vallonnée interdite aux muscles affaiblis par l’âge, l’alcool, les mauvaises graisses et une vie dépravée, nous avons retenu un paquet cadeau comprenant trois nuits aux Angelots, deux journées de randonnées sur VAE, trois petits déjeuners, trois repas du soir avec apéritifs et vins tout compris. Pour une somme raisonnable.

            Sur le chemin de Condom, nous nous sommes arrêtés devant une église portant le nom de « Notre-Dame des cyclistes ». Une ancienne chapelle transformée en lieu de pèlerinage vélocipédique. À l’entrée du chemin, un arc de triomphe en porte le nouveau nom. Au bout du chemin, une grille d’entrée dessine en fer forgé la silhouette de deux draisiennes avec guidon extérieur dont peuvent se saisir les cyclistes pour une photo en situation. Les vitraux racontent le chemin de croix des sportifs à deux roues. Jésus-Christ grimpe le Tourmalet, le Pic du Midi, meurt au Mont des Alouettes et ressuscite aux Champs-Elysées. Devant l’église, une statue en pierre blanche de la Vierge Marie, toute neuve, bénie par le champion André Darrigade, remercie les cyclistes de respecter la Terre, création de Notre Seigneur. Photo d’Hélène sur VAE près de la Vierge. Sur un banc face au jardin de l’église, sont assises deux personnes âgées, très âgées même, avant on disait des vieux, maintenant on dit quatrième âge. Le monsieur dit à Hélène qu’il vient souvent ici avec son épouse car il a été coureur cycliste, champion amateur, mais il n’a pas voulu faire carrière car c’était un milieu pourri. Il aurait pu être professionnel et participer au Tour de France, mais il a refusé, malgré les nombreuses propositions. Il aime l’idée d’une chapelle dédiée à Notre-Dame des cyclistes et je les prends tous les trois en photo, en train de discuter, ainsi que les vitraux et les draisiennes en fer forgé.

            La gare de Condom n’existe plus, le train a expiré, les rails ont été remplacés par des coulées vertes. La voiture à assistance motorisée nous emporte. La route, le repas à Mont-de-Marsan où des travaux brouillent les souvenirs. Salades avec magrets de canard, toujours des magrets. Plus tomates, asperges, œufs durs, et magrets de canard. Gâteau basque ou salade de fruits en dessert. Se rappeler le quai Laboupillière, la maison d’hôte les Angelots que nous demandons en vain plusieurs fois jusqu’au succès à force de persévérance. Monsieur et madame Gheeraert sont mariés puisqu’ils portent le même nom encore que le hasard fait parfois bien les choses. Mais il est extrêmement rare, en tout cas, pour moi, c’est la première fois, et je pense que pour Hélène c’est pareil, que Dreant divorce de madame Dréant née Bricourt et se remarie avec une madame Dréant, divorcée de monsieur Chambrun, née Dréant. S’ils portent le même nom, ils pourraient vivre ensemble, en concubinage sans être remariés. Le nombre de gens qui divorcent et se remarient est étonnant, mais après tout, c’est leur affaire. Monsieur Gheeraert est en short et chemisette, Madame Gheeraert porte une blouse échancrée et un pantacourt. Ils devisent.

            Il ressort de ces conversations que Monsieur Gheeraert était enseignant dans des écoles primaires, d’abord en banlieue parisienne, puis quand il a compris l’évolution des situations à Montfermeil et Tremblay, a demandé sa mutation en Bretagne, parce qu’il ne voulait pas que ses enfants se fassent régulièrement racketter. Il a donc acheté une maison en Bretagne, près de Saint-Brévin, face à la mer, l’inconvénient de ces maisons face à la mer, que souvent les passants envient bêtement sans savoir, c’est que les touristes qui se promènent sur le jetée, traînant un sac avec une serviette de bains et des pommades protectrices, souvent s’arrêtent et sans gêne, sonnent ou frappent à la porte, ou s’approchent de la pelouse où vous essayez de faire la sieste et vous demandent une adresse de restaurant, est-ce que vous faites chambre d’hôte, pouvez-vous nous donner un verre d’eau pour le petit et comment refuser un verre d’eau à un petit déshydratée ou à sa grand-mère non moins déshydratée ? Ce qui semble le paradis devient vite un enfer, sans parler bien entendu du vent qui emporte des tonnes de sable et toute la nuit, on entend battre les grains de silex contre les vitres, on ne rend pas compte, et bien sûr, il faut refaire la façade tous les ans et qui paye, d’après-vous ? Madame Gheeraert était contrôleuse financière d’une institution et quand elle a rencontré Monsieur Gheraaert, là j’invente, je complète la charpente à partir de quelques ossements épars. Dans la villa gallo-romaine, les fouilles ont mis à jour deux squelettes d’adolescents un garçon, une fille, le garçon passait son  radius sous l’omoplate de sa bien-aimée et on les appelle les amants de Seviac et leurs squelettes attirent les regards des visiteurs émus qui expliquent à leurs enfants ou à leurs petits-enfants l’histoire de Roméo et Juliette, de Tristan et Yseult, de la Princesse de Clèves et d’Anna Karénine. Mais rien ne peut se prouver.

            Madame a eu le coup de foudre pour Monsieur et a demandé une retraite anticipée pour partir avec Monsieur. Ils ont vendu la maison de Bretagne et ont acheté à Condom une maison en ruines qu’ils ont retapée, et transformée en maison d’hôtes où deux pièces attendent les vacanciers, plus un garage qui contient six ou sept vélos à assistance électrique (VAE). Cette hypothèse s’appuie sur le fait que Serge mentionne « mes enfants » et que Madame de même parle de « mes enfants », ils ne disent pas « nos enfants » qu’on utilise quand on a fait les enfants ensemble et pas avec d’autres. Pour les petits-enfants, c’est différent, on peut dire « nos petits-enfants » sans les avoir fait ensemble puisque de toute manière, même si ce sont de vrais petits-enfants, on ne les a jamais fait ensemble ou alors, c’est très lourd à porter, comme secret.

            Nous n’en saurons guère plus. Madame a un fils dans la marine, il a passé presque un an sur la Jeanne d’Arc, et a plusieurs enfants qu’il ne voit pas grandir, il veut prendre une retraite anticipée et vendre ses compétences sur terre, pas loin de sa famille. Monsieur a des enfants aussi. Madame rêvait depuis longtemps d’accueillir des gens dans une maison d’hôtes et ils ont trouvé cette maison. Il s’entendent bien, Madame fait la cuisine, Monsieur s’occupe des vélos à assistance électrique, ils ont plein d’idées pour rendre le séjour des vacanciers le plus agréable possible. Et tout est bien.

            La cuisine est bonne, provinciale, gersoise, écolo, fabriquée à partir de produits du terroir, à portée de main, épices poussant dans le jardin, éleveurs proposant leurs produits. Condom est une petite ville de sept mille habitants où de nombreuses associations organisent des fêtes. De cette région viennent les Mousquetaires du Roi, qui étaient trois plus d’Artagnan. Sur la place de Condom face à la cathédrale qui mérite quelques pas à l’intérieur, un sculpteur russe a offert un ensemble en bronze des quatre mousquetaires de Dumas, les épées penchées vers le sol, les pointes regroupées en grappe de bronze, jurant de s’entraider, le serment des quatre mousquetaires immortalisés par Dumas. Les passants se font prendre en photo au milieu des mousquetaires, certains se mettant en garde comme s‘ils étaient un cinquième mousquetaire à la recherche des ferrets de la Reine et bien entendu je me glisse parmi eux et Hélène me prend en photo, elle passera désormais en diaporama sur l’ordinateur de Biarritz et peut-être aussi sur l’ordinateur parisien.

            Le Gers se spécialise en photos d’histoire. À l’Abbaye de Flaran, on prête aux enfants des habits de moine, capuches noires et robes de bure, qui courent dans le cloître en psalmodiant du rap grégorien. Les parents prennent des photos. Une animatrice raconte l’histoire d’un moine assassiné et les moines doivent retrouver l’assassin grâce à des indices. Il fait très chaud. À l’entrée de la Villa gallo-romaine de Seviac, des figures d’un seigneur romain et de son épouse, en robes d’époque, avec un trou à la place du visage et en plaçant le visage à la place du trou, on peut faire croire. Dans le village moyenâgeux de Larresingle, remis aux normes grâce à des bienfaiteurs de Boston récompensés par une plaque, à l’entrée du village, une silhouette en contreplaqué dessine un chevalier du moyen-âge, épee, armure, cotte de mailles, et à la place du visage, un trou. Derrière le contreplaqué, des marches permettent aux générations différentes et aux tailles diverses de se faire photographier en bouchant le trou de la silhouette par le visage, l’effet est saisissant. Rien qu’en quatre jours de voyage, nous avons pu nous faire photographier  près de draisiennes, dans un groupe de mousquetaires du Roi, en costume de romains et en armure du Moyen-âge. La Romieu est une abbatiale mondialement connue. Une collégiale.

            Les routes sont bien entretenues, peu de randonneurs, peu de cyclistes. Les côtes sont rudes même avec assistance, à cinquante kilomètres la première journée l’assistance électrique n’évite pas les crampes douloureuses qui prouvent que se préparer physiquement n’est pas un luxe. Moralement non plus, mais c’est plus facile.

            Nous retiendrons de cette épopée la mélopée du bien-être, de l’optimisme, du tout va bien. Nos hôtes s’entendent sur tout, ne se contredisent jamais, sont d’accord sur les détails et sur les sujets généraux. Les clients débordent de reconnaissance pour les vélos, pour la nourriture. Ils reviennent. Ils s’en vont sans plaisir. Dans un monde où tant de gens se plaignent de tout et de rien, où les difficultés s’accumulent et l’avenir se prive d’espoir, une telle satisfaction est rafraichissante. Pourtant, nos deux voyageurs sont sans pitié. Ils pensent que c’est trop. Qu’à trop insister sur le bonheur parfait, on cache des malheurs, des souffrances, des insuccès. La guerre dans de nombreuses régions du monde, le chômage qui fait fuir les jeunes de Condom vers les grandes villes, des maisons qui tombent en ruines et ne sont pas réparées, des commerces à vendre…Nous reviendrons à Condom pour d’autres randonnées, pour découvrir peut-être des blessures cachées.  

            Nous reviendrons à Condom, aux Angelots, ce n’est pas parce que c’est le paradis, mais justement parce que ce n’est pas le paradis car le paradis n’existe pas. Le paradis est un endroit où l’on ne peut jouir de rien puisque le mal, la souffrance, les manques, y sont inconnus. Si tout est bien, comment apprécier ? Or, nous avons découvert quelques petits inconvénients, qui ne seront pas sur le site de Condom, bien entendu, ils ne sont pas fous, ils veulent développer le tourisme et on ne développe pas le tourisme en montrant les failles. Par exemple : la signalisation des chemins de campagne est très incomplète et plusieurs fois nous nous sommes perdus. Nous avons retrouvé notre chemin grâce à la gentillesse des gens, mais le dépeuplement des campagnes raréfie les renseigneurs, il faut se mettre au travers de la route, mettre les bras en croix pour arrêter le tracteur et le conducteur dit d’où venez-vous ? Comment vous êtes-vous rencontrés ? Il dit aussi que dans le Gers, jamais on ne se perd. Il nous indique le chemin. Autre inconvénient : le floc, apéritif local, monte à la tête, c’est un mélange d’armagnac et de jus de raisin. Le pousse-rapière, cocktail d’Armagnac et de vin pétillant est non moins redoutable.  et si on ne fait pas la sieste après quelques verres de floc ou de pousse-rapière, on est ensuqué. Or, il n’y a guère d’endroits dans la Ténarèze pour faire la sieste et beaucoup d’endroits pour boire le floc et le pousse-rapière.