jeudi 22 décembre 2011

délinquance

            Claude Guéant propose une loi qui permettra de renvoyer dans leur pays les délinquants étrangers. En voilà une bonne nouvelle que tout le monde attendait. Donc, le président d’un pays africain qui dilapide l’argent public en voitures de luxe et en hôtels particuliers sera immédiatement renvoyé chez lui grâce à cette loi. Un prince arabe qui battra ses domestiques sera renvoyé chez lui grâce à cette loi. Un spéculateur canadien qui viendra proposer des produits financiers pourris sera renvoyé chez lui grâce à cette loi. Les citoyens français qui évitent de payer les impôts en se réfugiant en Suisse seront immédiatement renvoyés à Genève.

            Je suis pessimiste. Un pays où le ministre de l’intérieur peut proférer de telles inepties est forcément dans un état moral, politique et culturel inquiétant.

             

lundi 19 décembre 2011

héritage



Nous tous –bien qu’à des degrés différents- sommes responsables de la dérive de la machine totalitaire. Nous ne sommes pas seulement ses victimes, mais nous sommes tous en même temps ses cocréateurs. IL ne serait pas raisonnable de considérer le triste héritage des dernières quarante années comme quelque chose d’étranger, légué par un parent lointain. Nous devons au contraire accepter cet héritage comme quelque chose que nous avons-nous-mêmes contre nous. Si nous le prenons ainsi ; nous comprendrons qu’il dépend de nous tous d’en faire quelque chose.

Vaclav Havel, discours à la nation, 1 Janvier 1990.

le pen

Marine le Pen, C Politique, dimanche 18 décembre 2011


            On dit qu’elle a changé, que désormais, elle est présentable. À mesure que l’entretien se déroulait, face à une journaliste plus roublarde qu’il n’y paraissait, Marine Le Pen apparaissait de plus en plus comme la branche française de l’internationale brunâtre  qui hiérarchise les individus en fonction de leur appartenance octroyée, de leur religion, de leur langue, de leur histoire, de leur soumission, de leur allégeance, et prétend distribuer les ressources à partir de ce critère.

            La France est en crise pour deux raisons, la première parce qu’elle paie très cher son appartenance à l’Europe et à l’euro. La seconde, parce qu’elle n’a plus les moyens d’accueillir les étrangers. Marine Le Pen fermera les portes et les fenêtres, rouvrira les mines de charbon, renverra les étrangers pauvres chez eux, car ils coutent cher, ils pourrissent nos banlieues. Elle mettra fin au regroupement familial, et les naturalisés devront bien se tenir pendant dix ans sinon, on leur retirera leur carte. Avec les étrangers disparaîtront chômage et insécurité.

            Marine Le Pen dit qu’elle représente une force nouvelle qui n’a jamais gouverné. Gros mensonge. L’humanité a longtemps et partout été gouvernée au nom de ses principes. La peur de l’étranger qui est son fond de commerce se retrouve dans le temps et dans l’espace sous des masques différents. Depuis longtemps. La loi sur les pauvres en Angleterre était déjà lepéniste : les indigents devaient être rapatriés dans leur commune d’origine. Puisque les bourgeois de Birmingham payaient des impôts locaux pour financer l’asile, il n’y avait aucune raison, disaient les bourgeois de Birmingham, de payer pour les pauvres de Manchester. Donc il fallait renvoyer les indigents de Manchester dans leur paroisse d’origine.

            Marine Le Pen et le Front national n’ont rien inventé. Ils prennent dans l’histoire de l’humanité les traits les plus conservateurs, les plus égoïstes, les plus barbares et tout soupçon de solidarité, de justice sociale, d’ouverture aux autres leur apparaît comme insupportable. Marine Le Pen, c’est Monsieur Bumble qui hurle « What ! » quand Oliver Twist demande du rab. Regardez le film, vous verrez, ce sont les mêmes éructations.

            De nombreux pays appliquent les principes de Marine le Pen : stopper l’immigration, n’accepter comme citoyen que ceux qui acceptent les valeurs patriotes, fermer les frontières…Vous ne voyez pas ? Ouvrez les yeux : l’Arabie saoudite, Cuba, la Corée du Nord…là-bas, les principes du Front national sont au pouvoir et montrent leur efficacité : il n’y a ni chômage, ni insécurité dans les quartiers, ni déficit de la sécurité sociale. 

samedi 17 décembre 2011

racines


            Nolwenn Leroy est invitée par le journal de  20 heures de France 2 ce samedi 17 décembre 2011 pour expliquer le succès phénoménal de son dernier album qui s’intitule Bretonne. Nolwenn, par la voix et son aspect physique, ressemble comme deux gouttes de chouchen à toutes les jeunes chanteuses qui se lancent dans la chanson. Ce qu’elle a de plus que les autres, dit Nolwenn, ce sont des racines. Des racines bretonnes, des racines celtes.

            Commercialement, c’est un plus d’avoir des racines. Qu’elles soient naturelles ou en polymère n’a aucune importance. Un radis sans racines n’est qu’un bouquet de fanes, Charles Aznavour sans l’Arménie, Serge Gainsbourg sans l’Europe centrale, Georges Brassens sans les bistrots de Sète, James Joyce sans Dublin, les ballets Moïsseïev sans les steppes d’Ukraine, les danseurs de Riverdance sans le Connemara seraient tous comme Picasso sans Guernica et Émile Zola sans la Goutte d'Or.

            Je suis jaloux des gens qui ont des racines parce que j’en suis démuni. Les noms de mes ancêtres ne sont pas gravés dans le marbre d’un cimetière champêtre et la Toussaint, ce Noël des morts, avec des cadeaux pleins les cheminées crématoires, m’est inconnu.

            Le prochain album de Nolwenn Leroy sera celte ou ne sera pas. 

lundi 12 décembre 2011

confusion

               La même discussion se poursuit inlassablement. Peut-on comparer les crimes du stalinisme et les crimes du capitalisme? La guerre de 14-18 et le goulag? La famine en Ukraine et les massacres coloniaux? Inlassablement, je réponds, que parmi tous ces massacres, j'ai vivement combattu les uns et que j'ai soutenu les autres, que j'ai été militant anticolonialiste et justificateur des procès de Moscou. Que dans les pays communistes, c'est au nom de mes principes que ces dérives se sont produites. Et enfin, que ceux qui étudient l'histoire tragique du communisme sont généralement insultés et condamnés par les gens de gauche, encore aujourd'hui. Que le peuple allemand a écrit son histoire et continue de le faire alors qu'à Moscou, l'étude du stalinisme n'est guère populaire. La discussion ne cessera jamais, jusqu'à ce qu'elle devienne uniquement une question d'histoire pour les historiens. Il faut donc redire jusqu'à ce qu'on nous entende, c'est à dire jamais, que nous avons été complices, qu'il y a un négationnisme des crimes communistes qui est considéré comme respectable par une partie de la gauche.
               Une amie très chère me dit qu'au nom des mêmes principes, des mêmes complicités, tu devrais prendre position contre la politique colonialiste d'Israël dans les territoires occupés. Dérapage? Qu'Israël prétende parler et agir au nom des Juifs d'Israël et de la diaspora, que des organisations en France soutiennent Israël, les gouvernants successifs "au nom des Juifs" de France est une chose. Mais ce qui détermine ma position vis-à-vis de la politique israélienne n'est pas ma judéité, uniquement mes convictions, ma politique, mes engagements. On choisit d'être communiste, on ne choisit pas ses parents. Mieux vaut ne pas confondre.    

samedi 10 décembre 2011

chacun son tour

Met schon bei dir littéralement, ce sera bientôt ton tour. Se dit par exemple à l’occasion de la communion juive, qu’on appelle bar mitzva, et les invités disent aux plus jeunes, jaloux des cadeaux : met schon bei dir. Bientôt ce sera ton tour. Je ne l’ai jamais entendu, ma famille n’était pas religieuse. Le jour du mariage, très souvent, on l’entend, met schon bei dir : ce sera bientôt ton tour de te marier, répéter à l’adresse de l’aînée de la famille dont les parents se désespèrent parce qu’elle n’est pas encore mariée. Met schon bei dir. Ce que j’entendais comme la promesse de rapports sexuels avec l’autre sexe, bientôt ce serait mon tour. Met schon bei mir. Ce serait bientôt mon tour. Je sentais bien que ce serait bientôt mon tour. Je le sentais bien. Met shon bei dir ne se dit jamais à un enterrement. 

vendredi 2 décembre 2011

blog

Samedi 3 décembre.

            Un blog est un journal à ciel ouvert. Vous écrivez et des yeux lisent au dessus de votre épaule en direct. Un journal est secret. Un blog est public. Un journal s’adresse aux archivistes, un blog aux électeurs. Dans un journal, vous pouvez tout dire sans risquer de procès, dans un blog vous ne pouvez rien dire sans risquer une polémique.

            Imaginons que par suite d’une aberration, d’une rupture d’anévrisme, d’un court-circuit, d’une pause biologique, la personne responsable des mots se trompe et prenne un blog pour un journal intime et un journal intime pour un blog. Pour l’historien de demain, le journal intime aura disparu, puisqu’il était fait pour l’avenir et qu’il prend la place du blog, il ne lui reste plus que le blog. Mais il ne saura pas que c’est un blog, et il prendra ce blog pour un journal intime. Il aura tout faux.

            Le manieur de paroles s’en trouve bloqué. Comment savoir s’il ne confond pas déjà maintenant, aujourd’hui, hier, ce matin, blog et journal intime ? Il doit redoubler de prudence. N’inscrire sur le blog rien qui puisse affecter ses relations les plus chères, c’est souvent le cas d’un journal intime et c’est pour cette raison qu’un journal intime ne doit être lu que lorsque tout le monde est mort. Et n’inscrire dans le journal intime rien qui puisse éloigner les électeurs.

            Il va falloir jouer serré.