dimanche 28 avril 2013

vices privés vertus publiques


            Les discussions sur le site de JBC méritent un instant de réflexion. Entre les dénonciations d’Emmaüs qui expulse des locataires et les mille manières des médecins de profiter du système, l’affaire Cahuzac ne cesse pas de nous entraîner vers des impasses. Un parti politique a pour objectif de politiser les comportements et non pas d’émietter la politique. Je ne dis pas que les situations décrites sont vraies ou fausses. Je dis seulement que nous quittons notre domaine de compétences. Ou alors poussons la logique jusqu’au bout : dressons la liste des responsables syndicaux qui plongent dans les budgets des comités d’entreprise, des enseignants absentéistes, des policiers ripoux. Ce sont là des domaines qui regardent les ordres de métier, les syndicats, les juges, les prudhommes, les journalistes. Que le pouvoir politique leur permette de faire leur travail, mais qu’il ne le fasse pas à leur place, sous peine de tragiques confusions. 

lundi 22 avril 2013

nostalgie


Nostalgie


            Avant les autoroutes, les vieux du village regardaient passer les voitures pendant les migrations estivales. Aujourd’hui, ils passent les heures devant l’écran, la tablette et le journal, où défilent les mêmes images, résonnent les mêmes mots. Crise morale, crise du système, crise de société, mariage pour tous, homophobie, attentats ; François Hollande plonge, le groupe socialiste au parlement est affolé, nuages, tremblements de terre.

            Aux États-Unis on ne parlait que des Tea Parties, mais c’est Obama qui a été élu. En France, on ne voyait que Mélenchon et Marine le Pen, mais c’est Hollande qui a été élu. En Irlande du Nord, on ne voyait que les paramilitaires, mais c’est le processus de paix qui se met en place. Au Pays basque, c’était la terreur entretenue par l’ETA, mais les armes se sont tues.

            Envisager le pire à notre porte provoque une exquise souffrance. La vie quotidienne n’est pas toujours drôle, les guerres mondiales noircissent les manuels d’histoire et les révolutions se cachent dans la couleur des cravates. L’excitation se réfugie dans les séries télévisées, les films catastrophe, les journaux de vingt heures. A côté des chocs monstrueux entre partisans et adversaires du mariage pour tous, la bataille de Verdun ressemble à une partie de pétanque.

            Sur la longue durée, les dictatures s’effondrent, les guerres reculent, les compromis se nouent, les homosexuels se marient, les femmes violées portent plainte, la famine tue moins d’hommes, on assassine moins et on divorce plus. Alors, forcément, on s’ennuie. 

dimanche 21 avril 2013

souffrances


            Dimanche 21 avril 2013, sur France 5, un documentaire sur les artistes français et le PCF. Défilent Marcel Trillat, Raoul Sangla, Jack Ralite, Aragon, Jean Ferrat, Simone Signoret et Yves Montand, faut-il aller à Moscou ou pas après Budapest ? Marina Vlady applaudie à Moscou. Gérard Philippe et la troupe du TNP en tournée triomphale. Tous disent comment cette période fut douloureuse. Dès qu’un communiste exprimait des doutes sur l’URSS, il était ostracisé, devenait ennemi du peuple, de la classe ouvrière, complice de l’impérialisme.  

            Je regarde les images étonné. Si l’émission vise à faire comprendre comment l’aveuglement collectif fut possible, elle est travail d’histoire. Mais elle interroge des acteurs engagés qui parlent aujourd’hui, en 2013 et savent tout. Les camps, les tortures, les massacres, les famines. Pour tous, ce qu’ils retiennent de cette période, c’est leur souffrance, indicible souffrance. Les camps, les tortures, les massacres, ont fait saigner le cœur des intellectuels engagés dans le combat communiste en France.  

            Si les intellectuels évoquaient les guerres coloniales et les massacres comme cause de souffrances morales indicibles, si les intellectuels parlaient de l’esclavage en disant que les navires cercueils leur ont brisé le cœur, si des conférenciers racontaient comment ce leur fut  une épreuve morale d’aller officier à Pretoria pendant l’apartheid, nous pourrions les réconforter en rappelant d’autres douloureuses épreuves.

            Dans la France occupée, des artistes et des intellectuels allaient se produire en spectacle dans l’Allemagne nazie. Imaginons que quarante années plus tard, ils disent « quand on a appris ce qu’était le nazisme, nous avons eu le cœur brisé », sans évoquer le fait qu’un petit peu, en allant se promener gaiement dans les rues de Berlin, ils étaient un petit peu, pas beaucoup, mais un petit peu, complices des bourreaux. Imaginons. On a du mal à imaginer que le fil qui a servi à coudre les étoiles jaunes et roses sur les costumes rayés leur a aussi cousu les paupières.

            Je regarde l’émission et je constate que les artistes engagés des années cinquante ont beaucoup souffert de leur engagement. Le cœur d’Aragon saignait, une véritable hémorragie. Pendant ce temps, on fusillait les écrivains, les artistes, les paysans, les ouvriers, les intellectuels, qui ne se rendaient pas compte à l’époque à quel point ils faisaient saigner le cœur des intellectuels français. 

samedi 20 avril 2013

le loup

Quand un enfant a peur du loup, on le prend par la main, on l’amène dans le couloir on allume la lumière et on lui dit tu vois, il n’y a pas de loup. Quand des adultes ont peur du loup, on les prend par la main, on les amène dans le couloir et on leur dit : tu vois, il y a des patrouilles de CRS, ils vont mettre le loup hors d'état de nuire.

mercredi 17 avril 2013

bonheur privé, malheur public


            Les enquêtes d’opinion nous le répètent : les Français se déclarent majoritairement heureux dans la sphère privée, ils sont satisfaits de leur vie familiale ou individuelle, mais sont malheureux dans la sphère publique. (Yann Algan, libération, 2 avril 2013. Parmi les raisons de l’insatisfaction, les inégalités. La France a l’un des niveaux d’inégalité les plus bas en Europe. Mais c’est en France que les inégalités sont perçues comme beaucoup plus injustes que dans les autres pays.  Or, ce sentiment est parfaitement justifié. La société française est très hiérarchisée et si le malaise à l’école notamment est si fort, c’est que la France est le pays d’Europe où le déterminisme social et économique explique le plus les réussites scolaires. Surmonter ces blocages aurait donc des effets sur le bien-être général.

            Ruwen Ogier (Libération, 2 avril 2013) ne regrette pas cette insatisfaction : si les Français sont moins heureux que les autres peuples européens c’est qu’ils accordent moins d’importance au bonheur qu’à la liberté, la justice sociale, la solidarité. Même si cela les rend plus malheureux. Et il cite John Stuart Mill : "mieux vaut être un Socrate malheureux qu’un imbécile heureux ".

            Je ne suis pas certain qu’on puisse choisir. Mais mon expérience de militant le confirme. Il y a des formes d’engagement dans la vie publique qui visent à rendre les gens heureux : les cours de yoga, les religions pentecotistes, la relaxation, les régimes bio, les rassemblements festifs, la distribution de drogues légales ou illégales. Ne les méprisons pas. Ils sont à la fois agréables et nécessaires. L’engagement politique est d’une autre nature : il vise à créer du mécontentement pour changer, réformer, faire bouger les lignes. Il vise à transformer des imbéciles heureux en Socrates malheureux. Pas étonnant que le militant politique ne soit pas toujours bien accueilli. 




mardi 16 avril 2013

Velo et ZSP


Vélo et ZSP mardi 16 avril 2013


            Il est neuf heures trente, B. et moi tirons la valise à roulette sur le trottoir nettoyé comme tous les matins, nickel, le temps est clair, deux ou trois distributeurs de prospectus, nous allons prendre le train pour Biarritz. Le quartier est propre le matin et sale le soir. On pourrait en tirer la conclusion que les gens le salissent. Mais d’un autre côté, ce sont aussi des gens qui le nettoient. Le propre et le sale sont les résultats d’activités humaines.

            Des gens marchent vers le métro, ils vont travailler. Un car de CRS stationne en bordure de la piste cyclable. Nous nous arrêtons au kiosque pour acheter Libération. Pendant que je paie le marchand, j’entends un choc, un bruit, des paroles, des cris. Je me retourne. Moi, je n’ai rien vu, je payais le journal. B. attendait avec les valises à roulette près de la piste cyclable. Elle a tout vu.

            Elle a vu la porte du camion de CRS s’ouvrir brusquement, une cycliste arrivait sur la piste cyclable, elle a heurté la porte, elle était sonnée, étourdie. Nous avons regardé, nous avions un train à prendre. Les CRS entouraient la cycliste, ils étaient attentionnés.

            Il arrive, pas souvent, mais ça arrive, que le camion de CRS ou de police stationne à moitié sur la piste cyclable.

            Rue Polonceau, il arrive souvent que des voitures de police remontent la rue étroite à grande vitesse (apparente), la corne de brume à fond, le signal d’alarme sans raison, il y a deux ou trois jours, une voiture de police était ainsi à fond, il n’y avait aucun véhicule devant ni derrière, pourquoi la sirène d’alarme, pour réveiller quel dormeur, avec un motard devant et un motard derrière, tous feux allumés, les sirènes à fond, à pleine vitesse.

            Au métro Château-Rouge, à l’intérieur, parfois des agents de la sécurité ou des policiers stationnent. Les voyageurs qui passent sans ticket refluent alors vers le sas, la vague des voyageurs en reflux heurte la vague des voyageurs en flux, les gens se bousculent, on crie, on se heurte, c’est tous les jours miracle que personne ne soit sérieusement blessé.

            Dans une zone où la sécurité est prioritaire, il arrive que la police soit facteur d’insécurité. 

lundi 15 avril 2013

Le petit Nicolas


Le Petit Nicolas

 

            Je  viens de discuter avec des partisans déclarés de Max Brisson. Ils sont vent debout contre les impolitesses, les incivilités et la délinquance de la ville de Biarritz. Ils ne nous parlent pas de Sevran, des quartiers Nord de Marseille, ni de Caracas, ils nous parlent de Biarritz. Ils nous disent que la police municipale ne fait pas son travail. Que des jeunes fument des joints sur la grande plage sans être arrêtés, qu’ils pissent dans les rues autour des cafés et font du bruit. Que ça devient insupportable. J’ai l’impression de me retrouver à la Goutte d'Or où j’habite une bonne partie de l’année. Vont-ils demander à Manuel Valls de classer Biarritz en Zone de sécurité prioritaire ?

            Ils me disent aussi qu’avec Max Brisson, ça va changer. Qu’il va reprendre les choses en main. Que la police municipale sera enfin dirigée d’une main de fer. Biarritz va redevenir paisible.

            En écoutant les soutiens de Max Brisson, la similitude avec le Grand Nicolas est apparue évidente. Le Grand Nicolas avait gouverné sous l’autorité de Jacques Chirac, mais le président s’était assoupi. Avec le Grand Nicolas, ça allait changer. Le Grand Nicolas avait rongé son frein, n’avait pas pu mobiliser les peurs et les inquiétudes. Désormais, ce serait tolérance zéro.

            La France a eu le Grand Nicolas. Biarritz a le Petit.

changer de nom


Pour éviter les récupérations, les stigmatisations, changeons de vocabulaire. Le voile est devenu explosif. Je propose de remplace le mot, désormais, par « soutien-tête ».

dimanche 14 avril 2013

tempête au centre


Les économistes qu’on pourrait classer à droite  pensent que le marché, sans intervention de l’Etat, est le plus efficace pour lutter contre la pauvreté. Les richesses produites irriguent toute la société. Stiglitz fait partie des économistes qui ne font pas confiance, qui pensent que le marché ne se soucie pas de pollution, par exemple, ou de recherches fondamentales. Il pense que la réduction des inégalités et la lutte contre l’extrême misère coûte moins que les politiques conservatrices. Car les inégalités coûtent cher, en conséquences sociales, en maladies, en conflits, en violence. Il est de l’intérêt de tous que l’Etat intervienne.

Tuer le marché, perturber la concurrence, crée les conditions d’une société dictatoriale, Pinochet ou Poutine, Staline ou Hitler. Le laisser-faire, poussé jusqu’à l’extrême, pousse à cette solution, les plus forts sont toujours  plus forts, les riches toujours plus riches, le peuple est mécontent, il se révolte et arrivent au pouvoir des chefs de guerre ou de clan. Je ne veux pas être gouverné par les émules de Chavez. Les deux directions dont je ne veux pas sont incarnées en France par Mélenchon et Sarkozy/Le Pen. François Hollande est au centre, là où les vagues se heurtent. Dans le chaudron. Dans les circonstances actuelles, où tout pousse vers l’extrémisme, le repli égoïste,  être au centre gauche est la position la moins populaire. Il faut combattre les impasses de la colère et les crispations corporatistes. Imposer le compromis là où tout pousse à l’affrontement.

La politique, le long travail de conviction, de dialogue, prend encore plus d’importance au moment où elle semble échapper y compris aux militants. Expliquer longuement, patiemment, rudement, les choix. Des exemples ? à la pelle. Devant les familles en détresse, avec des enfants à l’hôtel ou dans la rue, expliquer qu’il est de l’intérêt de tous de ne pas tous les reloger ensemble dans les mêmes ensemble, exige une force de conviction peu commune quand la pression sur le logement social est forte.

Le gouvernement doit faire de la politique, et le parti majoritaire aussi. Que la ligne soit claire et défendue. Quand je vois au conseil national du PS une délégation d’ouvriers de PSA  envahir la réunion et que deux ou trois élus se lèvent pour les applaudir, mon sang ne fait qu’un tour. On peut discuter. Valait-il mieux Mélenchon à l’intérieur du PS ou à l’extérieur ? Le PC dans la majorité ou dans l’opposition ? Quand Marie Noëlle Lienemann se leve pour applaudir, je préfèrerais la voir dans un meeting avec Pierre Laurent et Mélenchon, au moins les choses seraient claires.

jeudi 11 avril 2013

racisme


Dans la rame de métro montent des couleurs, des accents, des langues, des bruits, des mots. Des adolescents portent capuche, écoutent de la musique dont les voisins perçoivent les percussions et les grésillements. Des femmes obèses portent des enfants qui crient. Ces gens ont des couleurs, des vêtements, des accents, des mots, qui les enferment de manière visible, donc évidente, spectaculaire, dans leur couleur, leur quartier, leurs ancêtres. Puisque tout est évident, tout est si clair, comment éviter d’enfermer les gens que nous voyons, que nous entendons, dans leurs seuls signes apparents ?

Il suffit de ne pas se laisser enfermer, à notre tour, dans le rôle d’un observateur abruti et dénué de réflexion. Dans la foule, essayons de distinguer, d’individualiser. Un jeune homme porte serviette, chaussures cirées, cravate, iPhone. Il parle à son voisin d’une base informatique à redéfinir, avec l’accent d’un étudiant cultivé. Il est noir. Mais d’un seul coup, sa couleur a disparu, il est ingénieur informaticien, il parle comme un gendre souhaité, ses chaussures brillent, sa chemise est blanche, sa cravate Hermès, il a un bon salaire. Chez les autres, nous oublions, paresseux que nous sommes, que l’obésité, le parler fort, les tenues provocatrices, sont liés à la misère. Ça ne les rend pas plus agréables, ni plus supportables. La misère n’est pas agréable, n’est pas belle, ni au soleil, ni dans la rame de métro. Ces traits n’ont rien à voir avec la couleur ou avec l’accent. Ce sont des comportements de misère. Ils peuvent être Roms en Hongrie, Andalous en Espagne, Irlandais à Liverpool, Auvergnats à la Goutte d'Or, ils parlent fort, ils sont obèses, parce qu’ils sont pauvres. Quand ils ont un bon travail, qu’ils sont bien payés, la couleur de leur peau, leur origine géographique ou ethnique, se dissipent. Il ne reste plus que les chaussures cirées et la chemise blanche.

lutte de classes


     Dans mon quartier les pauvres roulent en voiture, les très pauvres marchent à pied ou fraudent dans les transports en commun et les bourgeois roulent à bicyclette. La lutte de classes se mène donc à front renversé. Avenue Mozart, en haut de l’échelle sociale se trouvent les berlines avec chauffeur, puis les chauffeurs sans berline, puis les propriétaires de twingo et autres cabriolets d’occasion, puis les motocyclistes de grosses cylindrées et tout en bas de l’échelle sociale, les cyclistes. Tout en bas, parce qu’il n’y a pas de piétons. Les piétons se font immédiatement contrôler, arrêter, expulser, renvoyer, verbaliser, menotter, sermonner. Parfois, le propriétaire d’une berline, quand il descend de son véhicule voit un piéton, il lui donne une pièce, car un piéton, dans certains quartiers, ne peut être qu’un marginal dépouillé de tout. Là-bas, donc, les choses sont claires. Du côté de La Muette, de Jasmin, du Bois de Boulogne.

            Chez moi, c’est différent. Les très pauvres peuvent se promener ici sans risque de contrôle et de menottes car il y en a beaucoup trop. Ils se promènent tranquillement dans les ruelles étroites, sur les trottoirs ou sur la chaussée. Les pauvres, qui viennent souvent des villes de banlieue et des départements désignés, ne peuvent pas marcher à pied sous peine d’être confondus avec le lumpen prolétariat et ils ne veulent pas. Comme ils ont des enfants et des paquets de légumes pesants, ils ne peuvent pas se déplacer à bicyclette, il ne leur reste plus que la voiture. Ils viennent ici avec leur plaque d’immatriculation neuf trois, ou sept huit, roulent lentement en file unique dans ces rues étroites, klaxonnent au premier ralentissement, se garent n’importe où en laissant les enfants et leurs sacs dans la voiture pendant que monsieur va boire une bière et madame se refait les ongles, parfois même en laissant le moteur allumé, en hiver.

            Les vélos sont les instruments ici des classes supérieures. Comme les aristocrates dans leur calèche, ils passent haut perchés sur leur selle et sonnent leur timbre customisé tout en criant « oh là, manant, tu me laisses passer ? ».

Hier, pour aller à la gare Montparnasse attendre ma belle, il restait un vélib sous la station de métro. Les piliers sont recouverts de fiente de pigeons. Dans un recoin, un monsieur pisse. Une demoiselle arrive en même temps que moi. Elle me voit, avec ma canne, mes cheveux gris et me regarde effrontément : j’étais là en même temps que vous. Je lui dis : ce vélib me revient au bénéfice de l’âge. Elle accepte l’explication et s’en va. Je glisse ma carte d’abonnement, le voyant vert clignote, mais le vélo reste coincé. Je répète l’opération avec ma deuxième carte d’abonnement. Le vélo reste toujours coincé. La demoiselle est partie. Je descends dans les entrailles du métropolitain et je trouve une place assise au bénéfice de l’âge.

Que veut dire exactement « au bénéfice de l’âge » ? Ça veut dire, une demoiselle arrive en même temps que vous devant le seul vélib qui reste dans la station Barbès où fiente et pisseurs entretiennent une ambiance glauque, alors que si j’avais été jeune, j’aurais dit « bien entendu, je vous laisse le vélo, habitez-vous chez vos parents et plus si affinité ». Au bénéfice de l’âge, ça veut dire : j’échange le vélo contre votre âge ». Vous prenez le vélib,  je vous donne mon âge. An bénéfice de l’âge, ça veut dire une place assise dans le métro si vous avez une canne, un vélib à Barbès qui reste coincé. 

mardi 9 avril 2013

groupex


Réunion groupex 8 avril 2013

Jacobo Machover, auteur de La face cachée du Che a débattu avec Olivier Besancenot auteur de Che Guevara, une braise qui brûle encore sur LCP en octobre 2012. Il a cité des paroles du Che qui étaient de véritables appels au meurtre révolutionnaire. Il a rappelé que le Che invitait parfois des amis, à assister à des exécutions, généralement vers trois heures du matin. Olivier Besancenot répondait que ces « détails » n’étaient  utilisés que pour déstabiliser la révolution et les révolutionnaires. Qu’il ne fallait pas en parler. Avant Olivier Besancenot, d’autres dirigeants communistes affirmaient que les procès staliniens étaient des détails qui servaient à déstabiliser la révolution. 

Mireille Bertrand parle de ses voyages à l’étranger. Membre du Bureau politique, elle allait dans les pays frères, en délégation officielle ou en vacances. Une fois, les camarades ont cru qu’un autre membre de la délégation était le membre du BP. Ils l’ont conduit dans un wagon spécial pour lui tout seul. Les autres membres de la délégation se partageaient un autre wagon. Le lendemain, ils se sont rendus compte de leur erreur et se sont confondus en excuses. On imagine la sanction. En séjour à Cuba, avec Georges Séguy, on promettait aux amis français la visite de Fidel Castro.  Tous les jours on leur promettait la visite de Fidel. Tous les jours il fallait se préparer à sa visite. Puis un jour, on les a réveillés à trois heures du matin et emmenés dans un pavillon de réception à trois heures du matin. Fidel est arrivé avec sa suite, ses gardes du corps. Il parlait, on ne lui posait pas de question. Jacobo dit que ce cérémonial avait un sens : d’une part, le chef est très occupé et décide de l’emploi du temps des autres. D’autre part, le chef ne dort jamais, comme Staline au Kremlin, son bureau était allumé toute la nuit, et il ne dormait que quelques  heures le matin. Enfin, plus terrifiant, trois heures du matin c’était l’heure des exécutions et les gens tremblaient en attendant Fidel, ou le Che. La terreur était un moyen de gouvernement. C’est la différence entre Fidel et Chavez. Au Venezuela, ce n’était pas la terreur.

Pourtant, le Venezuela est l’un des pays les plus violents au monde. Dans les quartiers, l’Etat se dissout, remplacé par les conseils de la révolution. l’auto organisation du peuple. Les tribunaux populaires, les punitions sans jugement, mènent directement à la constitution de groupes mafieux.

Puis revient inlassablement la question : comment avons-nous pu accepter ? On nous demandait de condamner Laurent Casanova et Marcel Servin et la direction du Parti ne se contentait pas de condamner et de diffuser la condamnation, il fallait que les militants réunis en cellule ou en comité de section votent et approuvent la condamnation de Laurent Casanova et Marcel Servin. Nous n’avons pas exclu grand monde, mais nous avons voté, nous avons approuvé.

Puis nous avons parlé de la situation en France, les affaires, la tourmente. Nous avons dit premièrement que les responsables du PS sont recrutés et fonctionnent dans la connivence. Qu’ils sont incapables de recruter en dehors de leur cercle. Qu’ils refusent les différences. Les exemples sont nombreux de militants ouvriers, syndicalistes, politiques, que le PS n’a jamais réussi à intégrer. Lors des différentes crises du PC, les dirigeants exclus, condamnés, démissionnaires, n’ont jamais vraiment trouvé place au sein du PS. La liste est longue et pour ceux que nous connaissons, Henri Fiszbin, Charles Fiterman, Louis Régulier, et des membres de notre groupe. Nous adhérions au PS mais on nous considérait comme des repentis. Quand nous intervenons pour critiquer les « phrases de gauche », on nous regarde, c’est normal, nous sommes des anciens cocos et notre parole est dévalorisée. Nous disons que le PS est inapte à intégrer ceux qui ne font pas partie du cercle. Comment des dirigeants aussi talentueux que François Chérèque, Nicole Notat n’apparaissent jamais dans la liste de nos responsables ? Sont-ils approchés ? Leur demande-t-on une intervention, des remarques, des indications politiques ?

Nous sommes frappés par  l’inaptitude généralisée du PS à participer au débat politique. Les militants naviguent au gré du vent et des courants. L’exemple vient de haut. Sur la réforme scolaire, les réformes territoriales en Alsace, le nationalisme basque…  Comment peut-on gouverner avec un socle militant aussi fragile ?

Nous sommes des ex. Pas des anciens. Nous avons rompu avec le communisme. Les livres, les documentaires, les articles, les entrevues, portent généralement sur les anciens. Nous ne sommes pas d’anciens cocos, nous sommes des ex et cette rupture n’est pas nostalgie, n’est pas adieu aux armes. Elle est notre porte d’entrée dans la politique aujourd’hui.

jeudi 4 avril 2013

scandales


          Pendant combien de temps les viols se pratiquaient-ils en silence sans préoccuper la justice ? Pendant combien de temps les agressions sexuelles par des prêtres ou des pasteurs étaient-elles enfouies dans le silence des diocèses ? Pendant combien de temps placer de l’argent en Suisse ou agresser une femme de chambre étaient-ils considérés comme peccadilles ?

            Maintenant tout éclate et ces scandales publics donnent le sentiment d’une explosion de ces crimes et délits alors qu’ils signifient surtout que la société les supporte beaucoup moins. Le bruit qui les accompagne n’est pas exagéré. Il est bienfaisant, rafraîchissant, purificateur. Désormais, l’agresseur d’un enfant de chœur, le porteur de valise de billets, l’impudique client d’hôtel seront peut-être freinés par la menace de l’enfer.

            Dans l’immédiat, les dégâts politiques sont familiers. Comment se préserver ? Aucune police des mœurs ne décèlera des comportements inappropriés chez les futures cadres financiers, politiques, religieux. Aucun chien renifleur ne trouvera de l’argent sale dans les bagages. Aucun portique ne sonnera l’alerte devant une fuite fiscale.

            La seule solution, c’est de recruter beaucoup plus systématiquement les futurs responsables parmi des gens dont le patrimoine ne permet pas de fuir le fisc. Que les postes de responsables politiques, des ministres, des membres de cabinet, soient réservés à des hommes et des femmes qui ne sont pas soumis à l’impôt sur la fortune. 

lundi 1 avril 2013

écoles


Ecole
Il ne serait pas inutile d’analyser les convulsions scolaires comme un moyen par lequel se manifestent les immenses tensions dues aux inégalités du système. Le système scolaire français est caractérisé par une coupure profonde entre les filières d’excellence et le reste. « le reste » est vécu comme un échec. Il en résulte une course effrénée à l’excellence, une course sans fin. On quitte la Goutte d'Or pour traverser le boulevard, on quitte le public pour le privé et dans les maternelles les enfants doivent apprendre le chinois à quatre ans et la géométrie dans l’espace à six.

Les enseignants les mieux payés sont les professeurs des classes préparatoires. Et voyez Alain Finkelkraut, qui enseigne à Polytechnique. Son école s’est battue contre l’entrée des femmes, contre l’entrée des boursiers, mais il donne des leçons au monde entier sur la valeur du savoir et de la transmission des connaissances.

Cette fissure court tout au long du système. Toutes les matières peuvent devenir instrument de sélection : la dictée, l’orthographe, le latin, les maths. Toutes les pédagogies peuvent servir à renforcer les inégalités. L’échec se réalise très tôt et le rattrapage est difficile ou impossible. Il existe des « écoles de la deuxième chance », comme si tout l’enseignement ne devrait pas être une seconde chance offerte en permanence à tous.

Si tout est bon pour sélectionner, tout est bon aussi pour exprimer frustration et colère et les tensions qui agitent les sociétés scolaires ne sont surprenantes que si l’on n’intègre pas ce facteur. Tout le monde veut le bien des enfants, parents, enseignants et les élèves eux-mêmes et pourtant ils s’étripent sur les notations, les rythmes scolaires. Sans doute parce qu’on parle d’autre chose.

Les réformes dans ce domaine sont difficiles. Ceux qui sont du bon côté s’accrochent, ceux qui n’y sont pas veulent y entrer. Dans ces conditions, améliorer les maternelles, les primaires, le collège, est tout à fait nécessaire, mais si notre système d’enseignement continue de ressembler à un entonnoir renversé, les conséquences pourront être une sélection ressentie plus cruellement encore. Il faut démocratiser par le haut, desserrer l’étau, ouvrir les fenêtres, créer des aspirations et des respirations nouvelles. Les projets de rassembler patiemment prépas et filières universitaires vont dans le bon sens.

Et donner l’exemple. Que le PS insère de nouvelles couches sociales parmi nos élus et nos responsables. Qu’il organise des instituts de formation et de promotion de nouveaux cadres. Montrer l’exemple, c’est renoncer au cumul des mandats qui bloque la machine. Examiner la composition sociale des élus, des cabinets ministériels et se dire que limiter le recrutement à des anciens de l’ENA, de la presse, du marketing, de l’inspection des finances, c’est une vraie question politique.