La
mort est un examen sans oral. On est reçu dès l’écrit. Ça ne veut pas dire
qu’elle est un examen facile. Sharon se présente depuis sept ans déjà, sans
succès. Bouteflika a plusieurs fois été recalé. Nelson Mandela, pourtant
candidat brillant, n’a toujours pas surmonté l’épreuve. Il faut donc s’y
préparer et réviser tous les jours, dès la naissance.
après avoir donné de mauvais exemples, voici venir l'âge des bons conseils.
vendredi 28 juin 2013
jeudi 27 juin 2013
Vive le Front républicain!
Vive
le Front républicain !
Alors que la République s’adresse à
tous, les extrêmes bruns ou rouges s’arrogent le droit de définir la Nation , d’exclure, de
censurer, d’emprisonner, d’éliminer.
Leurs principes se vérifient dans leurs
relations internationales. Amitiés avec Poutine, Hussein, Castro. Relations au
Parlement européen avec les partis qui refusent de condamner les crimes
staliniens ou les crimes nazis.
Ces principes et ces politiques ont été
appliqués dans le passé dans de nombreux pays. Ils s’appliquent dans le
présent. Dans des pays que fuient les habitants. Des pays qui refusent les relations
internationales, qui ferment leurs frontières,
qui censurent, qui emprisonnent les opposants, qui pratiquent la préférence
nationale. Les modèles les plus achevés en sont l’Iran et la Corée du Nord, où le danger
de l’immigration clandestine ont été écartés et où la préférence nationale est
la règle. Des pays qu’il faut aimer ou quitter.
Telle est la ligne de partage ultime en
politique. La République
universelle contre les partisans du dépeçage, des divisions, des mises à
l’écart. Pourtant, devant les difficultés, la tentation des partis républicains
de droite et de gauche est de durcir le discours, de tirer à eux les couvertures
de l’extrémisme.
Le Front républicain a permis en son
temps de protéger la France
contre le danger communiste. La social-démocratie a été la pièce maîtresse de
ce rempart. À nouveau, la social-démocratie doit être la pièce maîtresse contre
les menaces qu’incarne le Front national.
lundi 24 juin 2013
le dernier éteindra la lumière
Réunion groupex 22 juin 2013
Le dernier éteindra la lumière
Nous
discutons à nouveau de l’avenir du groupe. Il est incertain. Surtout celui du
dernier. Celui qui fermera la porte et éteindra la lumière. Les autres ont un
avenir assuré. Ceux qui resteront paieront sa nécrologie, diront quelques mots
autour de l’urne. Mais le dernier ? Qui paiera, à qui, qui dira, à qui ?
Nous
savons que les associations d’émigrés ont pour première et urgente fonction d’assurer
un enterrement correct à leurs membres. Rapatrier le cercueil si besoin est.
Organiser la cérémonie religieuse ou laïque. Les cotisations d’associations sont
des tontines pour obsèques. Groupex n’a rien prévu. Il compte sur le hasard.
Jusqu’ici, ça a marché. Ça a marché parce que nous avons recruté quelques éléments
plus jeunes qui assureront notre avenir funèbre. Mais tout finira par avoir une
fin, nous le savons. Qui paiera l’annonce au Monde du dernier? L’avant-dernier paiera plein pot, mais il
paiera. Et encore, paiera-t-il, en sachant, puisqu’il est l’avant-dernier
dernier, que personne ne sera plus là pour payer la sienne ? Faut-il
compter sur une générosité sans retour ? Un altruisme à ce point désintéressé ?
Bien entendu que non. Il faut organiser. Comment ? Organiser la mort se
passe dans l’office d’un notaire. Nous placerons une cotisation modeste destinée
à financer les frais du dernier partant. Le billet du dernier voyage. Nous dirons
au notaire à quoi est destiné ce pactole. Il agira en conséquence. Nous lui
déposerons un texte passe-partout, puisque nous ne pouvons pas prévoir qui sera
le bénéficiaire. Bien. Mais qui lui annoncera l’événement ? Comment
saura-t-il ? Il faudrait que chacun d’entre nous dépose chez un proche
dont nous espérons qu’il nous survivra qu’en cas de disparition dernière, il
faudra donc lui déposer une liste qu’il devra soigneusement cocher à mesure
que, en cas de disparition finale, équivalent de fait à la dissolution du
groupe Groupex, il devra prévenir le notaire, en espérant que le notaire aura
lui aussi survécu.
Ayant
ainsi réglé les choses importantes, nous sommes passés aux desserts, la
situation politique en France, les urgences mondiales, les stratégies urgentes.
Faut-il avoir peur du Front national ? Le pouvoir socialiste est –il à la
hauteur ? Nous disons et répétons des banalités. Nous nous mettons à peu
près d’accord sur ceci :
La
croissance continue, les progrès constants, les montées du pouvoir d’achat, c’est
terminé. La toute-puissance du monde occidental qui lui a permis d’assurer ces
avancées continues est terminée. Elle est battue en brèche par le développement
des anciennes parties du monde soumises à un pouvoir colonial ou néocolonial. Chine,
Inde, Afrique, remettent de plus en plus en cause notre domination. Les anciens
pays du bloc communiste dont l’essor était entravé par le système entrent à
leur tour dans la danse. D’autre part, le débat écologique sur l’avenir de l’humanité
ne fait que commencer. Comment ne pas transmettre aux générations futures des
bombes à retardement ?
Pour
toutes ces raisons, la montée régulière du niveau de vie va cesser. Quel est l’homme
politique qui dira dans ses discours que le bien-être en augmentation est un
objectif impossible ? Il pourra le dire, mais il sera battu aux élections.
Nous
avons ouvert une autre bouteille.
dimanche 23 juin 2013
ZSP
Zone de sécurité
prioritaire 21 juin 13
Jeudi
20 juin 2013. Deux camions de CRS à l’angle Myrha/Barbès. Une voiture de police
face au marché Dejean. Debout, près de la portière, un officier de police
balance une petite bouteille de gaz lacrymogène. Aucune activité particulière
autour de lui, aucune tension. Sauf cette bouteille. Qui se voit, qui se
montre.
Les
vendeurs à la sauvette se sauvent quand les forces de police apparaissent et
reviennent quand elles s’en vont. Ils reviennent plus denses, plus épais, comme
si la patrouille barattait le lait ou fouettait une mayonnaise. Ceux qui ne
partent pas sont usagers de drogues, dealers, distributeurs de prospectus pour
coiffeurs ou abonnements de téléphone. La patrouille passe, le trottoir se
coagule. Le passage devient difficile. Les vendeurs de maïs, de cacahuètes, de
portables, de montres, de sacs, de cigarettes. Les piétons avancent de biais,
comme des brise-glaces au printemps.
Ils
sont sans papiers, ils sont clandestins, vendeurs illicites. Ils risquent des
amendes, l’emprisonnement, le rapatriement. Leur marchandise peut être
détruite. Qui sont-ils ? Qui leur parle ? Qui sait pourquoi ils sont
là ? Ils n’ont pas l’air affolés. Ils font un travail, qui consiste à
vendre n’importe quoi pour vivre et à jouer au chat et à la souris. Ils
surveillent et vendent en même temps. Quand ils courent, ils plaisantent. Les
mamas africaines courent moins vite et hurlent quand on leur confisque la
marchandise. Mais pourtant, elles aussi reviennent. Tous les jours. Quand il
pleut, ils se réfugient sous les auvents des magasins et les commerçants
tentent en vain de les chasser.
Vendredi
21 juin. 17 heures 30. Les abords de Château Rouge sont à nouveau engorgés. Quatre
policiers bavardent près du métro. Je me présente. Je suis un habitant du quartier.
Bonjour Messieurs. Comment ça se passe ? Vous faites du bon travail ?
L’un d’eux s’éloigne d’un pas vif. Il ne veut surtout pas parler. Deux autres
s’éloignent. Celui qui reste me dit son découragement. Ça ne sert à rien. Si on
appliquait vraiment la loi, amendes et prisons, Mais on les laisse faire. On ne
verbalise même pas. Profond désarroi. Ou bien ils fuient. Ou ils parlent, démoralisés,
sans objectif.
Vous
vous rendez compte des effets dévastateurs d’une telle situation ? Jour après jour, des uniformes, des fuites,
des étals repliés, des cartons abandonnés, puis ils reviennent, cinq minutes
après, une heure après, le lendemain. Aux citoyens, ces interventions apparaissent
coûteuses et inutiles. Les vendeurs à la sauvette ne sont même pas inquiets. Et
des policiers qui ont peur de parler aux habitants. Qui s’éloignent dès qu’on
leur pose des questions sur leur travail. Pourquoi pas des policiers toujours les mêmes
qui s’arrêteraient diraient bonjour aux habitants, la police de proximité. Au
lieu de ça, un quartier en état de siège, le désert des Tartares, on campe des
deux côtés. Sans résultat.
Je
vous dis tout ça parce que j’aime mon quartier, parce que je respecte le
travail de la police. Le travail des élus. Le travail des associations. Quand
on classe les écoles en ZEP, souvent les familles retirent leurs enfants, et le
ghetto est plus fermé encore. Si les choses continuent encore, le jeu actuel ne
sera pas seulement inutile, il deviendra dangereux. Les tensions seront plus
fortes, les habitants avides de calme se lasseront, ou seront encore plus en
colère. Ou ils partiront et il restera un quartier encore plus difficile à
vivre.
Il
n’est pas trop tard. Il n’est jamais trop tard.
dimanche 16 juin 2013
laîcité
Laïcité
Dans les écoles du Royaume-Uni, les
cours ou services religieux sont obligatoires pour tous les élèves. Si les
parents ne souhaitent pas que leurs enfants assistent à ces services, ils
doivent le faire savoir et « désinscrire » leur enfant (opt out). Une
pétition en Ecosse demande la démarche inverse : que les cours et services
soient réservés à ceux qui ont été inscrits par les parents (opt in).
Dans certaines entreprises anglaises, l’adhésion
au syndicat est obligatoire, la cotisation est prélevée sur le salaire et pour
ne pas payer, le salarié doit se désinscrire (opt out). Margaret Thatcher a
supprimé ce système et désormais, les salariés d’une entreprise doivent
demander leur adhésion au syndicat (opt in).
En Allemagne, tous sont soumis au
denier du culte, collecté avec les taxes, et qui ne veut pas payer doit le
signaler et se désinscrire (opt out).
Dans le monde entier, tous les usagers
de l’informatique sont obligés de recevoir des pubs et pour ne plus les
recevoir, ils doivent se désinscrire (opt out).
Qu’est-ce qui est le plus difficile ?
Se désinscrire des cours de religion, de l’adhésion syndicale, du denier du
culte ? Le plus difficile est de se désinscrire des publicités
intempestives. Pour ne plus croire, ne plus être syndiqué, un simple clic
suffit. Pour ne plus croire en la crème solaire, ne plus adhérer aux clubs de
rencontre, il faut cliquer sur tellement d’icônes que parfois on se décourage.
Une société totalitaire est une société
où il faut se désinscrire pour ne plus. Une société démocratique est une
société où il faut s’inscrire pour.
terrorisme
Terrorisme
L’IRA et l’ETA n’ont jamais compté plus
de quelques centaines de combattants actifs. Ces organisations représentaient
un problème politique majeur parce que leurs activités meurtrières étaient
considérées comme légitimes par une partie de l’opinion. Sans cet appui, une organisation
terroriste n’est qu’un problème de police. A mesure que le soutien politique se
retire, il ne reste sur la plage que des épaves de plus en plus visibles. Les
opérations de surveillance et d’infiltration sont plus efficaces et vient le
moment où le nombre de militants emprisonnés dépasse largement le nombre de
combattants en cavale. Recul politique et défaite militaire se conjuguent pour
permettre que s’engage un processus de paix. Les activités de police et les
campagnes politiques pour isoler les fous de la nation s’appuient et se
complètent.
Dans le contexte basque ou irlandais,
un citoyen disposait des références, des connaissances et des réseaux lui
permettant de s’engager. Avec le terrorisme islamiste, ces références, ces
connaissances et ces réseaux lui échappent. D’où un certain désarroi. Les
terroristes familiers avaient besoin d’un appui politique et cette nécessité
limitait l’atrocité de leurs actions. Les groupes islamistes ne semblent pas rechercher
un appui politique et ancrent au contraire leur notoriété dans les
condamnations universelles de leurs atrocités. Ne reste-t-il alors que le
travail de police ? On peut toujours penser, pour se rassurer, que la
manière dont les sociétés traitent les citoyens musulmans peut assécher le
recrutement de nouveaux terroristes. Mais ces groupes ne recueillent guère de
soutien parmi les musulmans français, britanniques ou Etatsuniens qui les
considèrent avec la même horreur que les autres citoyens de leur pays. Il ne
nous reste alors qu’à souhaiter plein succès à la police et à la justice de nos
pays.
discrimination
discrimination
En 2007, le gouvernement
nationaliste d’Ecosse a introduit la
gratuité des études universitaires. Le prix d’inscription était généralement
accusé comme principal facteur de discrimination sociale. Le Centre de
recherches en sociologie de l’éducation de l’université d’Edimbourg montre que
cette mesure n’a rien changé. Le nombre d’étudiants venant des catégories
modestes ou défavorisées n’a pas augmenté. L’étude compare avec le reste du Royaume-Uni,
là où les droits ont beaucoup augmenté : les écarts de recrutement restent
stables. La diminution des droits ou l’augmentation n’a pratiquement aucun
effet sur la discrimination sociale. En Irlande, où les droits ont été
supprimés en 1996, les résultats sont les mêmes. Donc, la réduction des droits universitaires
est un cadeau aux familles des couches moyennes. (source : The Scotsman, 11 juin 2013)
samedi 15 juin 2013
rectificatif
Rectificatif
Manger des œufs n’est pas l’équivalent
de consommer des fœtus. L’œuf n’est qu’un réceptacle pour recevoir la cellule
fécondée. Il est donc plus un placenta qu’un fœtus. Donc dans les auberges des
îles d’Orcade, nous mangions au petit déjeuner des placentas frits et pas des fœtus
brouillés.
vendredi 14 juin 2013
les Orcades
Les Orcades, 2 juin 2013-11 juin 2013
Nous
inventons une tradition. Une année, nous organisons un voyage en France,
l’année suivante, Tony et Pat organisent un voyage en Grande-Bretagne. L’an
dernier, nous avons vogué sur la Charente, cette année, ce fut les Orcades.
L’année prochaine, ce sera en France, peut-être dans le Périgord, avec des
vélos à assistance électrique. Chaque expédition se prépare en amont, comme le
Tour de France ou le Festival de Cannes. Les spectateurs ne s’intéressent qu’au
déroulement, mais le travail a commencé depuis la fin du Tour précédent.
Cette
année ce fut les Orcades, au Nord-Est de l’Ecosse, dans ces territoires où
l’été ne connaît pas la nuit et le jour est fâché avec l’hiver. Pourquoi
l’Ecosse est-elle plus exotique que la Charente, ou que l’Angleterre ? Ou
que Mimizan Plage ? Pourquoi donner rendez-vous à Edimbourg est-il plus
excitant qu’une rencontre à la sortie de la gare d’Angoulême ? Pour des
Ecossais, peut-être ressentent-ils le même frisson d’aventure quand ils
prononcent les noms de Palavas les Flots, Trouville ou Armentières ? Pour
nous, aller d’Edimbourg à Inverness, puis d’Inverness, prendre un train pour
Thurso, de Thurso, prendre un ferry pour Stromness et à la sortie du ferry, emprunter
un taxi pour Kirkwall, rien que de prononcer les noms, les yeux brillent. Plus on avance vers le Nord, plus le soleil
est lumineux, plus le train est tortillard, plus les ferrys se multiplient
comme poussins au printemps. Une seule boutique loue, vend et répare les vélos
à Kirkwall. Une seule pour soixante-dix îles dont une vingtaine seulement sont
habitées et chaque fois il faut préciser les lieux de rencontre, régler nos
montres à l’heure qui une heure de moins depuis l’Eurostar et Kirkwall est à la
même latitude que Bergen en Norvège. Oubliez les dîners à la chandelle,
ici, on soupe à dix heures du soir avec des lunettes de soleil. Le ciel
s’obscurcit légèrement quand nous sommes endormis. Dans les 70 îles, vingt
mille habitants. 4000 à Kirkwall, 2000 à Stromness. Une île comporte 21
habitants. Principale activité, devant le tourisme, l’agriculture :
élevage de moutons, de bovins, production de viande et de produits laitiers.
Pas de chômage. Les jeunes vont étudier sur le continent et reviennent
rarement.
Résumons :
les moyens de transports ont été le train, la marche à pied, la bicyclette, les
escaliers mécaniques, les ascenseurs, le taxi, les tapis roulants, les ferrys.
Nous aurions pu faire le tour de Kirkwall en carriole tiré par des chevaux mais
le refus a été unanime. Dans les chambres, une seule langue coule. Inutile de
chercher des journaux français dans les points presse. On n’y trouve The Scotsman,The Inslandman, The Orcadian,
et des brochures touristiques et publicitaires qui vantaient le pays où nous
avions de toute manière décidé de nous rendre. The
Scotsman est un journal complet qui parle du monde et de l’Ecosse.
La gare du Nord étant proche, nous
décidons de nous rendre à pied, qui est notre premier moyen de transport, nous
marchons devant et la valise à roulette nous suit, avec une musique qui varie
selon le revêtement, pavés, goudron, gravier, terre battue, gazon. Nous, c’est
elle et moi, dans un monde qui change, il n’est pas inutile de le rappeler.
Nous arrivons Gare du Nord en passant devant la future salle de consommation à
moindre risque dont le chantier est déjà engagé. Les riverains râlent, mais à
sept heures du matin, on ne les entend pas. Nous longeons la longue file de
taxis, Nord-Est de la gare du Nord. Ce lieu est à lui tout seul une
condamnation de l’économie de marché et de la libre concurrence. Ou bien une longue file de voyageurs attend un
taxi, ou bien une longue file de taxis attend les voyageurs. Il en est ainsi depuis
que je fréquente ce lieu. Est-ce spécifique à la Gare du Nord ? À la Gare
Montparnasse, qui m’est familière depuis une quinzaine d’années, il me semble
que file de voyageurs et file de taxis s’harmonisent davantage.
Nous
nous détachons immédiatement des voyageurs modestes qui prennent un train pour
La Courneuve ou Beauvais et nous nous dirigeons fièrement vers l’escalier majestueux
qui grimpe vers Eurostar. En haut des marches, pas d’agents de la SNCF en
gilets jaunes, pas de contrôleurs à casquette, pas de porteurs pressés. Des
policiers, des douaniers, des chiens renifleurs, des gendarmes, des sas de
sécurité, comme pour un vol long-courrier. Une poussette est soigneusement
examinée, les pochettes sont vidées, les roues auscultées, le toit ouvrant
palpé. Pendant ce temps, le papa porte un bébé de six mois qui sous son pyjama porte
peut-être une couche pleine d’explosifs. Et que je te pose la valise sur le
tapis roulant, et la veste, plus les clés, le téléphone portable, plus la canne
à marcher, pouvez-vous marchez sans canne, monsieur ? me demande un
uniforme. Goujat !
Deux heures trente jusqu’à Londres,
Gare de Saint-Pancras, un terminal tout neuf situé à un quart d’heure de marche
de King’s Cross. Nos passes se transforment en billets pour Edimbourg, thé au
lait au gout d’éternité, un croissant
qui a bien voyagé. Dans le train pour Edimbourg, nous retrouvons les nuisances
européennes des voyageurs modestes : des bébés qui hurlent et des mamans
qui hurlent encore plus fort d’arrêter de hurler, tandis que les papas disent
aux mamans qu’elles devraient s’arrêter de hurler. Des Chinois qui n’ont pas le
droit d’avoir plusieurs enfants hurlent dans leur téléphone portable.
A Edimbourg, visite du château, des
musées littéraires, du mausolée à Walter Scott (voir photos). Un collègue de
Pat nous invite à un club de consommation de whisky. Un vrai club, fréquenté
par les membres du club, qui ont le droit d’inviter deux ou trois personnes
mais pas plus et pendant que notre hôte signe le cahier d’émargement, B. et Pat
se précipitent dans les escaliers tapissés. Dans ce club, on déguste les
whiskys du monde. Uniquement du malt. Au moins dix ans d’âge. Vieilli dans des
futs de chêne neuf ou des tonneaux de sherry, ou d’autres liqueurs. Nous sommes
cinq, Martin nous amène cinq verres, chacun a un verre devant soi, on trempe
les lèvres, puis on tourne, comme des chaises musicales, sauf que là, il y a
cinq verres pour cinq personnes. On goute, on trempe les lèvres, on se récrie,
on dit smooth, ou strong, ou fierce, ou mellow ou costaud.
57 degrés d’alcool au lieu des 42 fillette dans les grandes surfaces , ça déchire,
c’est au moins cinquante livres la bouteille la moins chères. 57 degrés, c’est
pas pour les gonzesses. Cinq cents livres la bouteille, c’est pas pour les
paumés. Rien que de toucher une bouteille à ce prix, on se sent très important.
Les antiinflammatoires réduisent la
douleur. Je suis né avec un pied bot, je mourrais avec une sciatique, c’est
avec les membres inférieurs que je me sens supérieur.
Pat et Tony ont une ferme. Ils élèvent
des animaux domestiques : des ânes, de chevaux, des chiens, des chats, des
poules, des canards. Chaque poule, chaque canard, est nommé, portant un nom il
devient un individu, une personne, un être aimé et il n’est plus possible de
les tuer pour les consommer. Ce serait du cannibalisme. Mais les œufs ? Oui,
on mange les œufs. Donc, on mange des fœtus brouillés, ou frits, ou durs.
Plongés vivants dans l’eau bouillante comme des écrevisses, entendez-vous le
fœtus se débattre dans les gros bouillons ? Est-ce qu’en cas de guerre et
de famine, est-ce que Pat sacrifierait ses poules et ses canards pour nourrir
sa famille ? Elle répond oui sans hésiter. Tony dit qu’il ne mangerait
jamais ses ânes. Lequel des deux aime davantage sa famille ? Petits
déjeuner avec fœtus brouillé et Ernest le cochon sur toast.
Dans le train d’Edimbourg à Inverness,
tout le monde est gentil, même le contrôleur. A mesure que l’on s’éloigne des
grands centres urbains, la gentillesse se densifie. Nous marchons de l’hôtel
jusqu’au canal calédonien, demandons le chemin, épuisé. Une dame regarde ma
canne et nous propose de nous ramener en voiture. Le monde est gentil et une
canne ouvre les portes, ferme les fenêtres, lève les culs qui m’offrent des
sièges. Bière dans un pub écossais. Bière écossaise. Toutes les bières
écossaises sont rousses.
Pat suggère de noter les restos et de
faire une liste. Ainsi naissent les guides gastronomiques. Tout le monde
consulte ses messages, sauf Tony qui s’éclaire encore à la chandelle. Il faut
se dépêcher car seule la première demi-heure est gratuite. Elle attend les
réponses des invités à un mariage de sa fille. Nous, on n’est pas invités et je
le dis tout crument, pourquoi ne sommes-nous pas invités ? Quand je vois
la liste des mariages auxquels nous, B et Moi. (si je m’appelais Ben, notre
couple serait Bed and Breakfast), ne sommes pas invités, je suis chaque fois
plus triste, car la liste s’allonge, même si on marie moins, en chiffre absolu,
il y a de plus en plus de mariages auxquels nous ne sommes pas invités.
Le
petit train qui nous mène à Thurso, d’Inverness, travers des lacs, des
montagnes, des moutons, des troupeaux de cerfs, de daims, des lochs, des Ness
qui veut dire rivière, et avant même d’arriver aux Orcades, on en a pris plein
les mirettes. B mitraille. Mitrailler du train, en général, ce n’est pas
conseillé. Le reflet de la vitre trouble les images, d’autre part, la vitesse
du train brouille les lignes, mais malgré tout, il en reste quelques-unes de
bonnes, comme les peintures murales, photograhiées quand le train est à l’arrêt.
Les petites gares sont désertes, le chef de gare qui sifflait les départs a
disparu. Les guichets sont fermés, les sorties murées. Un artiste a peint en
trompe-l’œil un chef de gare qui se penche à la fenêtre, les joues gonflées,
avec son sifflet à roulette, comme les agents de police d’antan. Une employée
tamponne un ticket dans un guichet factice. Le personnel vivant est remplacé
par des peintures murales, moins chères, qui ne partent jamais en retraite. La
gare est devenue un musée. Parfois elle est vendue et devient une maison
privée.
Le
petit train d’Inverness à Thurso ressemble à ces trains de montagne qui font la
joie des touristes. Les mots me manquent pour décrire les moutons blancs dans
les montagnes noires, les troupeaux de cerfs, la neige sur les sommets. Je
suggère de vous transférer les photos des moutons blancs dans les montagnes
noires, des daims, la neige sur les sommets, les gares abandonnées, décorées,
achetées. Nous débarquons à Thurso dans une ville déserte, sous un soleil
d’aluminium. Une promenade en bord de mer nous amène dans un café, The Tempest où se réunit tous les
mercredi soir un groupe de militants radicaux qui discute du monde, projette
des vidéos, écoutent des chansons. La serveuse nous vante les mérites de ces
soirées mais nous préférons un pub avec des musiciens folk. Un violon, un
banjo, un accordéon, chacun arrive plus tard que l’autre, ils jouent ensemble
parce qu’ils aiment jouer ensemble et ne s’occupent guère des clients qui les
prennent en photo. Une touriste les photographie sous tous leurs angles, de
près, de loin, les mains sur les cordes, la bouche sur la cornemuse. Elle
racontera avec emphase sa soirée à Thurso. Nous nous resterons simples. Ecouter
de la musique à Thurso, ce n’est quand même pas le bout du monde et de nombreux
cars de touristes chinois ou japonais ont du faire l’expérience et prendre des
dizaines de milliers de clichés.
A l’entrée, une affiche nous
prévient : l’établissement fait partie d’une association qui se nomme pubwatch. Si vous ne vous tenez pas
bien, que vous buvez trop, que vous cassez les verres, que vous vous battez,
que vous insultez ou harcelez les clients, , violence, n’importe quoi, on sait
bien ce que ça veut dire, ne pas bien se tenir, depuis les semelles sur la
banquette jusqu’à la cigarette dans la bière du voisin, cette châine qui
s’appelle pubwatch vous inscrira sur
une liste noire et non seulement vous serez expulsé d’ici, mais aucun pub de
l’association pubwatch n’acceptera de
vous recevoir. Nous nous comportons correctement et nous pourrons retourner à
Thurso boire de la bière et écouter des musiques. A Kirkwall, nous retrouverons
d’autres musiciens, un orchestre d’amateurs, des violonistes, une accordéoniste
qui les quittera avant la fin, une pianiste qui ressemble à une professeur de
piano, cheveux blancs, jupe qui lèche des escarpins vernis, un chef
d’orchestre, violoniste lui aussi, qui lance les airs. On les photographie.
A Thursoe, nous marchons vers le canal
avec Tony, là où une dame nous a aimablement proposé de nous ramener où nous
voulions, mais de toute manière, à Thurso, ça ne peut pas être très loin. Nous
passons devant une résidence pour personnes âgées. Des dames et des messieurs
dorment dans les fauteuils. Si je perds mon autonomie, je demanderai à mes
proches de m’envoyer en Suisse, dit Tony. On ne choisit pas. Eternelle
conversation de ceux qui approchent l’âge d’en parler quand ils passent devant
les fenêtres d’une résidence qui pour cette raison donne généralement sur un
jardin intérieur et pas sur l’extérieur, car on n’imagine pas un four
crématoire avec des cercueils en vitrine. Comme si on pouvait choisir. Mais
qu’est-ce qu’on choisit vraiment dans la vie ?
J’allais oublier : tout le temps que
nous sommes restés sur les îles, le ciel était clair, le soleil lumineux, la
mer d’huile, la crainte du mal de mer vite calmée. Nous avons vu les falaises
de l’ile de Hoy avec son viel homme (voir photo), une pierre sculptée par les
vents et les vagues. A Kirkwall, l’église très catholique de Saint Magnus, et
ses énormes piliers cylindriques. Il devait rencontrer son adversaire, trente
guerriers de chaque côté. Son ennemi est venu avec trois cents guerriers et
Magnus a été torturé et assassiné. Il est devenu un saint.
Le
journal local, The Orcadian, consacre
deux pages aux salaires des conseillers municipaux, de leurs notes de frais et
de leur assiduité aux séances et aux commissions.
Vendredi
7 juin. Les côtes sont difficiles. La douleur frappe aux genoux. Manque
d’entraînement, trop d’assistance électrique et trop de whisky. Une chapelle
(voir photo) a été construite par des prisonniers de guerre italiens qui ont
aussi construit des digues de pierre (nommées
churchill barriers) parce qu’un sous-marin avait coulé un bateau britannique
en se faufilant parmi les épaves censées interdire l’accès. On nous parlera
beaucoup dans les tours guidés ou dans les dépliants touristiques du rôle joué
par les Orcades dans les deux premières guerres mondiales. Dans ces îles où
tout est calme, l’histoire lointaine et les guerres récentes recréent les
drames sans lesquels une communauté s’assoupit.
Le
chauffeur du bus porte un micro-cravate, il se présente : je suis
orcadien. Je vis ici. C’est un excellent guide. Il nous montre les barrières
Churchill, les endroits où les bateaux ont coulé, où les avions se sont
crashés, les îles ont participé à la Seconde Guerre mondiale. Des monuments aux
morts le confirment. Il nous montre les
barrières churchill, les bateaux coulés, les avions crashés.
Déjeuner
dans un resto communautaire. Le personnel est très jeune et bénévole. Gentils,
pas efficace. Il est compliqué d’obtenir un verre d’eau. Les pâtisseries sont
cuisinées par les habitants du village. Qui est payé ? Sont-ils
payés ? Comment paient-ils leur loyer ? la discussion se poursuit sur
la société idéale, sans argent.
Dans
the Scotsman : la majorité des
jeunes de moins de 25 ans est contre l’indépendance.
Une
heure et demie d’arrêt pour visiter un village préhistorique, cinq mille ans
avant JC, Skara Brae. Visite de la
maison du laird qui a découvert le
village, musée, visites de pierres levées, puis balade encore à vélo et retour
à l’hôtel Kirkwall, whisky. Fatigue.
Deux
cyclistes grisonnants soufflent sur la pente. Devant loin devant, deux cylistes
femmes montent gaillardement la même côte. Des regards se moquent des hommes à
la traîne, les plaignent d’être ainsi dépassés. Ils ont tort. Cette disposition
de la course prouve que les deux messieurs grisonnants ont comme compagnes de
jeunes et jolies minettes en pleine forme.
Dimanche
9 juin, déjeuner face au port. Un navire de croisière est ancré, débarque par
navettes de cent cinquante passagers tous les vacanciers qui vont envahir Skara
Brae et l’église Saint Magnus. Et les pierres levées. La population de Kirkwall
va doubler ou tripler. Nous fuyons dans le ferry pour l’île de Shapinsay. Café
pudding, vélo soleil. Le château a été racheté par un banquier qui veut
racheter toute l’île pour lui tout seul mais les habitants résistent. Encore un
autre village préhistorique, un taureau chef de troupeau qui harcèle son
bétail. B glane la laine sur les barbelés. Dans l’île de Shapinsay, quelques
fermes, des moutons, des vaches, une voiture qui dit bonjour en passant, les
routes à voie unique sont parfois renflées sur le côté pour les croisements. Les
sommets sont sans visilbité (blind summit). On se remet à parler des soucis de
la maison, des mariages, des réunions de juin, du taxi qui vient nous chercher
à cinq heures pour nous ramener au ferry de Stromness jusqu’à Thurso, puis
direction Inverness les gares de Londres et Paris by night.
Souper
dans un pub face au port. Les bateaux de croisière ont levé l’ancre. Kirkwall a
retrouvé son calme.
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