mercredi 30 octobre 2013

Gaby Mouesca



            Dites-moi si j’ai bien compris l’entretien de Gaby Mouesca paru dans La Semaine du Pays basque  le 11 octobre 2013.

            Madrid et Paris ne veulent pas la paix au Pays basque. On dirait qu’ils veulent maintenir une situation de violence, en criminalisant les militants abertzale. Entre droite et gauche, entre Sarkozy et Hollande, « il n’y a pas l’ombre d’un changement ». L’espérance est morte.

            Face à ce raidissement, l’ETA a renoncé à la lutte armée et « mise uniquement sur l’utilisation des armes de la démocratie ». Le lecteur peine à suivre la logique. Mais il ne va pas bouder la bonne nouvelle, qui est de soumettre les objectifs nationalistes au vote. Comme au Quebec, comme en Écosse.  Il n’est jamais trop tôt, mais il n’est jamais trop tard.

            Cette renonciation est un « pari dingue ». Pas une renonciation de principe. Un « pari dingue ». Ça va marcher.   Pourquoi? Parce qu’il y a une « petite lumière ». Parce que le Pays basque est « le peuple le plus ancien d’Europe », parce que la langue basque est toujours là. Cette lumière qui scintille, c’est quelque chose qui est dans l’ADN de la nation basque. Cette lumière qui scintille aujourd’hui et permet ce « pari dingue », si seulement elle avait pu scintiller trente ans plus tôt, elle aurait évité des centaines de morts et de prisonniers.

            Et maintenant ? Pour les municipales, Gaby Mouesca n’a aucun conseil à donner. Les électeurs «n’ont pas de leçon à recevoir de ma part ». Ils peuvent voter comme ils veulent. UMP ou Front national. Tout sauf socialiste.

            Pour le Parti communiste allemand, dans les années 1930, l’ennemi principal était la social-démocratie. Pas ceux qui revendiquaient un ADN scintillant pour leur peuple.



mardi 29 octobre 2013

insécurité

            Habitant de la Goutte d'Or, militant socialiste à CGO, je me permets d’intervenir dans la discussion récurrente sur la saleté et l’insécurité dans les stations de métro Lamarck et Marcadet Poissonniers, sur la présence des usagers de drogue qui mettent en danger « la santé de milliers de gens ». Une situation qui « dans certaines stations de l’ouest parisien ne serait pas tolérée par la RATP plus de vingt-quatre heures ». Rue des Portes Blanches, les citoyens vivent « dans les excréments et la prostitution ». La population porte des masques pour ne pas vomir et ne pas chopper des maladies diverses telles la tuberculose. « Les habitants de la résidence sont prêts à voter FN ».

            Quand un quartier sombre dans la galère et que les habitants avec un minimum de ressources l’abandonnent au pire, il ne reste plus personne pour protester. Les colères contre les différents modes de survie engendrés par la misère extrême sont précieuses. Elles disent que le quartier veut vivre. Ceux qui sont relativement intégrés ne supportent pas les incivilités, les délinquances, les bruits, les saletés. La protestation véhémente contre ces dysfonctionnements est l’indice d’une volonté citoyenne de s’approprier ou de se réapproprier l’espace auquel une partie de la population affirme avoir autant droit que dans les quartiers plus favorisés.

            Le phénomène est bien connu. Des salariés ne veulent pas quitter Paris. Ils cherchent des quartiers où les loyers sont plus bas. Ce ne sont pas des quartiers huppés. Ils savent où ils vont quand ils louent ou achètent. Quand j’ai acheté mon logement, j’ai fait le tour du quartier. J’ai vu les taudis, les habitats insalubres, les drogues et la prostitution. En vingt ans, les taudis ont été détruits, les habitats insalubres remplacés par des logements neufs. J’ai vu construire une médiathèque, un centre de musique. Tout ce qui va mieux nourrit la colère grandissante contre ce qui va mal. Plus le quartier se transforme, plus le niveau de tolérance baisse. Mais il faut savoir raison garder. Nous n’aurons pas tout de suite et peut-être jamais le quartier dont nous rêvons.

            La prostitution et la consommation de drogues ne sont pas des phénomènes qui disparaissent en soufflant dessus. Même fort. On a soufflé fort dans le quartier Château-Rouge. Une partie des nuisances s’est reportée sur Marcadet et Lamarck. 

            Les « solutions » sont un travail patient, permanent. Sur la réinsertion des prostituées, le démantèlement des réseaux de prostitution, des réseaux de deal de marchandises contrefaites, et des drogues. Une salle de consommation, des lieux de réduction des risques. Tout le monde est au courant. C’est un long travail. Un travail de Sisyphe. Quand on voit ce travail, on comprend mieux. Ces lieux sont ouverts aux habitants : allez voir EGO rue Saint-Bruno, allez voir STEP Boulevard de la Chapelle. Ils vous expliqueront leur travail.

            La politique consiste à politiser les galères individuelles, et non pas et non pas à légitimer les peurs, d’alimenter les colères, de les conduire vers les impasses des solutions simples. De ce point de vue, le classement en Zone de sécurité prioritaire de la Goutte d'Or est une catastrophe, car il remplace ce travail patient, continu, par un déploiement de policiers parfaitement inefficace, qui nourrit rancœur, impatience, démoralisation. Comme si les principales difficultés du quartier étaient dues à l’insécurité. On m’a souvent répondu que la Zone de sécurité prioritaire comprenait aussi un volet insertion et travail social et politique de la ville. Balivernes. On ne voit que la police. Et quand  un ministre vient visiter le quartier, ce n’est pas François Lamy, ministre chargé de la ville, mais Manuel Valls ministre de l’intérieur. Et dans les réunions, c’est le préfet et le commissaire qui parlent et pas les élus chargés de la politique de la ville.

            Il y a en ce moment une véritable folie apeurée dans un pays qui n’est pas le moins sûr en Europe et dans le monde. Dans les endroits les plus tranquilles, on demande caméras de surveillance et patrouilles de police. Ainsi se trouvent dévalorisées les colères légitimes, les situations vraiment inquiétantes. Mais même là où se trouvent des urgences, il faut faire de la politique. La « guerre contre la drogue » a été mondialement un énorme échec. Tous ses principaux responsables disent aujourd’hui que la seule réponse réside dans la légalisation qui permet contrôle de la consommation, comme pour l’alcool et le tabac, drogues dures qui peuvent être combattues parce qu’elles sont en vente libre. Quand les usagers de drogue trainent dans les quartiers, la seule réponse réside dans des lieux de consommation à moindre risque, pour les usagers comme pour les habitants.

            Si rien n’est fait, les habitants vont voter Front national ? Allons-donc. Le vote front national n’a rien à voir avec l’insécurité, l’insalubrité. Se résigner ? bien sûr que non. Protester, réfléchir, trouver des solutions, expliquer. Quand c’est trop dur, on peut partir. Mais dites-moi en quoi la présence d’un consommateur dans la rue fait-il voter Front national ? En quoi les voyageurs de Lamarck vont voter à droite parce qu’il y a des drogués dans le métro ? J’habite la Goutte d'Or, je traverse quotidiennement des usagers à la dérive et je vote socialiste. Pourquoi ?


lundi 28 octobre 2013

ZSP

Zone de sécurité prioritaire

            22-23-24 octobre 2013. La situation est la même : les vendeurs à la sauvette qui rendent l’accès au métro inaccessible, une ronde de policiers, ils partent, reviennent, avec baluchon, caddy et charbons pour maïs chaud, contrefaçons. Plus les usagers de drogue qui eux ne bougent pas. Toujours les mêmes difficultés pour accéder au marchand de journaux, se frayer un chemin. Jouer des coudes. Demander pardon, pardon. Crier pardon ! Pardon ! Une envie d’actionner une sirène hurlante pour  dégager la route.


            Puis je rentre. Je regarde le monde d’un autre point de vue. Et je me dis, je suis le même, mais confortablement installé devant une tasse de café, donc je ne suis plus le même, et je me dis : « après tout, franchement, regardez les infos, il vaut mieux, quand même, je sais que ce n’est pas juste, mais je me le dis quand même, franchement, si j’avais le choix, entre flotter entre deux eaux au large de Lampedusa et être balloté par des vagues de patrouilles policières, qu’est-ce que je choisirais ?  

lundi 21 octobre 2013

mixité sociale


            Pour Annie Clerval ‘Libération 19-20 octobre 2013),  la gentrification de la capitale. s’est faite aux dépens des classes populaires. Un processus d’exclusion que la politique du logement mené par la municipalité de gauche a ralenti, mais  pas enrayé.

            La gentrification est définie comme un embourgeoisement qui touche les quartiers populaires anciens où les classes populaires sont progressivement remplacées par une classe intermédiaire, la petite bourgeoisie intellectuelle. Elle rompt la fonction historique de ces quartiers populaires. Ils sont terre d’accueil, une force, un tissu de solidarité, une ressource commerciale dynamique. En les faisant disparaître, on ne change pas l’ordre social. On aggrave les inégalités. La gentrification ne change rien au quotidien des classes populaires. Au contraire. Leur situation s’aggrave. Les loyers augmentent, les prix montent. Sur les murs de mon quartier, cette analyse se traduisait en affiches : « La mixité sociale, c’est la guerre faite aux pauvres ».   

                        Les gentrificateurs ne s’installent dans ces quartiers que sous la contrainte du marché immobilier. Ils ne choisissent pas d’habiter un quartier mixte, mais d’habiter Paris coûte que coûte. En fait, ils ne pratiquent pas la mixité sociale, mais la sociabilité entre soi et l’évitement scolaire.

            Je me reconnais dans ce portrait. Je suis un gentrificateur. Prof de fac retraité, j’habite la Goutte d'Or. Je ne pratique pas la mixité sociale. J’ai choisi ce quartier sous la contrainte du marché immobilier. Si j’avais des enfants d’âge scolaire, je choisirais sans doute l’évitement des écoles publiques.            

            Si le portrait est juste, l’analyse me semble erronée.  

            Dans la Goutte d'Or il y avait des taudis, propriété de marchands de sommeil ils ont été détruits et remplacés par des logements neufs, privés ou locatifs, dont un certain nombre de logements sociaux. Il y avait des maisons closes avec des migrants qui faisaient la queue dans la rue (était-ce une ressource commerciale dynamique pour la ville ?). Ils ont disparu. Quand les bidonvilles ont été détruits, des militants ont protesté. Ces bidonvilles étaient des facteurs d’intégration, des réseaux de solidarité, de construction de la citoyenneté.
           
            Chaque fois qu’un quartier s’améliore, les loyers grimpent, les populations changent. Quand il reste ghetto ou bidonville, les loyers baissent, les catégories intermédiaires fuient, Ne rien faire, c’est rassembler les difficultés, les misères, les galères, dans des lieux à la dérive, aboutit à la pire des solutions : des ghettos de la misère.

            Les plus acharnés contre la mixité sociale sont les classes supérieures qui luttent contre toute présence de logements sociaux ou de lieux de solidarité sur leurs terres. Les plus accueillants à la mixité sociale sont ceux qui saluent l’installation de médiathèques, de cinémas, et l’arrivée de nouvelles couches sociales plus favorisées comme  une protection contre les dérives. Ont-ils tort ?


            Anne Clervel découvre que toutes les réformes sociales profitent d’abord aux catégories les moins démunies. Fallait-il pour autant renoncer à construire un État-Providence ? 

samedi 19 octobre 2013

les migrants

         Les morts de Lampedusa, les expulsions d’écoliers. L’émotion est forte. Les militants signent des pétitions contre les expulsions, accompagnent les démarches dans les administrations, parrainent des écoliers. Les lycéens manifestent. Des cas particuliers seront sans doute réglés. Il reste un immense sentiment d’impuissance devant la misère qui s’étale dans nos rues, mendiantes avec les enfants dans les bras. Étalés sur nos trottoirs la hiérarchie de la pauvreté. Des commerçants modestes, des biffins et tout en bas de l’échelle, les revendeurs des épiceries sociales.

         L’émotion individuelle et collective ne se discute pas. Les indignations, les pétitions, les manifestations, les aides ponctuelles, sont précieuses, mais ne fondent pas spontanément pas une orientation politique. Le travail d’un parti politique est de politiser les émotions. De les inscrire dans le monde, les frontières, les projets, les évolutions.

         Pendant la révolution industrielle, les ouvriers dormaient dans des fossés autour de l’usine. Les indigents étaient regroupés dans des asiles ou des hôpitaux dont la philosophie était universelle : pour ne pas créer des « assistés », des gens qui « profitent », il fallait que les conditions de vie dans ces asiles fussent pires que les pires conditions de vie de ceux qui travaillaient. Chaque paroisse s’occupait de « ses » pauvres. Si des migrants, on disait alors des vagabonds, réclamaient de l’aide, on les renvoyait dans leur paroisse d’origine. Les impôts locaux devaient subvenir aux besoins de la paroisse, pas aux besoins des indigents de la commune voisine.

         Sous la pression conjuguée des mouvements sociaux, des philanthropes, des églises, un système de protection sociale se mit en place. Des retraites, des soins, des écoles, des logements. Mais L’État providence ne fonctionnait que pour les citoyens de cet État. Les papiers d’identité se répandirent avec les systèmes de sécurité sociale. Ils séparaient ceux qui avaient droit aux prestations et ceux qui n’y avait pas droit. Pendant des années, les mineurs belges qui travaillaient dans le nord de la France ne participaient pas au régime des retraites des mineurs français. Il a fallu du temps pour considérer tous les citoyens dignes de recevoir partout dans le pays le même traitement social

         Aujourd’hui, l’objectif est non plus un État providence, mais une Union européenne providence. Cette protection peine à se mettre en place. Les citoyens européens qui traversent les frontières sont souvent considérés comme des étrangers. Ils sont pourtant destinataires au même titre que les autochtones des minimums d’aide sociale et éducative. Salaire minimum, scolarité obligatoire, logement et soins. Une partie des pauvres qui arpentent nos rues ne sont pas des étranges, ce sont des européens. Comme vous et moi.

          Il faut aller plus loin, considérer tous les habitants de cette planète comme dignes de recevoir une aide sociale, sanitaire, éducative, universelle. Pour distribuer cette aide, il faut des administrations au niveau de la planète. La mondialisation des filets de sécurité n’en est pas au point zéro. Dans le domaine de la santé, de la lutte contre les épidémies, contre le Sida, des points sont marqués. Les émotions et les actes de solidarité avec les populations migrantes sont l’indice d’une plus grande aspiration à un monde solidaire. Qui reste à construire. Qui demande une pédagogie permanente contre les diffuseurs de haine.

          

mercredi 16 octobre 2013

identité

Alain Finkelkraut, France inter 15 octobre 2013

            Une dame qui vit en banlieue le déplore : elle est entourée de gens qui ne parlent pas le français, de femmes voilées et ne se sent plus chez elle. Alain Finkelkraut reprend le témoignage. « La faute de la gauche a été d’abandonner cette femme au Front national ».

            Je vis dans la Goutte d'Or, je suis entouré de gens qui ne parlent pas le français, de femmes voilées et pourtant je me sens chez moi et je vote à gauche. Socialiste, pour être plus précis.

            Quand l’intégration fonctionne, elle passe par une intégration sociale (famille, école, travail) et par l’adhésion aux valeurs d’accueil. Intégration dans la citoyenneté par les adhésions politiques : le socialisme et le communisme, le syndicalisme, en France…). Quand l’intégration est refusée, et l’on connaît les multiples facettes de ce refus, elle se produit quand même, mais elle répond à la brutalité du refus par les ruses des faibles. Ainsi, aux États-Unis, le modèle dominant dans les classes du même nom était celui du WASP. (White anglo-saxon protestant). Les Noirs ne pouvaient pas devenir blancs, les Chicanos ne seraient jamais anglo-saxons, les catholiques ne souhaitaient pas devenir protestants. Pour se hisser jusqu’aux lieux de pouvoir, il fallait passer par des réseaux communautaires. Les syndicats étaient « communautaires », catholiques, protestants, irlandais, polonais, les églises ne l’étaient pas moins, et Irlandais, Polonais et Italiens ne fréquentaient pas les mêmes paroisses. Qui dirigeait ces rassemblements pouvait peser sur la politique. New York et Tammany Hall furent symptomatiques de cette politique communautaire. D’où ce paradoxe, pour devenir américain, il fallait s’intégrer dans des communautés religieuses ou nationales séparées. D’autres régions du monde ont connu les mêmes développements. En Irlande du Nord, il fallait être protestant pour accéder aux affaires et à la politique. Pour s’intégrer dans les affaires et la politique, il fallait que les catholiques utilisent leur identité catholique comme moyen de lutte et de développement.


            Sans lâcher un pouce sur la laïcité, il faut admettre que la montée du communautarisme est d’abord un manque, une défaite, des processus d’intégration. Finkelkraut est bien placé pour étudier ce manque. Professeur à l’École polytechnique, il peut constater que les futures élites de la nation se recrutent dans une couche très mince de la population française. 

vendredi 11 octobre 2013

ZSP

Château Rouge jeudi 10 octobre 2013 17h30.



Je descends à Château Rouge. L’escalier mécanique est fermé. Il faut monter les marches. La foule est compacte en bas de l’escalier et déborde sur le quai. Nous avançons lentement, très lentement. En haut, devant les tourniquets, deux employés en vestes jaunes empêchent les entrées. De l’autre côté, une foule agglutinée qui demande à descendre. A gauche, quatre ou cinq policiers regardent,  l’air intéressé. Par deux portes étroites, les sortants s’extirpent de la mêlée et finissent par grimper les dernières marches. Tout le monde est étrangement calme. Pas de cris, pas d’énervements. Tout le monde est conscient que dans ce chassé-croisé, il suffirait d’un mouvement affolé d’une seule personne pour que tout dérape et provoque des dégâts incalculables. La Goutte d'Or est un quartier où l’on apprend vite à survivre dans les pires conditions. Un lieu d’apprentissage. 

le Front

Le Front national poursuit en justice tous ceux qui le qualifieront de parti d’extrême-droite. Pour réagir à cette menace, les journalistes, les hommes politiques, ont répété à qui mieux« Front national, extrême droite ».


Tous sont tombés dans le piège. Au lieu d’examiner le programme, on colle une étiquette. Or, le programme du Front national est précis. Il est national en politique et socialiste en économie. C’est donc un parti national et socialiste à l'ancienne. Dire que le Front national est national et socialiste est plus rigoureux et évite d’être poursuivi en justice. 

mercredi 9 octobre 2013

assistés

     Chaque fois que je m’arrête dans une rue de Biarritz, pour acheter le journal ou une baguette de pain, je pose mon solex contre le mur et chaque fois, je constate un attroupement de personnes intéressées autour de mon solex. Quand je pose la main sur le guidon, quand je range le journal ou la baguette dans la sacoche, les questions fusent. Il est à vous ce vélo ? Est-ce que ça marche bien ? Est-ce que c’est pratique ? Combien ça coûte ? Où l’avez-vous acheté ? Une personne à la fois s’il vous plaît. Oui, ça marche. C’est très pratique, surtout à Biarritz où les côtes sont rudes et les habitants fatigués. Chez Capdeboscq. Mais dépêchez-vous, il va fermer. Il est en train de brader. Non, ce n’est pas un vélo électrique, c’est un vélo à assistance électrique. Quelle est la différence ? Je pousse un soupir. Enfin. Vous ne connaissez pas la différence entre un engin à assistance et un engin électrique. J’explique. Un vélectrique  fonctionne comme n’importe quel transporteur sauf que l’essence est remplacée par une batterie. Vous montez, vous allumez, vos pieds posés sur des repose-pieds et vous accélérez, vous changez de vitesse. Sauf que ça ne fait pas de bruit et il faut se racler la gorge ou se moucher vigoureusement pour prévenir le piéton qui va traverser ou l’enfant qui joue au ballon sur la chaussée.

            Avec un Vélassistancélectrique, si vous ne pédalez pas, la puissance de la batterie ne se met pas en marche. Il faut pédaler pour obtenir une aide énergétique. Cette différence n’est pas technique, elle est politique. Ici, l’assistance est le contraire de ce mot utilisé par la droite pour la dénoncer. Elle condamne l’assistance, la droite, elle stigmatise les assistés. Elle dit qu’ils ne connaissent que leurs droits, jamais leur devoir, qu’ils touchent des indemnités chômage sans chercher du travail, qu’ils portent des prothèses en or sans payer la sécu, vous connaissez la chanson. Or, dans le cas des vélos, un vélassistancélectrique bien qu’il se nomme assistance, c’est le contraire. Il ne reçoit l’énergie que s’il commence à faire un effort. Il ne pédale pas, il ne reçoit rien. Qui ne pédale pas ne mange pas. Ceux qui grimpent, ce sont ceux qui luttent. Vous arrêtez l’effort, le courant s’arrête. Pour la droite, le vélassistancélectrique est un modèle de société. Sauf que.

            Sauf que toutes les études convergent : les gens qui roulent sur un vélassistancélectrique sont généralement de gauche, alors que les assistés qui roulent sans faire un effort sont généralement de droite. Ils causent, ils causent, mais dans la pratique, ils refusent toute contribution, reçoivent tout sans rien donner, et en plus, ils planquent leur argent en Suisse pour éviter de payer des impôts. 

assistés

ag socialiste

AG des trois sections socialistes du 18ème, rue Trétaigne. Daniel Vaillant, Lionel Jospin, Bertrand Delanoë. C’est l’intronisation d’Eric Lejoindre, adjoint de Vaillant, quoi va conduire la liste dans le 18ème et sera maire d’arrondissement si la liste l’emporte. Il n’a pas de concurrent et il n’y aura donc pas de primaires pour départager d’autres candidats.  

Prennent la parole les trois secrétaires de section, puis Eric Lejoindre, puis Daniel Vaillant, puis Bertrand Delanoë. Pluie de compliments pour Daniel, son courage exemplaire d’avoir pris la décision de ne pas cumuler, comme s’il avait eu le choix. Le courage, c’est celui d’Anne Hidalgo qui avait annoncé qu’elle ne prendrait aucun cumulard dans sa liste. Clair et net. Vaillant s’est débattu, il souhait attendre encore, jusqu’en 2017, disait-il. Il a du s’incliner. Il est vrai qu’il aurait pu maintenir sa candidature et créer ainsi un joyeux bordel dans l’arrondissement. Comme disait Bertrand Delanoë à juste titre, la conscience de l’intérêt collectif est plus forte dans l’arrondissement qu’au niveau du gouvernement.

La plupart des interventions concourent à montrer que les élections sont municipales et pas nationales. La panique des militants est que les électeurs se « trompent » d’élection et manifestent, notamment par l’abstention, leur insatisfaction. Il faut donc s’appuyer sur le bilan des maires sortants, Vaillant et Delanoë, et surtout pas sur le gouvernement Jean-Marc Ayrault. Seul Didier Guillot rappelle que dans le bilan du gouvernement socialiste, il y a les mesures pour le logement, l’encadrement des loyers, les rythmes scolaires, le mariage pour tous, qui seront autant de marqueurs positifs de la gauche. A part cette intervention, tout le monde se réfugie dans les municipales. Pendant les deux heures où je suis resté dans la réunion, le nom de François Hollande n’a pas été prononcé. Pas une fois. J’ai entendu les noms de Lionel Jospin, François Mitterrand, pas celui de Hollande.

Ce recul, cette distance, ne serviront à rien. Il faut se battre sur tous les fronts, puisque nous sommes au pouvoir sur tous les fronts. Ne rien dire sur la politique du gouvernement, aura pour effet de renforcer la méfiance et l’insatisfaction et accroîtra le nombre d’abstentionnistes.

J’ai fait mon numéro sur la Zone de sécurité prioritaire, et j’ai été applaudi par un quart de la salle.


lundi 7 octobre 2013

fermeture




Le 1 octobre 2013, Capdeboscq, le marchand de cycle, a fermé définitivement pour être remplacé par une boutique de parfums. Des parfums au lieu de vélos, de course, électriques, ou à assistance, vélos pour enfants, scooters, scooters électriques. Défaite. La ville n’aurait pas laissé fermer le cinéma. Elle laisse fermer la seule boutique de réparation de vélos. Bientôt, Biarritz ressemblera à Cuba après la révolution, où il était devenu impossible de se procurer des pièces de rechange pour les voitures américaines. Toutes les rues étaient occupées par ces véhicules la gueule ouverte, en manque de bougie, de batterie, de pistons, de valves, de systèmes de refroidissement, de cornet à piston, de pneus, de chambres à air, d’essence, de couches pour bébés, des bielles qui coulent parce que la rondelle n’est plus étanche et que l’huile coule. Les rues de Biarritz ressembleront-elles aux rues de La Havane, avec des vélos abandonnés par centaines, pneus dégonflés, chaînes pendantes, selles arrachées, cadres rouillés ?



samedi 5 octobre 2013

local et général

« Dans quelques centaines d’aires urbaines et leurs alentours vivent plus de 96% de la population. C’est là que s’organisent les solidarités effectives en termes d’emploi, de logement, de mobilité, de formation. Si de petits morceaux de ville se comportent comme s’ils étaient souverains…on crée des fragmentations de pouvoirs, des risques de sécession égoïste, de disparités toujours plus fortes et l’on entretient l’injustice ». Jacques Lévy, géographe, libé 4 octobre 2013).

         Je partage ma vie entre Biarritz et la Goutte d'Or. Ces remarques de Jacques Levy rencontrent mon expérience. Biarritz et la Goutte d'Or comportent un peu plus de vingt mille habitants. L’espace public se partage entre les habitants et les usagers. Dans ces deux lieux, passent régulièrement cinq ou dix fois plus de monde que le nombre d’habitants. Les plages de Biarritz attirent les touristes, les boutiques de Barbès attirent des chalands de toute l’île de France.

Dans ces deux lieux, les défis sont bizarrement comparables. La pollution des plages ne connaît pas de frontières. Les transports s’emploient  par définition à transporter « les autres ». Les logements, les espaces de loisirs et de sports, ne peuvent plus se penser à l’intérieur de la commune. La solidarité, la vie en commun, exigent de repousser les frontières communales.  

         Une politique qui ne tient compte que des aspirations des habitants se condamne à une médiocrité étriquée, pire, à l’inefficacité. Or les usagers ne votent pas. Ne votent que les habitants. Il en résulte des contradictions réelles. Les élections municipales ne vont pas simplement décider d’une piscine municipale ou d’un terrain de sport, elles portent tout le poids du monde. Développement économique, logement, migrations, écologie, sécurité, transport sont des domaines où les aspirations locales doivent se combiner avec un intérêt général qui s’oppose parfois au local.  


         C’est pourquoi j’accorde ma confiance aux candidats socialistes qui responsabilisent les électeurs en politisant le local. Dans la société où nous sommes, Il vaut mieux que les villes soient  gouvernées par des hommes d’état plutôt que par des garde-champêtres. 

jeudi 3 octobre 2013

Aide de l'Etat

L’aide de l’Etat.

         La ville d’Orange perd un régiment. Le maire, les commerçants, l’école privée, se plaignent. Ils vont perdre des électeurs, des clients, des élèves. Ils réclament l’aide de l’Etat.

         Toutes les villes qui n’avaient pas de casernes sur leur territoire devraient aussi réclamer l’aide de l’Etat. Pendant des dizaines d’années, ce fut un manque à gagner considérable.

         La réduction du nombre d’accidents sur les routes ne fait pas l’affaire des garagistes. Ils vont réclamer l’aide de l’Etat.

         Un anonyme flouté explique qu’il a rapatrié 250 000 euros de Suisse parce que désormais, frauder le fisc sera plus difficile, la pression sur les banques est trop forte. Il va payer 25000 euros d’impôt. Il faudrait qu’il réclame l’aide de l’Etat.

         La diminution des exils fiscaux et des comptes anonymes met les banques suisses en difficulté. Certaines vont devoir diminuer le nombre des employés, voire fermer. Elles vont réclamer l’aide de l’Etat.

          

ZSP suite

Zone de sécurité prioritaire 2 octobre 2013



      


     Retour de Biarritz. Les vendeurs à la sauvette saturent toujours le marché Dejean. Les vendeurs de Marlborough et autres cigarettes entravent toujours l’accès au métro Barbès. Trois policiers en uniformes de combat, gilets pare-balles, genouillères, épaules de footballeurs américains, patrouillent le long du Boulevard Barbès. Est-ce l’uniforme d’un policier de proximité ? Comme un brise-glace en hiver, ils avancent lentement, écartent les blocs de glace et derrière, l’iceberg se reconstitue.