jeudi 20 février 2014

nostalgie

     Un ancien douanier bulgare regrette le bon temps : à l’époque du rideau de fer, les soldats pouvaient tirer sur ceux qui essayaient de sortir ou de rentrer clandestinement, et ils avaient une médaille. Maintenant, notre pays est une cour ouverte. On ne peut pas revenir sur le système d’un ancien temps, mais le mur, ça devrait le faire. (Le monde, 10 novembre 2013)


     S’il était citoyen français, ce douanier voterait pour le Front national.

le choix

     La gauche au pouvoir est à la peine. Les temps sont durs, les succès furtifs, les réformes bousculent. Des colères éclatent en dehors des institutions consacrées. Une gauche fragilisée, une droite divisée, tentée par les extrêmes. Est en train de se jouer l’alternance apaisée entre une droite républicaine et libérale et une gauche réformiste et solidaire.

     La politique a des effets sur la vie quotidienne. On vit plus ou moins bien, avec plus ou moins de confort, plus ou moins de soins, plus ou moins de tranquillité. Des dirigeants comme Margaret Thatcher, Ronald Reagan, Hugo Chavez, Poutine, ont rendu leur société plus inconfortable, plus tendue, plus clivée. Ils ont oublié le principe démocratique de base : dans une démocratie, l’adversaire ne doit pas être éliminé, il fait partie de la solution. Au contraire, des dirigeants comme Mendès-France, Nelson Mandela, John Hume, Barak Obama, se sont adressés à l’intelligence des peuples et les ont rendu plus citoyens, plus actifs, plus réconciliés.

     La politique prise dans ce sens doit s’inscrire dans ses effets longue durée. Si s’installe en France l’idée de l’incompétence de la gauche à gouverner, l’alternance apaisée sera plus difficile. La gauche peut être exclue des responsabilités pour longtemps et la droite installés dans un système de parti unique détestable.


     La politique, c’est d’abord d’être élu, si possible d’être réélu. Mais l’essentiel est d’avoir rendu les citoyens plus intelligents, plus engagés. Donc de leur parler le langage de la raison, de la vérité, de l’intelligence. D’expliquer. Manque aujourd’hui le discours de la méthode, sur la crise, sur l’implication en Europe et dans le monde, sur les sacrifices et les solidarités nécessaires, sur les choix qui sont l’essentiel d’un gouvernement. Sur l’implication des citoyens dans ces choix et ces responsabilités. Une feuille de route qui sera répétée autant de fois que nécessaire. Nous roulons dan la bonne direction, mais en feu de ville, les phares longue portée éteints. 

mercredi 12 février 2014

réforme et révolution




     Quand le vent se met à souffler, toujours debout, sans répit, sans rancune, sans pitié, sans peur, toujours dans la même direction, droit sur la poitrine, que la fatigue use les mollets, que le moral se lime, que la tentation du pied à terre s'insinue dans les tissus, alors je repense à Alexis qui traînait dans la neige ses jambes mortes et qui criait "Staline! Staline!" et je retrouve la force d'appuyer sur les pédales. Staline! Staline! C'est ce cri qui me redonne du courage.


            Vous pouvez surmonter des épreuves inhumaines en criant Staline ! ou Che Guevara ! Vous n’irez pas très loin en criant Hollande ! ou Jospin ! Mendès ou Tony Blair ! La voilà la différence entre réforme et révolution. La révolution vous mène sur les sommets et quand elle disparaît de l’horizon, il ne reste plus que les produits dopants pour la remplacer. La réforme vous emprisonne sur des pentes douces, qui grimpent si lentement qu’on ne se rend même pas compte à la fin de la journée qu’on est un peu plus haut. 

mardi 11 février 2014

vélorution

J’ai toujours milité pour le bonheur de l’humanité. J’ai manifesté, distribué des tracts, vendu des journaux révolutionnaires, cotisé, voté, discuté. Aujourd’hui, toujours attaché au progrès humain, je poursuis l’engagement d’une vie en appuyant sur les pédales.

J’étais cycliste révolutionnaire, je suis devenu cycliste réformiste. Quand je militais pour la prise du Palais d’Hiver, le vélo était un instrument de lutte pour me transporter d’une réunion à une autre.  Aujourd’hui, il est témoin d’un engagement poursuivi. Il brandit mon vote à gauche. Chaque mètre parcouru me rapproche d’une société plus juste, plus solidaire, plus créatrice, plus apte aux compromis et au dialogue, plus constructrice de logements sociaux et de pistes cyclables. Chaque coup de pédale condamne les égoïsmes craintifs, les exclusions, le chauvinisme, les boucliers fiscaux pour ceux qui éclatent en sanglots dans le cabinet du notaire quand ils apprennent la somme à payer pour transmettre leur patrimoine à leurs enfants.

La droite déteste les pistes cyclables. Elle en construit parfois, obligée. Comme de Gaulle et Churchill ont mis en place l’État providence. Obligés. Mais quand la sécurité sociale protège et les pistes cyclables purifient, la droite condamne les profiteurs et se moque d’un urbanisme durable. J’éprouve jusqu’à la selle, jusqu’au guidon, les tensions qui s’installent quand la droite est au pouvoir. Quand ses idées dominent, l’arrogance des puissants n’a plus de limites. C’est la loi de la jungle, la loi du plus fort. Un piéton est moins fort qu’une moto, un cycliste moins fort qu’une voiture, un 4X4 plus puissant qu’une deux chevaux. Les voitures bousculent, me coupent la route, ne respectent plus les priorités et quand je proteste, le chauffeur me crie « on a gagné ». Ou bien : « travaille davantage, tu pourras t’acheter une Land Rover ».


Dans les grands moyens d’information se généralisent les justifications du droit des puissants. J’entends partout « les cyclistes doivent faire attention aux voitures ». C’est le monde à l’envers. Dans une société apaisée, il me semble que ce sont les voitures qui doivent faire attention aux cyclistes. Les parents font attention aux enfants parce qu’ils sont les plus faibles. Les lanceurs de poids font attention aux crânes parce que les boules sont plus résistantes que les têtes. Mais maintenant, les victimes sont responsables. Elles ne travaillent pas assez. Les cyclistes doivent faire attention comme les femmes doivent faire attention à leur toilette pour ne pas risquer le harcèlement ou le viol. Quand la droite domine, nous revenons aux temps anciens où l’homme était un loup pour l’homme. 

bicyclette et lutte de classes

Dans mon quartier, les pauvres roulent en voiture, les très pauvres marchent à pied ou fraudent dans les transports en commun, les parvenus roulent en 4X4 et les bourgeois intellectuels roulent à bicyclette. La lutte des classes se mène donc à front renversé. Avenue Mozart, en haut de l’échelle sociale se trouvent les berlines avec chauffeur, puis les chauffeurs sans berline, puis les propriétaires de twingo et autres cabriolets d’occasion, puis les motocyclistes de grosse cylindrée et tout en bas de l’échelle sociale, les cyclistes. Les étudiants et les bonnes qui vivent au dernier étage. Tout en bas, parce qu’il n’y a pas de piétons. Les piétons se font immédiatement contrôler, arrêter, expulser, renvoyer, verbaliser, menotter, sermonner. Parfois le propriétaire d’une berline, quand il descend de son véhicule, voit un piéton, il lui donne une pièce, car un piéton, dans certains quartiers, ne peut être qu’un marginal dépouillé de tout. Là-bas donc les choses sont claires. Du côté de la Muette, de Jasmin, du Bois de Boulogne.

Chez moi, c’est différent. Les très pauvres se promènent ici sans risque de contrôle et de menottes car ils sont beaucoup trop nombreux. Ils se promènent tranquillement dans les ruelles étroites, sur les trottoirs ou sur la chaussée. Les moins pauvres qui viennent souvent des villes de banlieue et des départements désignés ne marchent pas car ils craignent d’être confondus avec les marginaux, avec le lumpen. Comme ils ont des enfants et des cabas pesants, la bicyclette est impossible. Il ne leur reste plus que la voiture. Ils viennent ici avec leur plaque d’immatriculation neuf trois ou sept huit, roulent au pas en file unique dans les rues étroites, klaxonnent au premier ralentissement, se garent n’importe où en laissant les enfants et les sacs dans la voiture pendant que monsieur va boire une bière et que madame se refait les ongles, parfois en laissant le moteur allumé, en hiver.

Les vélos sont ici les moyens de transport des classes supérieures, des bacs plus sept. Comme les aristocrates dans leur calèche, ils passent haut perchés sur leur selle et sonnent leur timbre customisé tout en criant, « oh là ! Manant, tu me laisses passer ? ».

            Le vélo a longtemps été le moyen de transport des salariés modestes pour qui la voiture était un inaccessible produit de luxe. Les images de sortie d’usine ou des grands chantiers navals montraient des ouvriers par centaines franchissant les portails en pédalant. Quand la voiture s’est démocratisée, les vagues cyclistes ont été remplacées par des parkings. Le vélo n’étant plus signe de salariat, il a été récupéré comme instrument de loisirs pour classes moyennes en mal d’exercice. Ceux qui triment physiquement la semaine sont contents de se reposer dans la voiture qui conduit au pique-nique dominical. Dans les discussions sur la place des pistes cyclables dans les grandes, cet argument est souvent utilisé pour délégitimer les revendications pédalières. Vous ne pensez qu’aux classes moyennes et jamais aux ouvriers. Vous voulez des pistes pour vous, étudiants, cadres, enseignants, employés et fonctionnaires. Ce sont des revendications égoïstes, des rêves de riches. L’argument s’appuie sur les réalités statistiques. Sur des sondages. Sur des enquêtes. Sur des relevés d’échantillons probants.

            Il ne faut pas se laisser enfermer dans ce piège. Le vélo pour les bourgeois, la voiture pour les prolétaires contraints d’aller se loger loin du centre et d’utiliser une voiture pour les courses et les loisirs. Le bourgeois du centre ville n’a souvent même pas de voiture. Il se déplace régulièrement à bicyclette et prend de temps en temps un taxi. Ou loue une voiture pour partir à Trouville-sur-mer la fin de semaine. Le prolétaire chassé du centre, épuisé par un travail physique, n’a plus que la voiture pour se reposer, pour se disputer loin des enfants, pour écouter de la musique, pour fréquenter un complexe multisalle. Et faire les courses. Et amener les enfants à l’école ou sur le terrain de sport. Impossible d’accomplir ces tâches avec un vélo. Cela est vrai. Disposant d’un budget modeste, il est petitement logé, mais se crée sous la carrosserie un espace de luxe.

            L’argument a été utilisé pour de nombreuses revendications démocratiques. Le droit de vote pour les femmes a été porté par les femmes de la bourgeoisie, puisqu’elles étaient riches, éduquées, et à situation sociale égale, elles n’avaient pas le droit de vote alors que des ouvriers modestes pouvaient désormais déposer un bulletin dans l’urne. Les campagnes pour le droit à l’avortement et au divorce ont été de même dénoncées par les églises et les partis prolétariens comme des revendications de petites bourgeoises qui voulaient participer au grand festin ludique d’une sexualité débridée. Alors que les ouvrières du textile, vous croyez vraiment qu’elles voulaient le droit de vote alors qu’elles avaient à peine le loisir d’échanger les corps avec leur conjoint ?


            Il faut affronter l’argument. Oui, dans certains domaines, la petite bourgeoisie intellectuelle et commerciale est plus avancée que la classe ouvrière et qu’une manière de refuser à cette classe ouvrière des avancées citoyennes et des libertés partagées étaient de les dénoncer comme des revendications aristocratiques. Les églises et les partis communistes se sont dans ce domaine parfaitement bien entendues.

jeudi 6 février 2014

ZSP suuite

Zone de sécurité prioritaire

Retour de Biarritz, mercredi 5 févr.-14. Avec ma valise à roulettes, je passe rue Richomme. Une patrouille de trois policiers me précède. Elle rencontre, devant le chantier une patrouille de trois CRS. Ils sont six, ils s’arrêtent et discutent. Je leur dis bonjour, messieurs. Ils répondent bonjour. Je leur demande s’ils ont l’impression de faire un travail utile dans le quartier. Ils me répondent non. Avec un bel ensemble. C’est démoralisant ? Oui, c’est décourageant. J’invite les habitants de la Goutte d'Or à faire eux-mêmes l’expérience. Ceux qui sont aux premières lignes de la Zone de sécurité prioritaire ne comprennent pas ce qu’ils font, ont l’impression de perdre leur temps, d’être inutiles.

Les élus avaient promis une rencontre mensuelle entre policiers et un groupe d’habitants. Rien ne s’est passé.


A nouveau, je demande que la Zone de sécurité prioritaire de la Goutte d'Or redevienne un quartier. Avec la poursuite d’une politique de la ville qui a fait ses preuves, y compris dans le domaine de la sécurité. 

mardi 4 février 2014

un pas en avant, deux pas en arrière


       Après la manifestation « pour tous », le gouvernement a retiré son projet de loi sur la famille. Aucun article de ce projet de loi n’était condamné par les manifestants. Ils manifestaient contre des ombres : la GPA, la PMA, l’empoisonnement des eaux de source par des homosexuels et le nouement des aiguillettes. Le gouvernement ne pouvait pas retirer ce qu’il ne proposait pas, mais comme il fallait absolument reculer, il a retiré ce qu’il proposait et que personne ne condamnait.

            Le militant se réveille et se frotte les yeux. Il est social-démocrate et réformiste. Il soutient le gouvernement de gauche, la politique de dialogue, de pacification des conflits, des compromis nécessaires. Mais là, il ne comprend pas. Demain, reviendra-t-on sur les rythmes scolaires s’il y a des manifestations contre l’écotaxe? Sur les emplois aidés si des propriétaires demandent la fin des loyers encadrés?


            Hier, il se sentait parfois bien seul à défendre la politique de François Hollande. Il se disait,  s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là. Il veut continuer, mais reconnaissez que parfois, c'est difficile. 

samedi 1 février 2014

bonnes nouvelles

Bonnes nouvelles


            Samedi 1 février 2014. L’association Baskos questionnait les candidats de Biarritz aux élections municipales sur les principales revendications des homosexuels, transsexuels : mariage pour tous, luttes contre les discriminations et les préjugés, dans le domaine de l’emploi et du logement…  

            Tous les candidats étaient là. Guy Lafite, Michel Veunac, Max Brisson, Benoît de Saint-Cricq, Tarditz et Front de gauche. Tous (excepté les représentants de Tarditz qui semblaient flotter en apesanteur) répondaient favorablement aux revendications de Baskos. Ils soutenaient la gay pride dans la ville contre les vociférations de l’évêque de Bayonne, ils allaient exclure le premier conseiller qui refuserait de marier des personnes du même sexe, ils lutteraient tous contre les discriminations et les préjugés. Si leur parti respectif avaient les mêmes positions que leur représentant à Biarritz, les projets gouvernementaux sur le mariage pour tous et sur l’IVG auraient été votés à l’unanimité.

            Que certains candidats soient moins à l’aise dans leur parti que d’autres, c’est une affaire qui les concerne. L’essentiel est là : à Biarritz, tous les candidats  à la fonction de maire se sont ralliés avec conviction et même enthousiasme sur les positions de la majorité présidentielle.


            C’est une bonne nouvelle. On ne peut pas à la fois déplorer la montée des intégrismes et des discours d’exclusion, et ne pas se réjouir là où ils sont massivement réprouvés.

l'égalité est un combat;

            


            Toutes les inégalités entre les êtres humains sont désormais fermement condamnées, quand elles ont fondées sur la couleur de la peau, l’origine ethnique, le lieu de naissance, la religion. Cette fermeté de principe n’empêche pas des politiques et des comportements inégalitaires, mais les droits de l’être humain sont politiquement, juridiquement, théoriquement et universellement admis.

            Sauf pour l’appartenance de sexe. C’est le dernier lieu où se réfugie la nature, les traditions, le dernier lieu où l’on va chercher dans la biologie la justification d’une domination masculine. L’esclavage était justifié par la couleur de la peau qui indiquait une infériorité biologique d’une partie de l’humanité. Aucun manifestant contre la « théorie du genre » ne manifesterait  pour le retour de l’esclavage. Mais ils manifestent pour le maintien d’une supériorité masculine au nom de la « nature ».

            Toutes les réformes qui ont peu à peu instauré l’égalité juridique et politique entre les hommes et femmes se sont heurtées aux mêmes arguments de nature. Sur le droit de vote : est citoyen celui qui peut mourir pour la patrie. Les femmes ne peuvent pas être soldats parce qu’elles donnent la vie et ne peuvent pas donner la mort. Le droit de vote était considéré comme incompatible avec la solidité du foyer et l’harmonie familiale. Le droit de vote risquait de rompre l’autorité paternelle. « Quand une épouse oublie sa place, campe sur ses droits et ne respecte plus l’autorité du mari, la paix est détruite, les enfants perdent leurs repères. L’unité de la famille est sapée ». disait l’église catholique en craignant que les querelles politiques détruisent l’équilibre « naturel » entre l’époux et l’épouse. La famille étant la cellule de base d’une nation. Si la famille se délite, c’est toute la nation qui se fragilise.

            Pour les femmes, sortir de la sphère du privé est contre nature. Une mère qui abandonne ses enfants pour une activité publique est nécessairement coupable. La conséquence logique est que seules les célibataires sans enfants peuvent entrer en politique. Mais si elle est célibataire sans enfant, ce n’est pas une femme « normale » et comment une femme anormale peut-elle avoir le droit de vote et assumer des responsabilités politiques ? Pour retrouver sa normalité, elle se marie et à des enfants. Elle doit alors s’occuper des enfants et de son époux. Sinon, elle est anormale. Le piège est admirable.            

           

            Les débats sur le « genre » indiquent d’abord le refus persistant de l’égalité entre les hommes et les femmes.