dimanche 29 juillet 2018

la technique nous submerge


La technique nous submerge



         Amazone, je comprends. Ils distribuent des marchandises à prix réduit. Vous souhaitez lire le livre de Tom Wolfe sur la gauche caviar à New York dans les années 1970, vous tapez gauche caviar (radical chic), Tom Wolfe en anglais et un libraire poussiéreux dans la rue des Palmiers à Englewood New Jersey reçoit votre demande, en occasion, je veux lire le livre, pas le conserver, pas l’offrir, qu’importe son état pourvu que je puisse le lire pour pas cher, il y aura le nom de son ancien propriétaire qui est sans doute mort et les enfants ont appelé un pilleur de bibliothèques et ainsi Tom Wolfe, se retrouve à Englewood, New Jersey le vendeur de livre d’occasions reçoit le message, emballe le livre et me l’envoie, service rendu, il n’était pas à la bibliothèque municipale, je le reçois quinze jours plus tard. Pour cinq euros livraisons comprise. Ça je comprends.

Google, Facebook, je comprends moins. Je comprends ce qu’ils font, ils répondent à des questions, ils mettent des photos du nouveau-né sur la toile, le nouveau-né circule des dizaines de fois, envahit les écrans de téléphones portables, sans bruit, sauf parfois une vidéo qui a enregistré mouvements, cris et commentaires ambiants. Vous ne savez plus qui a composé Les Indes Galantes, vous tapez Indes Galantes, et en retour, on vous dit Rameau. Avec le prénom en prime. Jean-Philippe. Ce qui pimente désormais les repas en ville. Avant, quand nous étions réunis autour d’une table, quelqu’un disait « j’aime beaucoup les Indes Galantes de Lulli. Un autre disait, non, ce n’est pas Lulli le compositeur, mais j’ai oublié son nom, je l’ai au bout de la langue. Je vous parle d’un temps où les seules techniques étaient les bouts de la langue. La table se déchirait entre Lulli et Rameau, il en résultait parfois des fâcheries de longue durée qui révélaient d’autres tensions plus graves, Les Indes Galantes n’étaient qu’un prétexte. Aujourd’hui, quand apparait la même question, vous voyez autour de la table sortir les téléphones portables, c’est à qui dégainera le plus vite, à qui trouvera la réponse le premier, indiquant ainsi la qualité de son téléphone et du réseau qu’il a choisi, la qualité de son abonnement. Le premier crie, triomphant, c’est Rameau. Jean-Philippe Rameau. Pour se vanter. Parce que le nom sans le prénom aurait suffi. L’inconvénient de cette évolution est que les tensions plus profondes, dans les familles ou entre amis, ne peuvent plus se déporter sur des sujets anodins. La casse peut s’en trouver limitée. Sans la dispute sur les Indes Galantes, il faut se quereller sur des humiliations subies, sur des tromperies enterrées et là, forcément, c’est plus grave.

Je comprends ce qu’ils font, je ne comprends pas comment ils gagnent tellement d’argent avec ça. Facebook non plus je ne comprends pas comment ils gagnent beaucoup d’argent en me permettant d’envoyer des messages à la toile comme on envoyait jadis des bouteilles à la mer.

Je ne comprends pas non plus comment la toile d’enflamme parfois avec des messages anodins. Au point où on ne dit plus « la toile » mais les « réseaux sociaux ». Autour de moi, on m’explique que sans présence dans les réseaux sociaux, sans site, sans Facebook, on n’existe pas. Je vois bien pourtant dans les combats que je mène, combats culturels, combats politiques, il est possible d’exister sans la toile, sans site, sans Facebook.

Parfois simplement en ouvrant un parapluie.










mercredi 11 juillet 2018

souvenirs


Comme point d’orgue de leurs trois journées de lessive, les blanchisseurs inaugurent une sculpture représentant une hache dont le manche est un arbre. Comme si en 1945, on avait inauguré une croix gammée dont le manche eût été un arbre de la libération. Notre groupe, qui s’appellera plus tard « mémoire et vigilance » a décidé de contre-manifester.

Nous avons préparé nos armes soigneusement, fiévreusement. Nous avons trouvé d’anciens parapluies ou des parapluies neufs, mais bon marché. Nous avons acheté des feutres. Le petit-fils Yann a été mis à contribution, il a inscrit les chiffres 829 au feutre noir et a signé : YG. La nuit a été courte, nous étions excités comme des mômes à la veille d’un départ en vacances. Comme des malfrats avant un casse. Tout était prêt. Le co-voiturage est organisé. Nous réglons nos montres. Nous partons en avance pour trouver une place. Nous trouvons une place. La pluie se calme un peu. Les circonstances idéales seraient suffisamment de pluie pour justifier les parapluies, car un beau soleil rendrait notre batterie de parapluies suspecte. Mais pas trop de pluie et pas trop de vent. Les dieux sont avec nous. Nous nous nous déployons, chacun séparément, chacun avec son parapluie, Brigitte avec un tee-shirt blanc marqué « 829 ». Nous approchons de l’esplanade Roland Barthes. La sculpture se dresse dans toute son horreur. Pour représenter l’ETA, ils ont choisi la hache. C'est à dire la violence. Ils auraient pu choisir le serpent, (la ruse) mais ils ont préféré la hache. L’artiste justifiera son choix en comparant son œuvre à Guernica de Picasso. Manque pas d’air. Je n’ai pas souvenir que la population de Guernica ait protesté contre le tableau alors que les associations de victimes de l’autre côté sont en ébullition contre cette hache. Les seuls qui sont contents sont les etarras et leurs soutiens. Otegi est ravi. David Pla (dirigeant de l’ETA emprisonné ») nous le dit : « ce qui se passe au Pays Basque Nord est exemplaire ». Bru, Brisson, Etchegarray sont au garde-à-vous. Ils ont enlevé leur écharpe tricolore.

Nous ouvrons les parapluies. Comme un barrage qui s’écroule, comme une écluse qui se remplit, des dizaines de journalistes derrière leur caméra, leur appareil photo, leur enregistreur, se précipitent, photographient, filment. Les médias nous sortent de la clandestinité. Depuis des mois et des mois que nous nous battons contre l’entreprise de blanchiment de la terreur, sans être guère écoutés, voilà, on commence à nous entendre. Txetx, Etchegarray, Otegi, sont tous verts de rage. On leur gâche la fête. Vous voulez savoir exactement ce qui se passe ? Imaginez des voyous s’introduisant dans une surprise-partie, hurlant et cassant tout. Nous sommes les voyous de la surprise-partie de la hache.

Nous  étions six, ils étaient deux cents. Voyez comme le rapport de force commence à s’inverser. L’an dernier, ils étaient dix mille dans les rues de Bayonne. Nous étions zéro. Aujourd’hui, ils sont deux cents et nous sommes six.



Les journalistes nous interviewent. Les caméras filment. Chacun d’entre nous est porte-parole d’un groupe en train de naître. Chacun déroule ses arguments. Autour de la hache, la fourmilière est en révolution. Otegi continue d’aimer la statue, avec Txetx et Jean-René Etchegaray. L’artiste continue d’aimer son œuvre, ce qui est la moindre des choses. Vincent Bru commence à penser que cette statue était une connerie, que l’appel à la manif du 9 décembre était une connerie. Max Brisson sourit d’un sourire blanc. Txetx vient nous voir. Lui-même. On se présente. Je vous connais dit-il. Je veux bien discuter avec vous. Mais vous n’allez pas perturber la cérémonie, demande-t-il. Bêtise du dirigeant qui ne dirige plus rien. Déranger ? Il veut dire, le dirigeant de Bizi, déranger genre voler des fauteuils dans une banque ? Ou genre déterrer des pétoires ? Bien sûr que non. Mais sa cérémonie est déjà foutue. Morte. Pétard mouillé. La statue tangue. Le maire de Bayonne, blanchisseur chef, se demande où il va cacher un monstre de huit tonnes. A Louhossoa, il y avait juste quelques caisses d’armes, ce n’était pas trop lourd. Mais là, huit tonnes de connerie, huit tonnes de bêtise, huit tonnes d’insultes aux victimes de l’ETA, huit tonnes de lessive, huit tonnes de barbarie, huit tonnes de cadeau à Otegi, comment on fait pour s’en débarrasser ? Au boncoin ? Le lendemain du Noël patriote, voici un cadeau dont plus personne ne veut.

mardi 10 juillet 2018

tant pis pour les Bleux


Un cheminot belge, interviewé par libé : « vous savez pourquoi les Diables rouges doivent gagner ? Pour fermer le clapet à tous les nationalistes qui ne cherchent qu’à diviser notre peuple ». Parce que l’équipe comprend flamands et wallons…



Voici pourquoi je soutiens les Diables Rouges 

dimanche 8 juillet 2018

moulins à vent


Pourquoi cette colère, cette inquiétude devant ces soins palliatifs pour une guerre morte? Le Pays Basque français a le droit de faire la fête à sa manière. Il a sa langue, ses chansons, ses danses, ses poèmes. Après tout, la France tout entière chante régulièrement « formons non bataillons, marchons, marchons, qu’un sanguimpur… ». Et le 11 novembre, le 14 juillet, des anciens combattants viennent présenter les armes sous les confettis, pendant que le village danse place de la mairie. Pourquoi le Pays Basque n’aurait-il pas le droit d’avoir des anciens combattants décorés, ses drapeaux déployés, ses veuves et ses orphelins ?

Je suis inquiet du manque d’inquiétude, de la tranquillité avec laquelle la socialiste Sylviane Alaux souhaite que l’ETA ne se dissolve pas, car l’organisation terroriste doit garder une place à la table des négociations. Je suis inquiet des visites de Vincent Bru aux prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée. De la manière dont il les trouve corrects.  Inquiet parce qu’il faut des mois de travail, de discussions, de coups de téléphone, pour que les élus du Pays Basque français acceptent d’aller rencontrer des associations de victimes, en traînant les pieds. Même ces amis qui me suivent, qui sont d’accord avec moi, ne semblent pas partager mes inquiétudes. Le repli identitaire leur semble un danger lointain. Tellement flou qu’il est difficile à combattre. Comment dissiper des brumes autrement qu’en attendant un coup de vent ?

S’il n’y aucun danger de repli identitaire au Pays Basque français, alors je combats des moulins à vent. Ce ne sont pas des monstres lui crie Sancho Panza, ce ne sont pas des chevaliers. Quelle rude vie que celle de Don Quichotte ! Entre les paysans qui le bastonnent, les pèlerins qui le rudoient, sa famille qui se moque, comment peut-il s’obstiner ?

Les patriotes envoient leur soutien aux indépendantistes catalans, aux autonomistes corses. Ils réclament le rapprochement des prisonniers, le retour des exilés, la réintégration des libérés. Mais on voit bien que ces incursions adultères sont l’admission morne d’une stagnation autochtone. Ils constatent comme moi que ça patine. Bon, ils vont obtenir le rapprochement des prisonniers qui depuis longtemps savent que le combat est perdu. Plus ils sortent de prison, plus la conscience de l’échec sera aigue. Il faudrait qu’ils restent encore quelques années, le temps d’une reprise, on ne sait jamais. S’il n’y a plus aucun prisonnier, il restera quelques sièges à la communauté d’agglo, des négociations aux municipales pour des strapontins, la korrika annuelle sans portraits de prisonniers. Comme de l’axoa sans piment d’Espelette.

Il resterait alors des patriotes sans objectif, des républicains sans adversaires, alors que partout ailleurs menace le repli identitaire. Le grand projet abertzale du siècle dernier est-il devenu une chimère ? Les patriotes feraient semblant de lutter pour l’indépendance et moi je ferais semblant de penser qu’ils constituent un vrai danger.

Ouvrez les yeux. Une coalition sans principes a donné au Pays Basque français des frontières. Désormais, une mécanique s’est mise en route. La frontière doit être justifiée, elle doit entourer des locuteurs, elle doit désigner des résidents, elle doit trouver des ancêtres et louer les martyrs. Ce ne sont pas des moulins à vent qui la dessinent.

samedi 7 juillet 2018

agit prop


Agitprop



Prenez n’importe quelle réunion publique, vernissage, inauguration, casetas, festival, assemblée générale, anniversaire.

Les personnes qui vous connaissent et que vous connaissez s’approchent et vous demandent comment vas-tu ? Ou comment allez-vous ? Vous prenez un air sombre, une voix lugubre et vous répondez, mal, très mal.

Il ou elle prend un air éploré : Que se passe-t-il, raconte…

Tu as une minute ?

Bien sûr.

Voilà. Tu as sans doute lu que des jeunes excités bretons ont maculé des résidences secondaires et ajouté « La Bretagne n’est pas à vendre ». Les élus, les maires de Cancale, de Morlaix, de Saint-Malo, ont vivement et publiquement dénoncé ces agressions. Ils ont dit que ça ressemblait à la Saint-Barthélémy, quand les catholiques traçaient une croix sur les maisons dont il fallait exterminer les habitants protestants.

Bon et alors ?

Et bien, ici au Pays Basque français, de jeunes excités basques ont incendié il y a deux ans une résidence secondaire à Hélette, et écrit « le Pays Basque n’est pas à vendre » sur les murs. Eh bien, personne n’a rien dit. Silence de mort. Seuls les patriotes ont dit qu’ils refusaient de condamner. Tu comprends ? Ça veut dire qu’ici au Pays Basque français, on peut incendier une maison sans provoquer de réaction de réprobation. Que si ces jeunes sont un jour arrêtés, les patriotes iront manifester pour leur libération et que là, tous les élus basques qui sont restés silencieux les suivront et iront manifester pour leur acquittement. Ça  veut dire qu’ici, au Pays Basque, les identitaires ont déjà gagné, qu’ils sont déjà au pouvoir. Voilà pourquoi je vais très mal.

Mes interlocuteurs sont soulagés. Ils croyaient que j’avais une maladie grave.

Depuis, le nombre de personnes qui me demandent comment je vais a diminué.

mardi 3 juillet 2018

lapsus


La ministre Jacqueline Gourault a nommé les prisonniers corses « prisonniers politiques ». Puis elle a rétrogradé, mais c’était trop tard. Les nationalistes corses ont cueilli ses paroles et les ont mises dans leur filet.  Vincent Bru, député Modem du Pays Basque, utilise les mêmes mots pour les assassins basques, sauf quand  il y a des membres de « Mémoire et Vigilance » dans la salle où il s’exprime.

La manière dont on nomme des hommes et des femmes qui ont utilisé la violence, l’assassinat, le kidnapping, l’extorsion de fonds, le racket,  pour des objectifs de pouvoir, est centrale à la question du terrorisme.  Les nommer « prisonniers politiques », c’est une manière de légitimer la barbarie de leurs méthodes. Il y a des barbares pour lesquels jamais un politique ou un ministre ne déviera de cette réflexion. Ainsi, personne ne nommera les assassins de Daech « prisonniers politiques ». Jamais Jacqueline Gourault n’utilisera cette formule pour Merah ou pour Koulibaly. Jamais la langue des responsables ne fourchera non plus pour les assassins du GAL ou pour les Barbie et autre Touvier. En revanche, certains nommaient les barbares de l’IRA, « prisonniers de guerre » et souhaitaient leur accorder les garanties des prisonniers de guerre, admettant ainsi qu’il y avait une guerre entre le peuple irlandais et l’impérialisme britannique et non une campagne de terreur contre les Irlandais du Nord.  

Il ne s’agit pas ici d’erreur ou de lapsus. Il s’agit d’une conception de la démocratie. Contre certains peuples considérés comme inférieurs, les méthodes de la terreur peuvent être considérées comme légitimes. Considérer les assassins basques ou corses comme des prisonniers politiques,  témoigne d’un profond mépris pour les Basques et pour les Corses, considérés comme indignes des méthodes démocratiques qui règlent les sociétés civilisées.

Que les nationalistes méprisent le peuple qu’ils se sont chargés de défendre est une règle générale.  Que des gouvernants partagent ce mépris est plus préoccupant.

lundi 2 juillet 2018

eugénie les bains




Guérard à Eugénie-Les-Bains



Vous ne connaissez pas les Prés Eugénie dans la région de Chalosse ? La Chalosse est un territoire gascon comme le Pays Basque est un territoire basque. Guérard est le nom d’un cuisinier étoilé qui vient vous dire bonjour au moment des amuse-gueules et son visage buriné et souriant vous met en confiance pour la suite. Il porte la veste blanche d’un cuisinier étoilé. Propriétaire d’un vaste domaine d’une dizaine d’hectares où se trouvent des hôtels de luxe, avec des suites impériales et des chambres fastueuse que seul Stéphane Bern saurait décrire,  avec robinetterie plaqué or, un établissement thermal, une école de cuisine, un parc et une piscine. Qu’allions-nous faire dans un établissement haut-de-gamme alors que généralement nos revenus, nos habitudes, notre moralité, nous cantonnent dans les établissements de deux à trois étoiles ? Ce serait long et fastidieux à vous expliquer. Un enchaînement d’événements futiles et contrariants, rien de dramatique, mais intrusif, qu’il serait ennuyeux de dérouler. Posons comme postulat qu’un jour, à une date précise, nous avons retenu une chambre pour deux aux Prés d’Eugénie et deux places au restaurant gastronomique renommé de Guérard. Qu’il soit bien clair que nous n’en tirons aucune fierté. Ça  peut arriver à tout le monde de se retrouver par un enchainement imprévisible dans un lieu où normalement, on ne l’attendrait pas.



Il fait canicule à la sortie de Biarritz et Brigitte ralentit quand la route est ombragée. C’est le dernier jour où nous pouvons rouler à 9O à l’heure sur certaines routes et nous nous en donnons à cœur joie. C’est là où on rend compte de la coupure profonde qui existe entre Paris et le reste du  pays. A Paris, la moitié des habitants n’a pas de voiture et la majorité des possesseurs de véhicules à moteur se déplace à vélo ou en transport en commun. Quant au petit pourcentage qui utilise la voiture, ils se déplacent en moyenne à moins de trente à l’heure. Comment voulez-vous que ces gens comprennent les provinciaux qui se rendent de Biarritz à Eugénie-les-Bains et risquent d’arriver à 14 heures 12 au lieu de 14 heures cinq ? Nous sommes dans une folle colère à l’idée que demain au retour, vers le Pays Basque, nous n’aurons plus le droit de rouler à 90 à l’heure et que nous arriverons à Biarritz avec trois minutes de retard. Ivres de vitesse, Brigitte appuie sur le champignon et nous chantons ensemble « connards de Parisiens qui veulent nous limiter la vitesse ».



À Hossegor, arrêt pour un brunch. Les horodateurs sont les mêmes qu’à Biarritz, avec panneau solaire et embrouilles. Il faut inscrire le numéro de la voiture et naturellement, j’inscris le numéro de la voiture sur le panneau de numérotation du code bancaire, après avoir fouillé dans le sac pour chercher et trouver la carte grise car qui connait par cœur le numéro d’immatriculation de son véhicule à moteur ? La carte bleue ne marche pas avec l’immatriculation et le code bancaire n’ouvre pas accès à l’usage programmé de la chaussée. Je ne me moquerai plus jamais des gens qui bataillent avec les horodateurs Avenue Victor Hugo quand je serai de retour au pays. A Hossegor, le tarif est quinze euros pour deux heures trois quart. Forcément, il y a des places pour tout le monde à ce  prix-là. Deux brunch à quinze euros plus l'horodateur, calculez vous-même. Un horodateur vaut un brunch. Nous trouvons un resto à l'ombre. Retour dans la voiture où les téléphones portables sont en fusion.



Je demande aux indigènes la direction de Saint-Sever qui est sur la route d’Eugénie-les-Bains. Les plus âgés nous disent à droite puis à gauche. Les plus jeunes ne connaissent pas les noms que je leur soumets. Ils sortent leur téléphone portable et disent GPS puis Saint-Sever jusqu' à Eugénie-les-Bains. Ensuite, ils disent tout droit, puis à gauche puis à droite. Moi aussi j'ai un portable Pourquoi ne pas frimer moi aussi. Je tape mappy, je fonce sur Google, une voix nous guide avec une étonnante précision. Sur mes genoux un rectangle en plastique noir avec une carte qui te trace la route, et une voix qui audiodécrit. Dans deux kilomètres prendre à gauche la D 435 vers Moissans ou Grenade. La voix parle quand s’annonce un croisement important. Plus besoin de cartes routières, plus besoin de s'arrêter pour demander aux indigènes. Dans un coin de France où le réseau ne parvient pas, comment faire ? C’est simple. Là où il n’y a pas de réseau, il n’y a personne non plus. Donc tu es perdu. Partout le réseau fonctionne et nous arrivons à Eugénie-les-Bains à l’heure dite. Toujours à 90 à l’heure.



L'accueil aux Prés d’Eugénie est digne de Relais et Châteaux. À l'entrée, un vigile s'avance, tablette à la main. Il se méfie n'est-ce pas parce que une Twingo pour un Relais et Châteaux, on peut se poser des questions. Inquiétude stupide pour deux raisons. D’une part, il y a d'autres points d'accès à cette immense propriété. D'autre part, nous savons que les pires truands n'utilisent jamais de Twingo, mais des katkats très puissantes pour transporter la Cocaine et un hélicoptère pour s’évader. Le vigile nous demande : « Etes-vous des hôtes de ce château? Oui, nous avons réservé au nom de Pradier. Bonjour Monsieur Pradier, dit le vigile et je prends conscience des souffrances infinies de Monsieur Veil quand sa femme Simone l'emmenait dans des dîners en ville et qu'on lui disait, bonjour monsieur Simone. Le vigile vérifie sur sa tablette et me répète bienvenue Monsieur Pradier, à nouveau, je repense à Antoine, sa vie à dû être un enfer. Le vigile trouve le nom dans sa tablette, il nous dit bienvenue aux Prés d’Eugénie. Vous roulez jusqu'à la pergola, vous vous arrêtez et un bagagiste va prendre votre valise, dont les roulettes du coup deviennent inutiles, un chauffeur va ranger votre voiture et une dame va vous accompagner à l'accueil puis dans votre suite. Il nous tend un papier:



"Nous avons le plaisir de vous informer qu'une place privilégiée est réservé à votre voitures portant le nom de votre chambre (Bouton d'Or), elle se situé agréablement tout près des arcades de la galerie ouverte. Il s'agit du parc numéro 2 au cœur de l'airial botanique peuplé d'une myriade d'arbres et d'essence magiques ». Tout ça pour une Twingo ? On comprendrait pour une Porsche, une Rolls Royce, une Maserati. Notre Twingo ronronne de plaisir.



Le texte poursuit : « L'airial botanique d'Eugènie est une promenade à livre ouvert faite pour la quiétude d'automobilistes connaisseurs comme pour la curiosité de promeneurs piétons? Parcourez-le avec lenteur, patience et délicatesse. Respecter-le, il est confié à votre sauvegarde. Il est tout de savoir vivre».



Nous sommes impressionnés. J’imagine le même dépliant à l’entrée du périphérique :



« Nous avons le plaisir de vous informer qu’une place privilégiée est réservée à votre voiture portant le nom de votre adresse. Elle se situe agréablement dans la file de droite de cette chaussée. Il s’agit du terrain n° 2 du parc périphérique de l’agglomération parisienne au cœur d’une myriade d’immeubles de styles divers et de noms exotiques, Neuilly, Saint-Ouen, la Chapelle. Cette espace est une promenade à livre ouvert fait pour la quiétude d’automobilistes connaisseurs. Parcourez-le avec lenteur, patience et délicatesse. Respectez-le. Il est confié à votre sauvegarde. IL est tout de savoir vivre ».



Vous ne croyez pas que ça calmerait les énervés du volant ?



Nous abandonnons la Twingo. Brigitte va se baigner dans une piscine entourée de chaises longues avec un serviette à votre nom. Deux couples commandent une bouteille de champagne et des toasts de caviar. Des parvenus…



Nous avons réservé pour le soir. On nous donne à nouveau des conseils : «La Maison est très sensible au chic aussi nous vous remercions de bien vouloir vous vêtir avec élégance pour le dîner. Les shorts et les sandales de plage ne sont pas admises ». 



      Je ne dispose pas du vocabulaire requis pour décrire la qualité du repas.



Le retour est le 1 juillet. Nous devons rouler à 80 à cause de ces connards de Parisiens.