vendredi 31 août 2018

disparition


Il y a quinze jours, j’écrivais ceci :

 

« Beaucoup sont surpris  que Mémoire et Vigilance, un si petit groupe, soit reçu par le Préfet, par la Chancellerie, par le président du Conseil départemental, par une députée, par des associations de victimes en Espagne, par des députés européennes, par des personnalités comme Fernando Savater.

 

Pourquoi ? La réponse est évidente : nous ne sommes pas nombreux, mais nous sommes les seuls. Les seuls à dénoncer la supercherie des blanchisseurs, la soumission des élus et des partis à la feuille de route des demi-soldes de l’ETA.

 

Que nos succès ne nous montent pas à la tête. Il suffirait qu’un parti, un groupe d’élus, une association connue, reprenne nos revendications, partage nos inquiétudes, pour que du jour au lendemain, nous disparaissions ».

 

Voilà, c’est arrivé. La République en Marche a décidé de prendre position contre les identitaires et de dénoncer la supercherie des blanchisseurs de l’ETA. A l’occasion de la rencontre prévue le 1 octobre entre Macron et Sanchez. Le Pays Basque en France redevient une terre pluraliste où se confrontent les identitaires et les républicains.

 

mercredi 29 août 2018

ne pas déplorer, ne rien regretter


Ne rien regretter, ne rien déplorer.

 

Quand l’opération des artisans de la paix s’est mise en marche, le Pays Basque français était unanime. Unanime par ses représentants, conseillers municipaux, maires, députés et sénateurs. On peut imaginer que certains n’étaient pas d’accord. Ils ne l’exprimaient pas publiquement. Le blanchiment de la terreur de l’ETA ne tolérait aucune tâche, les banderoles étaient immaculées.  

 

Cette unanimité avait deux conséquences. En France, les pouvoirs publics qui menaient le combat contre le terrorisme en coopération avec l’Espagne, qui tentaient de maintenir un semblant de raison républicaine, refusaient de traiter les prisonniers basques emprisonnés comme des prisonniers politiques. Ils rencontraient des délégations de citoyens exaltés, d’élus ivres de ce mouvement collectif sans faille. Ces délégations demandaient d’aider l’organisation terroriste à se désarmer dans l’honneur du sang versé, à rapprocher les prisonniers de leur famille en outrepassant les règles du droit. Que dans ces conditions, l’état français ait tenu bon est tout à son crédit.

 

La deuxième conséquence portait sur le Pays Basque espagnol. Les abertzale radicaux battus militairement souhaitent une revanche politique. Ils manifestent à la sortie des assassins de l’ETA, changent et dansent. Là-bas, ces liesses sont très mal ressenties par les associations de victimes. Comme sont très mal ressenties les opérations de blanchiment de la terreur, car les morts sont de leur côté. Alors les EH Bai ou Sortu crient leur déploration : pourquoi ne peut-on pas mettre en scène au Pays Basque espagnol une grande opération de nettoyage comme celle de la Grande Teinturerie du Pays Basque français ?

 

C’est pourquoi l’action de notre groupe a été accueillie avec enthousiasme par ces deux institutions. Par les représentants de l’état français au Pays Basque et par les associations de victimes. Pour les mêmes raisons : enfin les préoccupations des associations de victimes étaient prises en compte. Enfin les représentants de l’ETA français pouvaient dialoguer avec des opposants au blanchiment de la terreur. Un grand coup d’air frais. Le Pays Basque français n’était plus unanime, le pluralisme souterrain et silencieux se faisait entendre.

 

Les teinturiers étaient furieux. Ils se demandaient comment un groupe si restreint avait pu abattre une sculpture de trois tonnes et de huit mètres de haut. Comment une poignée d’hommes et de femmes avaient pu accéder à la préfecture, à la chancellerie, dégonfler la baudruche, révéler la supercherie ? Nous pouvons leur révéler le secret de ces succès : convictions, ténacité, courage, obstination. Nous avons appris ensemble à ne pas accepter l’inacceptable. Nous avons appris ensemble qu’il est toujours possible d’entreprendre et d’imaginer des actions contre les dérives les plus puissantes. Que chacun peut faire quelque chose. Il a fallu du courage pour affronter les insultes, pour affronter le pire ennemi de toute entreprise : l’indifférence, la résignation, la passivité.

 

Le groupe a su se hisser à la hauteur des difficultés. Il n’a pas su se hisser à la hauteur de ses succès. Au lieu de poursuivre, on se dispute l’héritage. C’est la preuve de la richesse des acquis. Mais nous ne savons plus gérer la suite. Trop difficile, hors de portée. Il faudrait devenir un mouvement organisé, un parti, intervenir dans la vie publique. Nous n’avons ni les moyens ni la volonté de se transformer ainsi. Chacun va retourner à son chemin ou à son jardin. Nous allons écrire, discuter, rencontrer, inventer d’autres formes d’action. Ou ne rien faire. Je demande ici qu’on ne déplore rien, qu’on ne regrette rien. Nous avons accompli beaucoup.

 

Rappelons-nous en permanence les condamnations des nationalistes,  leurs moqueries sur notre petit nombre. La sculpture de la hache devait être la clé de voûte de leur entreprise. Sans cette clé de voûte, l’édifice s’écroule. Si vous doutez, allez sur le site des artisans de la paix. Vous constaterez que depuis le 8 avril, ils sont muets.

 

mardi 28 août 2018

on ne démissonne pas


La démission de Nicolas Hulot est un bon événement. Chaque militant de La République en Marche sait à quel point ce mouvement est l’un des mouvements où l’on fait le moins de politique en France. Pas de discussion, des responsables mutiques qui sont nommés par je ne sais pas qui et dont le principal souci est de porter une tasse de thé à un ministre en visite sans renverser une seule goutte. La démission de Nicolas Hulot est un bon événement, il va nous faire discuter. Devant un pouvoir qui s’enfonce de plus en plus dans la gestion bureaucratique, technocratique de la société, cette démission est le contraire de la bureaucratie, de la technocratie. Elle nous bouscule. Elle nous oblige à réfléchir. Pour qui observe d’un peu près, on voit bien que les personnes d’influence sont plus soucieuses des intérêts de leur influence que de la société.  Que Stéphane Bern et les chasseurs créent un écran de fumée entre…entre qui ? Je ne connais pas le peuple. Je connais dix personnes bien, cinquante personnes à peu près bien, deux cents personnes vaguement, et entre ces personnes qui ne représentant pas le peuple, mais que je connais, je constate dans à peu près tous les domaines une opacité qui s’est installée et qui s’épaissit. Dans l’enseignement, ce retour au passé. Dans l’économie, les économistes qui ont fait le programme du président tirent la sonnette d’alarme.

 

Pour le moment, le succès de Macron nous a protégés des extrêmes. Qu’il attire les franges les plus progressistes de la droite, les plus républicains des républicains ne me gêne pas au contraire. Il faudrait plus penser aux franges les moins conservatrices de la gauche, les plus ouvertes au changement et les plus préoccupées à la fois de l’efficacité économique et de la justice sociale. Et mieux accueillir, plus intégrer des personnalités comme Nicolas Hulot, comme Jean-Louis Borloo. Comme Stéphane Le Foll. Comme Elie Cohen. Comme Laurent Berger. Dans le domaine de l’enseignement, François Dubet. Plutôt que Bern ou les chasseurs.

 

L’inquiétude partagée est que l’échec de Macron ouvrirait la porte  à des situations à l’italienne, ouvrirait les vannes des cinq étoiles mélanchonistes, des extrême-droites à l’affût. Les fantômes rôdent. Dans le Brexit du Royaume-Uni, dans les pitreries de Donald Trump. Jusqu’à la catastrophe du Venezuela, Jusqu’où, jusque quand serons-nous protégés ? Nous sommes trop tranquilles par rapport à ces dangers.

 

Christophe Castaner envoie aux inscrits d’en marche un très long argumentaire de trois ou quatre pages serrées sur la politique écologique du gouvernement Macron. Il manque juste un petit point : pourquoi Nicolas Hulot est-il parti ? Je connais la réponse. Je sais pourquoi. Parce que les dirigeants de La République en Marche, ivres de leur succès, n’écoutent plus personne. Parce que Christophe Castaner n’a jamais répondu à mes lettres, ni à celle de Gérard Oyhamberry,  alertant le mouvement sur les dérives identitaires de La République en Marche en Pays Basque. C’est pour ça que Nicolas Hulot a démissionné.

 

La démission de Nicolas Hulot nous renvoie à nos responsabilités individuelles. Un petit groupe de citoyens s’investit dans la dénonciation du blanchiment de la terreur qui transforme en teinturerie les partis du Pays Basque en France et les élus en teinturiers.  Y compris ceux de La République en Marche. Ils sont peu nombreux, mais tenaces, actifs, obstinés, courageux. Ils montrent que rien n’est impossible à qui est décidé.

 

Et en politique locale ? Nous habitons Biarritz. Nous voyons tous les jours ou presque des discussions au conseil municipal ou ailleurs sur la gestion du Palais. Sur les travaux prévus à Marbella. Sur les logements sociaux. Toutes ces discussions sont portées en partie par des élus qui se réclament de LREM. Jamais un mot de ces discussions dans la section locale. On parle partout des prochaines élections. Des candidats hypothétiques, François Amogorena, Michel Veunac, Guy Lafite, sont tous dans La République en Marche. Vont-ils se présenter ? Avec qui ? Avec la droite ? Avec le républicain Max Brisson ? Quelles sont les questions brûlantes de la ville de Biarritz ? Le Palais et les logements sociaux ? De tout ça on discute partout, sauf à La République en Marche. C’est pour ça que Nicolas Hulot a démissionné.

lundi 27 août 2018

altruisme


Beaucoup sont surpris, moi en premier, que Mémoire et Vigilance, un si petit groupe, soit reçu par le Préfet, par la Chancellerie, par le président du Conseil départemental, par une députée, par des associations de victimes en Espagne, par des députés européennes, par des personnalités comme Fernando Savater. Un groupe d’une vingtaine de personnes.

 

Pourquoi ? La réponse est évidente : nous ne sommes pas nombreux, mais nous sommes les seuls. Les seuls à dénoncer la supercherie des blanchisseurs, la soumission des élus et des partis à la feuille de route des demi-soldes de l’ETA.

 

Que nos succès ne nous montent pas à la tête. Il suffirait qu’un parti, un groupe d’élus, une association connue, reprenne nos revendications, partage nos inquiétudes, pour que du jour au lendemain, nous disparaissions.

 

Nous sommes donc profondément altruistes. Par nos textes, nos actions, nos prises de position, nous travaillons jour après jour à notre disparition. Nous travaillons à l’avènement de ce jour béni où le Pays Basque en France sera à nouveau une terre pluraliste où se confronteront les identitaires et les républicains.

dimanche 26 août 2018

j'ai de la chance


J’ai de la chance. A un âge où beaucoup de mes amis sont morts, ou bien malades, ou bien impotents, ou séniles, ou plus préoccupés par le bruit que font les voisins que par les malheurs du monde, à un âge où l’important, c’est l’arthrose, où tomber sans pouvoir se relever est un incident beaucoup plus grave que le massacre des Kurdes, à un âge où l’on met le réveil le soir avant de se coucher pas pour être à l’heure, mais pour être certain de se réveiller, à une âge où une radio n’est pas un entretien avec France Bleue Pays Basque, mais un examen médical, à cet âge-là, je suis pris dans la tourmente d’une association dont l’objectif est d’empêcher qu’un territoire de trois provinces, de trois cent mille habitants, qu’on désigne par Iparralde si l’on est nationaliste, ou Pays Basque français si l’on est républicain, d’empêcher donc que ce territoire sombre dans un gouffre identitaire comme tant d’autres territoires ont sombré en Europe.

 

Je suis républicain, basque par adoption, basque par alliance, basque par habitation, géographiquement basque, culturellement cosmopolite. Je vis dans ce territoire où le nationalisme fut longtemps entravé par des actions terroristes qui mettaient la majorité des habitants mal à l’aise. Depuis 2011, les patriotes farouches se sont fatigués de tuer un gendarme par ci, un conseiller municipal par-là, sans rien obtenir d’autres que des condamnations politiques et pénales. Aujourd’hui, ces patriotes attendent leur libération, se demandent s’ils ont sacrifié les plus belles années de leur vie pour rien, bref, je n’aimerais pas être à leur place.  

 

Les indépendantistes s’étant ainsi débarrassés de leurs boulets, avec l’aide des polices françaises et espagnoles, l’aide des opinions de la société civile, et en dernier lieu l’aide d’une réflexion politique que la dynamite empêchait de fonctionner, se sont remis à mettre en regard leurs objectifs et les moyens non militaires de s’en approcher. Ils ne pouvaient pas se débarrasser de leurs prisonniers car leur engagement était à la fois un frein et une identité. Les ayant désarmés, il leur restait sur les bras des militaires dont la principale qualité étaient d’avoir renoncé à l’uniforme. Actifs, ils étaient encombrants. Inactifs, ils pouvaient servir de porte-drapeau. Le 11 novembre et le 14 juillet, la présence des anciens combattants est indispensable à toute cérémonie républicaine. Les indépendantistes leur ont donc accordé des médailles et demandé à la société toute entière de participer aux cérémonies du désarmement.

 

Une bonne partie de la société basque française a suivi. Le Pays Basque a des montagnes, des guides, des brebis, des fromages, des côtes, une langue, des danses. Pourquoi pas des anciens combattants ? Pourvu qu’ils soient anciens et plus combattants, ils pouvaient décorer le paysage. Ils pouvaient aider les touristes à s’intégrer, les élus à devenir patriotes, les députés et les sénateurs à porter les couleurs de l’ikurina.

 

Cette évolution tranquille et apaisée ne pouvait fonctionner que dans la négation des crimes de l’organisation terroriste. Rien que d’écrire ces mots, la terre tremble. Négation, comment, comme négationnistes ? Crimes ? Comment, comme criminels, comme bourreaux. Terroriste ? Comment, comment Daech ? Il fallait oublier leur barbarie, ne jamais regarder les souffrances de leurs victimes et de leur famille. Considérer les milliers de victimes et de morts de l’ETA comme s’ils étaient aussi lointains que les réfugiés rohingyas.

 

C’est ici que j’interviens. Excusez-moi de parler de moi. L’histoire est ainsi faite qu’elle se développe souvent dans les interstices. Dans cette unanimité mémorielle et politique, ma situation d’historien de la terreur et de jacobin convaincu m’a lancé dans une bataille d’abord solitaire, puis un peu moins solitaire, mais toujours très minoritaire. Les débuts furent difficiles. Le territoire se partageait en distinguait plusieurs camps. Le camp majoritaire, très majoritaire estimait que le glissement identitaire était une menace lointaine et ne valait pas la peine qu’on s’en occupât. Les habitants des villas côtières continuaient ainsi tranquillement à se baigner dans leur piscine insensibles à la tectonique des plaques. Après nous l’effondrement. Donc, ces demandes adressées aux élus de prendre contact avec les victimes, ces demandes aux partis de ne pas aller manifester avec des terroristes non repentis, ces demandes de faire partie de l’Europe et du monde, ces demandes bruyantes et isolées ne rencontraient guère de réponse. Quelques clics sur la toile, quelques commentaires. Parfois un débat dans La semaine du Pays Basque, un entretien sur un bouquin paru. C’était le temps heureux du splendide isolement. Tout seul, vous écriviez ce que vous vouliez, tout seul, vous manifestiez, vous preniez la parole. Certains ont appris mon nom. Tout était tranquille. Les nationalistes me considéraient avec amusement, leurs complices étaient un peu plus irrités, j’étais leur poil à gratter. On souriait quand je levais la main, enfin, j’allais leur fournir le spectacle attendu. De temps en temps, ça grognait, ceux qui ne me connaissaient pas encore. Ceux qui me connaissaient les faisaient taire, laissez-le il fait son numéro.

 

Voilà qu’à force de taper, l’inattendu, l’irréparable, le cauchemar, la malédiction, l’enfer, la catastrophe, tout en même temps, sont arrivés. Je n’étais plus seul. On s’est rencontrés, on s’est reconnus, on s’est perdus de vue, on s’est retrouvés. Je n’étais plus seul. Nous étions un groupe. Certes pas nombreux, mais un groupe. On a porté des parapluies pour protester contre la hache. Le préfet a voulu rencontrer les porteurs de parapluie et il a fallu désigner une délégation, choisir. Puis les associations de victimes nous ont vus à la télé, dans les journaux, surtout espagnols, elles nous ont écrit. Qui étions-nous ? Puis des élus, des intellectuels espagnols. Bref le ciel nous est tombé sur la tête. Entre les journalistes, les interviews, les délégations, les rencontres…Rendez-vous compte, nous étions vingt,  sans espoir de prompt renfort. L’un a dit, il faut tout discuter ensemble. L’autre a dit que la délégation n’était pas représentative. Un troisième a regretté une formule trop polémique, le quatrième lui a répondu qu’elle ne l’était pas assez. Nous n’étions pas assez, nous étions trop.

 

Entre le confort de la solitude et la complication d’un collectif même infime, il faut admettre que le collectif est plus efficace, mais bon sang, que c’est compliqué de se mettre d’accord. Il faut des statuts pour lutter contre des statues, il faut un bureau, il faut voter. Il y a des egos et pas d’égaux, des engagements divers. Franchement, je n’arrive pas à faire face. Je ne sais pas dorloter les uns, apaiser les autres, bousculer le troisième. Pourtant on n’est pas nombreux. On parle de nous dans la presse. On a des photos dans les journaux. On donne l’impression d’être nombreux. Ce n’est pas vrai, on est une vingtaine et on s’énerve comme si on était cinq mille.

mardi 21 août 2018

pays laïque


La France est un pays laïque où religion et état sont séparés. Les fidèles doivent contribuer financièrement à l’entretien de leur église et aux salaires de leur personnel permanent.

 

Si l’on considère que le nationalisme est une religion, alors le Pays Basque français n’est pas un pays laïque. Le conseil d’agglomération et les mairies subventionnent des cours de langue basque (AEK) ou le Pays Basque français est Iparralde et la frontière disparaît entre France et Espagne, et de nombreuses manifestations nationalistes (culturelles, ou politiques, en faveur des presos…).

 

Dans un pays laïque, les fidèles, donc les nationalistes financent ces activités. D’ailleurs, les parents qui mettent leurs enfants dans une ikastola contribuent au financement.

 

Comment respecter la laïcité ? Allons voir du côté des pays du Nord. Dans le système anglo-saxon, on choisit l’inclusion et l’exclusion (« opt in » ou « opt out ». Dans les écoles du Royaume-Uni, la journée commence par un service religieux. Les parents qui ne souhaitent pas que leurs enfants participent à cette cérémonie doivent le signaler. (opt out). Dans le système syndical britannique, une partie de la cotisation va au Parti travailliste. Si un syndiqué ne souhaite pas cette participation, il doit le signaler (opt out). Dans les déclarations d’impôt en Allemagne, si vous ne déclarez pas votre volonté de « opt out », vous contribuez au financement du culte.

 

Donc, il suffirait que les conseils d’agglo et de la ville demandent aux contribuables s’ils acceptent de financer des activités nationalistes, comme des cours de langue où le Pays Basque est réunifié, par exemple. S’ils choisissent le « opt out », leurs impôts locaux seraient réduits d’autant.

 

Ainsi le Pays Basque français redeviendrait laïque, ce qui est me semble-t-il le souhait majoritaire.

 

mariez-les


Dans une tribune du monde du 21 août, Nancy Huston s’adresse au Pape François pour lui demander d’abolir le célibat des prêtres, comme moyen semble-t-il, de répondre aux agressions pédophiles par le clergé catholique. Comme si les agressions pédophiles étaient le fait d’adultes mâles privés d’activité sexuelle.

 

Mais que va dire Nancy Huston des agressions pédophiles découvertes récemment dans les milieux juifs intégristes, où pourtant les rabbins ont le droit de se marier ?

 

Et des agressions pédophiles par des adultes pères de famille respectables ?

 

 Ou par des pasteurs protestants ? Ou des imams ? Ou des enfants violés par des musulmans intégristes ? Tous mariés ?

et les instituteurs? tous mariés.
 

Non, décidément, ce n’est pas une bonne piste. Car ces agressions, pour l’auteure de l’article, seraient le résultat d’un manque, de frustration… Non, il s’agit d’agressions et de crimes. Weinstein, me semble-t-il n’était pas particulièrement frustré…

mercredi 15 août 2018

pays basque pensylvannie


 Dans l’état de Philadelphie, aux Etats-Unis, des dizaines de prêtres ont abusé de centaines d’enfants. Leur hiérarchie était au courant, elle a tout fait pour cacher les crimes. Pour éviter le face à face avec les victimes. Pour refuser le dialogue avec les victimes. La hiérarchie, les évêques, ont dialogué avec les auteurs des crimes, les ont mutés dans d’autres paroisses, ne les ont pas dénoncés à la police, n’ont pas voulu entendre les plaintes des familles. Cinquante ans plus tard, les victimes dénoncent et la hiérarchie vient se repentir. Des centaines de vie ont été massacrées. Si la hiérarchie catholique était intervenu plus tôt, si elle avait aussi longuement parlé avec les victimes qu’elle a dialogué avec leurs agresseurs, si elle avait puni avec toute la rigueur nécessaire ceux qui ont violé individuellement des enfants et collectivement des sociétés catholiques meurtries, elle aurait pu limiter les dégâts. Elle ne l’a pas voulu et cinquante plus tard, des évêques ridés, blanchis, éteints,  viennent se repentir d’une voix chevrotante.



            Au Pays Basque espagnol, une organisation terroriste, ETA, a violé la société basque, a tué 850 personnes, a fait des milliers de victimes, causé des dégâts considérables, individuels et collectifs.



            Au Pays Basque français, les élites politiques, les partis, les mouvements, vivaient dans un territoire épargné. Ils étaient tous au courant, ils ont tout fait pour ne pas voir, ne pas regarder, ne pas entendre. Ces élites ont dialogué avec les assassins, avec leur organisation, Ils ont demandé qu’ils soient mutés dans d’autres villes, rapprochés de leur famille. Elles n’ont pas voulu entendre les plaintes des victimes.



            Combien de temps, combien d’années faudra-t-il pour qu’un Max Brisson ridé, un Vincent Bru aux cheveux blancs, un Jean-René Etchegaray éteint, un Txetx à la voix chevrotante, viennent devant un micro pour se repentir, pour regretter de ne pas avoir dialogué avec les victimes, de ne pas avoir demandé à leurs bourreaux de se repentir, pour avoir nié net blanchi les agressions contre la société basque espagnole ?

dimanche 12 août 2018

histoires de statues


Les histoires officielles se développent en Europe, en Hongrie, en Pologne, en Russie. L’Etat participe à la promotion d’un récit national qui doit susciter la fierté du peuple. L’historien George Mink parle d’une étatisation de l’histoire. Partout, on peut parler des victimes mais pas des responsables, pas des bourreaux.



Chez nous, au Pays Basque français, les artisans de la paix et leurs complices construisent une histoire unanime où les victimes n’ont plus de bourreaux. Ils se félicitent de l’acceptation unanime de cette histoire blanchie.



Aux Etats-Unis, c’est l’anniversaire des émeutes de Charlottesville, le 12 août 2017. Des manifestants demandaient l’enlèvement de la statue du général Lee. Selon un historien nord-américain, les états esclavagistes avaient perdu la guerre, mais ils avaient gagné la paix et la statue de Lee était le symbole de cette victoire.


Mémoire et Vigilance, en obtenant le retrait de la sculpture de la hache, a pris date pour l’avenir. Il n’y aura pas de manifestation contre cette sculpture symbole de l’ETA parce que les manifestants ont empêché son érection. Mémoire et Vigilance continue d’œuvrer pour que les barbares de l’ETA, après avoir  perdu la guerre, ne puissent pas gagner la paix.

sans profession

 
Sans profession





            Dans les salles de mariage, dans les prétoires de justice, dans les commissariats, dans les amphithéâtres, devant les jurys d’examen et les conseils en recrutement, devant les guichets des élections, dans les bureaux de déclaration de vie ou de mort, dans les demandes de prêt pour acheter une maison, dans les formulaires d’inscription pour un concours administratif, dans les biographies officielles ou dans les personnages de roman, l’état-civil occupe une place centrale.  Né le xxx, à xxx, France, marié, divorcé, veuf, ingénieur, médecin généraliste, domicilié à xxx. Et puis au milieu de ces renseignements précieux pour un état qui soigne ou qui réprime, qui éduque ou exclut, tout à coup claque une expression qui néantise la vie d’une personne.

Sans profession.

Rien. Comme on efface une personne qui a écrit des poèmes, qui répare les voitures, qui fait le tour du monde, par deux mots : « sans diplôme ».

Comme on abolit une personne qui tient commerce de vêtements, qui dirige une chorale, qui entretient une forêt, qui fonde une famille, qui rénove des appartements, qui élève des enfants, par deux mots : « sans papier ».

Donc dans cette salle de mariage, dans ce tribunal, la personne est sans profession. Elle a suivi des études, acquis un diplôme de haut niveau, l’a exercé pendant plusieurs années, puis elle a arrêté ses activités salariées pour se consacrer à deux ou trois enfants. Quand les enfants ont grandi, elle est devenue bénévole d’une association caritative, elle a aidé des scolaires en perdition et l’ensemble de cette vie d’une grande diversité et d’une grande richesse est englouti dans deux mots : « sans profession ».

Dans la grande majorité évidemment, ce sont des femmes. Si des situations similaires étiquetaient majoritairement des hommes, soyons assurés qu’on aurait trouvé depuis longtemps une expression plus valorisante que « sans profession ».

vendredi 10 août 2018

fantômes


Si tous mes manuscrits se publiaient, si toutes mes douleurs s’apaisaient, si tous ceux que j’aime m’aimaient, si les passants sur les trottoirs demandaient pardon de m’avoir bousculé,  si la température oscillait entre 18 degrés la nuit et 25 degrés la journée, si mes oreilles percevaient le bruit d’une limace digérant une feuille de salade, si mes yeux voyaient depuis l’Arc de Triomphe le slogan accroché à l’Arche de la Défense, si Aube dorée, Ligue du Nord et Rassemblement national s’effondraient aux élections, si les grandes entreprises construisaient des logements sociaux et des Palais de la Culture, si les migrants trouvaient des raisons de ne pas migrer, si les trottoirs où je me déplace étaient plats et antidérapants, si les voitures s’arrêtaient aux passages piétons, si l’ordinateur ne traînait pas tant à s’ouvrir, si je pouvais remonter le temps, si je pouvais arrêter les aiguilles, si le travail était une fête et les jours de repos une corvée, si les mouettes me laissaient dormir, si les voitures étaient électriques, si les autoroutes devenaient des pistes cyclables, si les banques rouvraient leurs guichets, si le site d’aide en cas de panne informatique répondait après cinq sonneries pas plus, si le message important parvenait à destination même s’il manquait un trait d’union, si le rendez-vous chez le médecin s’offrait dans l’après-midi même, si tous les enfants de la famille proche ou recomposée obtenaient le baccalauréat avec la mention très bien, si l’on pouvait transférer tous les morceaux de musique de l’ordinateur jusqu’au baladeur sans transpirer, si les oreillettes pour malentendants étaient autonettoyantes, comme les fours à pyrolyse, si l’on pouvait manger du Maroilles sans cholestérol et boire du champagne sans cristaux d’acide urique,  si le bébé dans le train s’arrêtait de hurler, si le vent n’arrachait pas les feuilles du journal que vous vous prépariez à lire devant une tasse de café, si la tasse de café ne se renversait pas sur le pantalon immaculé…



Ce serait une catastrophe.  En effet, cette longue liste de malheurs explique la boule dans l’estomac, la pression dans la poitrine, le léger vertige au lever du matin. Or, je sais bien que la boule dans l’estomac, la pression dans la poitrine, le léger vertige du matin, ne disparaîtront pas avec tous ces malheurs que l’on croit explicatifs. Avec leur disparition ne resteront que d’étranges symptômes qu’il était si confortable d’expliquer. Ne resteront alors que des angoisses transparentes, des angoisses pures, détachées du monde réel, des angoisses sans rime ni raison.



Remercions les malheurs du monde de ne jamais nous laisser seuls devant nos fantômes.

mercredi 8 août 2018

esprit biarritz, où es-tu?


Esprit Biarritz est un lieu de discussion politique et de formation citoyenne.



Je reçois de Guy Lafite un texte expliquant son vote favorable au bail signé pour l’hôtel du Palais. Ce texte est envoyé aux membres d’Esprit Biarritz, un lieu de discussion politique et de formation citoyenne.



Si j’ai bien compris un texte très argumenté, Guy Lafite nous explique pourquoi il fallait voter pour sans que jamais Esprit Biarritz n’ait discuté des arguments contradictoires. J’ai lu des déclarations de membres d’Esprit Biarritz qui aboutissent à la conclusion contraire, mais jamais leurs arguments n’ont été discutés.



Esprit Biarritz est un lieu de discussion politique et de formation citoyenne.



Je n’ai pas compétence pour intervenir dans la discussion, mais j’aurais aimé en acquérir dans un lieu de discussion politique et de formation citoyenne.



Deux remarques : il n’existe en France aucune ville de moins de vingt-cinq mille habitants qui soit propriétaire d’un lieu comme l’hôtel du Palais. Il aurait fallu le vendre depuis longtemps et il n’est peut-être pas trop tard. En tous cas, la discussion en cours, la fracture de la majorité, le ralliement d’une opposition que tout oppose à nos conceptions d’une ville à la fois tourisme haut de gamme et action sociale, semblnte confirmer que cette gouvernance est hors de portée d’une ville comme la nôtre.



Deuxième remarque : quand des questions sont posées sur le lancement du programme de logements sociaux à Aguilera, (centrale de notre identité d’Esprit Biarritz) la réponse est consternante : c’est impossible parce que le PLU dépend de la communauté d’agglo,  que c’est difficile, que c’est impossible.



Alors je compare. Pour le Palais, des discussions depuis plus de trois ans. Des rapports commandés à des experts, des cabinets d’avocats qui se déplacent, des banques qui négocient, des milliers de pages, des rapports discutés, des heures de discussion. Des élus qui s’étripent. Qui changent de position.



Pour les logements sociaux à Aguilera, rien. Juste : « c’est impossible, le PLU ne peut pas être changé ». Alors, j’imagine une campagne de discussion aussi intense que celle sur le Palais, des rapports d’expert, des discussions au sein de la communauté d’agglo, des consultations de cabinets d’avocats, des déclarations à la presse, des investissements en temps en argent aussi considérable que pour l’hôtel du Palais, et je me dis que peut-être, pas certain, mais que peut-être on aurait avancé sur le dossier des logements sociaux à Aguilera.



Un conseil en conclusion : si vous êtes citoyen et que vous voulez intervenir dans la vie politique, ne pas se plaindre, ne pas déplorer, ne pas accuser, ne pas gémir. Parler et agir. C’est à la portée de tous. Les responsables qui savent tout n’aimeront pas, mais ils devront faire avec.








lundi 6 août 2018

etats ethniques


La communauté d’agglo du Pays Basque adopte des règlementations qui graveraient dans le marbre le caractère basque de cette agglo, transformant les minorités du territoire en citoyens de seconde zone. Ces mesures risquent de provoquer une vraie fracture au sein de la population vivant au Pays basque. En donnant un caractère officiel à la langue basque, en créant un statut de résident, En faisant de la population du territoire des alliés des terroristes basques emprisonnés, en faisant porter aux élus un signe distinctif pour ceux qui parlent basque, Ces mesures, selon David Grossman, sont le résultat d’un « complexe de supériorité ethnique, de la frénésie de barboter dans je ne sais quel « nous » auto justificateur, nationaliste, de nature à expulser du « foyer » tous ceux qui ne sont pas « nous ».  



Mais peut-être que cette loi va nous faire un bien énorme en dévoilant à tous où nous sommes parvenus, où le Pays Basque a sombré. Cette loi va ébranler enfin tous ceux parmi nous qui tremblent pour le Pays Basque, son esprit, son ouverture sur le monde. Ils se réveilleront pour mener le bon combat, un combat profond, entre ceux qui ont succombé à la tentation nationaliste et ceux qui espèrent encore. Entre les manipulations et l’intimidation, et ceux qui s’y opposent.



Excusez-moi, je mélange tout. David Grossman parle de la loi prévue par Netanyahou faisant d’Israël un état ethnique.

etats contre blanchisseurs.


D’après l’AFP, Emmanuel Macron et Pedro Sanchez se rencontreront le 1 octobre à Madrid ou à Vitoria. L’objectif de cette rencontre est de célébrer la coopération entre Madrid et Paris qui a permis la déroute et la disparition de l’organisation terroriste ETA. Pendant que les Artisans de la Paix critiquaient l’inaction de  Paris et de Madrid, négociaient avec les etarras une sortie honorable, s’imprégnaient des éléments de langage abertzale, Paris et Madrid arrêtaient les assassins, les condamnaient, les mettaient hors d’état de nuire. Et la société espagnole manifestait régulièrement son horreur de la barbarie.



Cette rencontre réduira à néant la campagne nauséabonde des blanchisseurs de crimes et des fabricants de hache. Elle condamnera ces misérables teinturiers qui frottent, qui nettoient, qui trouvent les criminels si corrects et les cimetières si vides. Elle effacera le sourire des blanchisseurs en les plongeant dans la boue de l’histoire, dans le sang des crimes, dans les fosses des martyrs.



La bataille du récit des années noires remporte des succès au Pays Basque espagnol. Il semble plus difficile d’accueillir la libération des etarras par des manifestations de joie. Le dernier etarra libéré, Santi Potros, condamné pour des assassinats de masse à Barcelone et à Madrid, a quitté la prison avec une exemplaire sobriété. Aucune déclaration publique. Deux hommes et une femme qui l’accompagnent à la voiture. Silence et peut-être contrition.



On attend avec impatience les réactions des blanchisseurs Vincent Bru, Max Brisson, Jean-René Etchegaray et leur mentor Txetx. Vont-ils condamner leur condamnation ? Vont-Ils réagir à cet effondrement de leur campagne ? Vont-ils baisser la tête devant cette condamnation du blanchiment et de négationnisme ? Vont-ils hurler avec les abertzale que Pedro Sanchez et Emmanuel Macron, en condamnant le terrorisme, en célébrant sa défaite, sont des ennemis de la paix et des adversaires du peuple basque ?

mercredi 1 août 2018

urgence de la compassion


Urgence de la compassion




 Les drames, les catastrophes, les massacres, les souffrances collectives, les épidémies, les glissements de terrain, les victimes d’attentats qui dépassent les deux chiffres, exigent de chacun d’entre nous des réponses, ou encore, si elles sont impossibles ou tardives, au moins des paroles de compassion, des soupirs entendus, des postures, des discours pour ceux qui disposent de pouvoir politique, des signatures de chèque. Personne ne passe devant un lieu de visibilité des malheurs humains en révélant tout haut son indifférence. Un candidat à une fonction politique qui trinquerait au champagne devant un monument aux morts n’aurait aucune chance d’être élu. Il est arrivé qu’une personne utilise la flamme du souvenir de l’Arc de Triomphe pour frire des œufs, mais cette personne a signé par son geste une renonciation à toute carrière politique. La compassion est aussi contraignante que l’interdiction de fumer à l’intérieur d’un caisson à oxygène où se joue la vie d’un prématuré comateux.

                   L’urgence de la compassion est récente. Il faut pleurer et déplorer dans l’instant. Nos ancêtres avaient le temps de la réflexion. Ils ne disposaient pas des instruments de communication, de transports d’images et de sons qui nous entourent et nous submergent. Les catastrophes leur arrivaient au pas, la peste se déplaçait à l’allure d’un chemineau, les massacres se propageaient à la vitesse des chevaux. Les nouvelles circulaient lentement et pour peu que les conteurs manquent de talent, les histoires qu’ils racontaient laissaient les auditeurs de marbre. D’autre part, les principes moraux étaient différents. On ne pouvait pas comparer. Dans un village où l’on mourait de faim, les villageois étaient convaincus que tout le monde mourait de faim. On ne voyait pas dans les chaumières des images de plantureux banquets pendant que les paysans rongeaient des racines. Les chances pour les meurt-la-faim irlandais ou ukrainiens de se trouver face à un tableau d’agapes peint par Breughel étaient minces. La mort était la fin de la vie, les femmes allaient travailler aux champs avec leur nouveau-né sur le dos et s’il mourait au bout de quelques heures, elle déposait le cadavre devant la porte pour qu’une charrette le ramasse. Imaginez qu’il nous reste de cette société cruelle des documents audio-visuels. Ils seraient insupportables.

Nous sommes donc dispensés des horreurs de l’histoire. Mais l’éloignement de la barbarie rend les catastrophes et les atrocités contemporaines beaucoup moins supportables. Elles dépassent les capacités de consommation et de digestion. C’est pourquoi il y a concurrence et compétition. Le régime de production et de distribution des calamités est celui du grand commerce. Il faut constamment des produits nouveaux, soit par leur ampleur, soit par leur singularité. Il faut les faire connaître par une publicité incessante. Le produit qui l’emporte est celui qui fera couler le plus de larmes ou provoquera le plus d’indignations.

                   Ces choses-là sont connues et en quoi puis-je vous être utile ? En vous aidant à vous situer dans ce maquis de fléaux, à réagir au bon moment, à vous comporter en bons citoyens, ceux qui pleurent quand il faut, qui déplorent quand il faut, qui ne se trompent pas, qui ne plaignent pas les bourreaux alors qu’il faut soigner les victimes. Le  nombre de manuels de savoir-vivre qui vous indique comment vous comporter dans un dîner de famille, à un mariage, un enterrement, un deuil, un divorce, un anniversaire, est considérable, mais rares sont les auteurs qui se sont penchés sur les règles de savoir-vivre devant la catastrophe de Tchernobyl, l’attentat contre le World Trade Centre ou le Tsunami de l’Océan Indien.

                   Comment choisir, comment hiérarchiser ? Je ne m’adresse pas ici aux acteurs et aux professionnels de l’information. Ils savent très bien que la mort accidentelle d’une princesse royale dans un tunnel parisien, alors qu’elle fuyait les photographes de presse qui voulaient la surprendre avec son amant, lui-même fils d’une famille richissime, peut provoquer, si elle est activement et intelligemment mise en scène, une émotion mondiale dont la mesure est le nombre de coups de téléphone qui réveillent les interlocuteurs pour être les premiers à leur apprendre la nouvelle. Si le grand-oncle plongé dans le coma depuis plusieurs mois vient à trépasser, vous serez mal reçu d’annoncer la nouvelle à un ami à quatre heures du matin, parce qu’il estimera à juste titre que vous pouviez attendre l’heure du petit déjeuner, rien ne pressait, sauf votre envie de vous venger en réveillant à quatre heures du matin cet ami qui lui-même vous avait réveillé cinq années plus tôt pour vous annoncer la mort accidentelle d’une nièce que vous n’aviez jamais rencontrée et vous vous étiez promis de lui rendre la pareille. Alors que.

                   Alors que, si vous êtes le premier à annoncer la mort de la princesse dans son tunnel, ceux à qui vous l’annoncerez vous en garderont une éternelle reconnaissance, car ainsi réveillés, ils allumeront d’un seul coup d’interrupteur la machine à café et le poste de télévision et pourront ainsi voir en boucle les images de l’entrée du tunnel, les premiers bouquets de fleurs déposés près du pont de l’Alma, les premières interviews de femmes éplorées, pendant que coule le café. De même que vos amis vous seront reconnaissants de les avoir réveillés pour assister en direct à la deuxième attaque aérienne contre la deuxième tour de New York. Les professionnels connaissent tout ça et s’ils ne le savent pas encore, ils feraient bien de changer de métier. Mais vous, qui n’êtes pas professionnel, qui cherchez dans ces lignes des réponses aux grandes questions, vous savez bien que les émotions universelles mesurent plus les émotions des professionnels de l’information que celle des gens à qui ils s’adressent.

                   J’ai appris à hiérarchiser les catastrophes. D’abord, plus c’est près, plus c’est grave. Le décès d’un  proche, d’un membre de la famille, ne requiert aucun conseil  particulier. Il suffit de se laisser aller à votre chagrin. L’incendie d’un appartement dans l’immeuble que vous habitez demande des gestes de solidarité morale et matérielle. Par exemple, une tasse de café chaud si l’incendie se déclare la nuit en hiver, ainsi que le sacrifice d’une couverture de laine, la couverture kaki que vous avez conservée de votre service militaire justement pour ne pas sacrifier une bonne couette à cette occasion. Si l’incendie s’est déclaré dans l’immeuble voisin, ouvrir les volets et les fenêtres, agiter la main pour dire bonjour, suffira. À l’autre bout de l’échelle des catastrophes, les plus hauts niveaux ne posent pas de graves difficultés. Le tsunami de l’Océan Indien, l’attentat contre le Centre Mondial du Commerce, les massacres de Londres et de Madrid, ne souffrent aucune réticence dans l’expression d’un regret et d’une sympathie pour les victimes, pour leur famille et le peuple ainsi frappé. Dans l’entre-deux, les réponses ne sont pas aussi claires. Tous les jours, l’auditeur ou le téléspectateur est sollicité par les nouvelles de massacres, d’attentats, de bombes humaines, de voitures piégées, de vols à main armée, d’attentats à la pudeur, de viols à la tronçonneuse, des accidents de voiture en veux-tu en voilà, des avions qui s’écrasent, des épidémies nosocomiales, des avalanches, des inondations, des noyades dans les piscines privées, des éboulements de terrain, des coulées de boue, sans compter Tchernobyl, les famines, les massacres inter-ethniques , les noyades des migrants, les cancers du poumon, les cirrhoses du foie, les incendies de voitures en hiver et les incendies de forêt en été, les vols de portables, les rackets, les défaites sportives dues à la partialité d’un arbitre étranger. Inutile de tourner autour du pot : si vous réagissez même modérément à tous ces événements, vous serez pris dans une spirale descendante, dans un monstrueux maelström qui vous empêchera de vivre une vie normale. Comment faire pour conserver l’image tant désirée d’un être sensible et généreux tout en injectant dans l’âme et l’esprit la dose vitale d’indifférence à l’égard des malheurs de l’humanité ?

                   Réfléchissons ensemble, voulez-vous et prenons exemple et leçons auprès de personnalités connues pour leur sentiment humanitaire et leur engagement public et notoire dans l’aide aux malheureux et les soins aux malades. Dans la mesure où ces hommes et ces femmes sont des êtres humains, ils vous pouvoir nous aider, forcément. Seul Dieu, pour les croyants, peut prendre en charge toutes les souffrances humaines et depuis qu’il a envoyé son fils Jésus sur terre, par amour pour nous et pour soulager toutes nos souffrances, il peut assister l’esprit tranquille à toutes les catastrophes terrestres puisque chaque fois que se déclenche une guerre ou un tremblement de terre, il se servira du voyage de son fils sur terre pour montrer qu’il n’est jamais indifférent à la souffrance. Grâce à Jésus, Dieu conserve l’âme en paix pour l’éternité. Mais nous, qui n’avons jamais sacrifié un animal de compagnie, encore moins un enfant pour sauver le monde – encore que, si nos avions la certitude d’une résurrection après trois jours de séjour inconfortable, pourquoi pas, après tout. Mais comme on n’est pas sûr, on persiste à consulter le médecin à la première rhinopharyngite du petit chéri. Donc, restons humains, nous ne pouvons pas devenir des Dieux, il n’en reste plus qu’un seul et la place est déjà prise.

       En revanche, Sœur Emmanuelle, l’Abbé Pierre, Sœur Thérésa, voilà des hommes et des femmes sur terre, des corps vivants, dont personne ne peut dire qu’ils sont indifférents à la souffrance humaine. Que constatons-nous ? Et bien, comme tout un chacun, ils font des tris, ils établissent des urgences, ils fabriquent des hiérarchies. Sœur Emmanuelle, on ne s’en rend pas compte en visionnant les images, lave les pieds des malheureux, d’accord, mais les pieds les plus sales, les plus odorants, les plus scrofuleux, sont dégrossis par une cohorte d’aides médicales qui lui sont entièrement dévoués et rendent présentables les pieds que va laver la future sainte. Il n’est pas interdit de penser que les aides médicales éliminent même entièrement les candidats à la péditoilette dont les pieds sont au-delà du supportable. L’Abbé Pierre et Sœur Theresa sont eux aussi entourés de trieurs professionnels. Si les meilleurs sont ainsi contraints de choisir, c’est que leur ancêtre à tous, Jésus-Christ, leur a montré l’exemple. Et l’équipe de Lourdes constitue l’un des jurys les plus sévères du monde, puisque sur des centaines de milliers de candidats à la guérison, elle sélectionne un élu tous les dix ou vingt ans. Pensez-vous que les milliers de sélectionneurs qui se pressent autour de la grotte sainte en éprouvent des remords ?

À ce point vous aurez le droit de me faire remarquer que les exemples choisis relèvent du religieux et ne prouvent rien du tout puisque les croyants sont convaincus qu’ils peuvent trier les malheurs impunément, Dieu faisant office de voiture-balai. Tout  le monde se trouve sur une liste d’attente et personne ne sera oublié. Les non-religieux, les athées, les esprits forts, les rationalistes, les libre-penseurs, tous ceux qui pensent que Dieu n’existe pas, que les hommes et les femmes doivent se débrouiller avec les moyens du bord, ne partagent pas ces convictions. Les victimes qu’ils rejettent sont plongées dans un grand trou noir sans espoir de remontée. Ils doivent  donc se construire une morale et établir des principes qui leur permettront de continuer à vivre tout en manifestant une compassion de bon aloi. Pour atteindre cet objectif, je suggère d’observer les transporteurs de malheur, ceux qui tiennent les micros et les caméras. Leur système est au point. Le malheur méritant est celui qui attire les regards et provoque de la pitié. Les deux points sont nécessaires. Un malheur qui attire les regards mais ne provoque pas de pitié ne mérite pas d’être enfermé dans une boîte. Par exemple, les accidents de voiture des fins de semaine, on tourne les yeux, mais on ne va pas des centaines de fois dire « c’est affreux ». Un malheur qui provoque de la pitié, mais n’attire pas les regards, par exemple l’incendie d’un camp de caravanes roumaines sous le pont d’un périphérique laisse indifférent car ils sont tous laids et malhonnêtes. Un cas particulier est celui des inondations. Curieusement, les personnes interviewées par les journalistes, notamment les femmes, sont laides, mal habillées, sans maquillage. On ne nous fera pas croire que dans tout un quartier inondé, où quelques centaines de familles doivent fuir les lieux, il n’y ait aucune jolie femme à montrer. Pourquoi est-ce que les journalistes ne nous montrent que les moches ? Sans doute pour se racheter de la princesse du souterrain de l’Alma, non monsieur, nous ne montrons pas que les paillettes, les bijoux, les voitures de luxe, les tailleurs Chanel, nous montrons aussi, quand c’est nécessaire, des femmes habillées de pilou pilou, aux cheveux gras, à qui il manque parfois des dents, celles qui ont toute leur vie été enduites de malheur.

À observer ces transporteurs de catastrophes, on finit par trouver. La réponse se trouve dans la triomphante affirmation du jugement  personnel, dans le refus dramatiquement mis en scène de ne pas suivre le troupeau des pleureurs qui chaque matin nous crie « debout là-dedans ! », voici les catastrophes du jour. La réponse est dans la résistance à tous ces marchands arrogants qui vous crient dans les oreilles « elle n’est pas fraîche, ma catastrophe ? Venez me dire en face qu’elle n’est pas fraîche. » Comment mettre en œuvre ce refus ? Vous vous constituez un fichier de cataclysmes, des plus lointaines aux plus récentes. Quand la machine à mixer les émotions populaires se met en marche, vous cliquer sur votre dossier et vous choisissez une autre catastrophe en clamant haut et fort qu’elle mérite plus votre compassion que celle qu’on veut vous imposer aujourd’hui, en laissant entendre que si la catastrophe dominante est dominante, c’est pour des raisons qui sont étrangères à sa gravité, qu’il y a certainement des raisons politiques ou commerciales, ou stratégiques, pour faire grimper le prix du pétrole. Vous réussirez à convaincre votre entourage qu’il n’y a pas de catastrophe objective, que chacune d’entre elles est une construction et qu’avec un peu d’habitude, on peut la déconstruire, le temps de rôtir une tranche de pain de mie si vous aimez les toasts au petit déjeuner. Vous persuadez quelques personnes autour de vous, qui pourront en convaincre d’autres et ainsi grossissent les boules de neige. Chacun a droit à une catastrophe personnelle, bien à lui, personne n’a le droit de vous imposer un modèle standard avec des gens qui se jettent par la fenêtre d’un gratte-ciel, des landaus qui dévalent les escaliers, une main qui s’enfonce dans des sables mouvants. On vous parle d’un tsunami pendant des jours et des jours. Excusez-moi, rétorquez-vous, moi, je sais ce qu’il se passe au Darfour, et plus personne n’en parle, et pouvez-vous me dire pourquoi plus personne ne parle du Darfour ?  La semaine suivante sera celle de la lutte contre le tabac et ses conséquences meurtrières. Vous triompherez alors en citant les statistiques effarantes des conséquences de l’obésité sur la santé des enfants, mais personne n’en parle parce que le budget publicitaire des chaînes de télévision dépend des compagnies qui fabriquent boissons gazeuses et bonbons sucrés. Et  cette campagne contre le tabac, dites-vous, vise à construire un mur d’illusions et à masquer les dégâts des grandes sociétés agro-alimentaires. Ainsi, à chaque nouveau cataclysme, un coup d’œil à votre fichier vous permettra d’apparaître comme un être sensible aux malheurs du monde et un esprit aigu qui ne s’en laisse pas compter. Solidaire et lucide. Sensible, mais pas moutonnier. Votre liberté, c’est de déplorer les conséquences de la sécheresse à la saison des inondations.

éloge de l'apostasie


Pour aider à comprendre ce qu’il se passe au Pays Basque, la lecture du livre de Jean-Pierre Martin, Eloge  de l’apostasie peut être utile. (En complément de mon livre Eloge de l’infidélité.)



         La fidélité est une valeur importante. Les militants qui conservent une foi inébranlable deviennent des « gueules cassées » de leur engagement. Ils sont admirables. « Que des affiliés à vie persistent dans leur fidélité à leur propre bêtise, cela ne semble gêner personne ». Le vieux Mao (comme Alain Badiou) continue d’attirer les sympathies. Alain Badiou, celui qui désigne le critique implacable et érudit du maoïsme, Simon Leys comme «un renégat du maoïsme ».

Les fidèles persistent dans leur attachement, c’est bien. S’ils rompent, on leur en veut. On déteste le reniement, le curé défroqué. Celui qui découvre la barbarie quand le monde voyait une utopie généreuse. Celui-là dérange. Salman Rushdie devient un ennemi de l’islam. Paul Nizan est dénoncé comme traître. Arthur Koestler passe à l’ennemi. Georges Bernanos est devenu renégat parce qu’il dénonce les massacres franquistes, George Orwell parce qu’il dénonce les massacres staliniens. Albert Camus est mis en quarantaine. David Rousset est un apostat. Ceux qui dénoncent les crimes de l’ETA sont des traîtres au Pays Basque.

Il y a peu d’apostats au Pays Basque. Peu de renégats. Peu d’anciens terroristes repentis ou d’intellectuels patriotes qui rompent avec la foi nationaliste. Il faut que règne partout une acceptation paresseuse, mais confortable, sur la nécessité de l’amour du territoire et du respect pour l’héroïsme des combattants de l’ETA.

Devant la barbarie, si on se tait, on peut conserver de bonnes relations avec le groupe. Si on parle on trahit. Comme la famille admet les meurtrissures internes en silence, mais se rebiffe contre la plainte déposée.

Les associations de victimes rendent plus difficile les mémoires militantes, les acceptations paresseuses. Les victimes qui parlent rendent la complicité honteuse.  C’est pourquoi l’activité principale des négationnistes de la terreur est de bâillonner et de blanchir. Il faut oublier les actes barbares, recouvrir les victimes d’un manteau de  plomb. Les criminels se congratulent, on les applaudit. Leurs victimes doivent se taire.

C’est pourquoi l’activité principale de Mémoire et Vigilance est de rendre la parole aux victimes.