Robert Guédigian fait travailler ses salariés à
moindre coût pour pouvoir produire ses films. Patrick Le Hyarec directeur du
journal L’Humanité licencie quarante
salariés pour continuer à publier le journal. Quand les patrons capitalistes agissent
ainsi, ils subissent les foudres de Jean-Luc Mélenchon, François Ruffin et Olivier
Besancenot. Conclusion, pour faire baisser les salaires des employés, licencier
le personnel sans se faire stigmatiser par les révolutionnaires, il faut avoir
des opinions révolutionnaires.
après avoir donné de mauvais exemples, voici venir l'âge des bons conseils.
dimanche 29 décembre 2019
misère de gauche
samedi 28 décembre 2019
le silence des ministres
Les Blanchisseurs de crimes ethniques (sous
l’enseigne des « artisans de la paix ») appellent à une manifestation
le 11 janvier prochain pour exprimer leur colère contre les gouvernements français
et espagnols qui persistent à écouter les associations de victimes et refusent
des mesures de libération quand les assassins ne s’engagent pas à demander
pardon, à renoncer à la violence, à ne pas célébrer leur sortie par des fêtes
humiliantes pour les familles.
Cette colère s’exprimera par le brandissement
de makilas, une arme de défense du Pays Basque, par des chants et des danses,
par des discours irrités adressés aux gouvernements français et espagnols. Par
la reprise mot pour mot du récit des terroristes : il n’y a pas eu
agression d’une société démocratique, mais un « conflit » entre
patriotes et les états républicains.
Jusqu’ici, la réaction des élus du Pays
Basque français a été d’une grande clarté. Ils se partagent en deux : ceux
qui soutiennent la manifestation et y participent, en le proclamant haut et
fort, makila dans une main, micro de l’autre. Tous ceux-là chantent « il y
a eu des victimes des deux côtés ». Et puis les autres qui ne soutiennent
pas, qui ne participent pas mais ne disent rien parce qu’ils ont peur de fâcher
des séparatistes aux élections, qu’ils craignent les emprisonnés qui parlent
alors que les morts se taisent, parce qu’ils ont peur de leur ombre.
Pour les municipales de Biarritz, la
situation se corse, si j’ose dire, avec l’arrivée de deux ministres d’un gouvernement
que les Blanchisseurs ne cessent de dénoncer comme sans cœur qui laisse mourir
les prisonniers. Que vont faire les ministres ? En effet, les patriotes
abertzale se sont répartis dans les deux listes, celle des marcheurs du maire
et celle des marcheurs de son adjoint. Les deux se déclarent amis du Pays
Basque, l’un a épousé une bascophone, l’autre a choisi une sénatrice
enthousiaste d’un territoire ethnicisé. Si Frédérique Espagnac va manifester
avec un makila, Jean-Baptiste Lemoyne pourra dire je n’y étais pas, mais elle
y est allée. Si l’épouse bascophone de Didier Guillaume participe à la sauterie
bayonnaise, il pourra dire qu’elle le représentait, car elle parle basque, mais
que lui était pris par une foire agricole dans la Vienne.
La solution est simple. Pour se sortir
de ce guêpier, il leur suffit de continuer à dire sur ce sujet ce qu’ils disent
en ce moment sur la réforme des retraites, sur les lois sécuritaires, sur la
réforme de l’éducation, sur le Brexit, sur les relations avec les États-Unis,
sur les traités transatlantiques, sur la laïcité, sur la lutte contre le
terrorisme.
C'est à dire rien.
lundi 23 décembre 2019
Bazaine
Les
prochaines élections municipales vont se dérouler dans un brouillard épais. Ce
brouillard n’est pas propre à Biarritz. Il roule sur les rives de la Seine, de
la Loire, des plages de la Méditerranée. Les statisticiens du Ministère de l’intérieur
qui devront en mars dégager les grandes tendances sont sur les nerfs.
Pour des
personnes, car il en reste, qui tentent de prendre position à partir de
convictions générales, celles qui veulent penser universel en agissant local,
les temps sont rudes. À Biarritz, mais pas plus qu’ailleurs. Les difficultés
sont aggravées par l’absence de lieux de discussion. Des lieux où se
tisseraient un fil, même frêle, entre l’universel et le global. Ce que nous
savons, par des conversations privées, des réunions publiques, des articles de
la presse locale, est simple. Des LR rejoignent un ministre socialiste et se
font exclure des LR. Des Modem soutiennent le gouvernement au Palais Bourbon et
flinguent les ministres en face du Palais, du coup ils se font exclure. Des marcheurs
soutiennent un ministre et excluent d’autres marcheurs qui soutiennent un autre
ministre. Un sénateur soutient un exclu tandis que l’exclu soutient son
adversaire. Vous me suivez ? Les patriotes tentent de trouver une place
dans la première offre, mais du coup se font admonester par d’autres patriotes
qui se retrouvent sur la seconde offre. Les écolos ne se présentent pas mais
excluent ceux qui se présentent dans une liste pas estampillée.
Je n’ose
plus inviter mes petits-enfants de peur qu’ils me posent la question :
pour qui tu votes, grand-père ? Je n’ose plus parler avec des amis de peur
qu’ils me posent la même question. Dans la chaleur du foyer, nous ne prononçons
plus le mot « tempête » qui permettrait d’échapper au maelstrom local
parce qu’immédiatement, la partenaire plus engagée nous dit qu’elle aimerait se
reposer un peu de la politique quand elle rentre chez elle. Si je dis recette
de cuisine, elle me répond lâche moi la grappe si je dis ratatouille elle
soupire. Nous fermons les portes et les fenêtres, nous calfeutrons les
embrasures, nous regardons Zorro à la
télévision et même là, c’est compliqué, parce le Sergent Garcia chasse Zorro
mais admire ses actions, tandis Don Diego explique ses projets de construction d’un
hôtel de luxe à Bernardo qui a l’immense avantage d’être sourd et muet.
Il faudra
choisir. Vous me dites que j’ai déjà choisi. C’est vrai. Je me suis engagé pour
Nathalie Motsch, soutenue par l’UDI, macron-compatible. Je répète mes raisons,
pas tellement pour convaincre mes quelques lecteurs, mais aussi pour me
convaincre moi.
Première
raison : je suis complètement indigné par le manque de tenue morale de
deux ministres qui sont actuellement responsables au plus haut niveau dans un
pays qui traverse une grave crise politique et qui regardent les événements en
se promenant autour des Halles. Comment voulez-vous que je fasse confiance à un
pompier qui va offrir l’apéritif à ses électeurs pendant que la forêt brûle ?
D’autres ministres briguent des mandats municipaux. Ils ont tous eu la décence
de démissionner avant même d’annoncer
leur bifurcation. Eux restent ministre, généraux d’une armée en campagne, qui
désertent Verdun pour se réfugier dans une ville plus tranquille.
Donc, ni Didier
Guillaume, ni Jean-Baptiste Lemoyne. Biarritz ne les mérite pas et ils ne
méritent pas Biarritz.
Restent Maider
Arosteguy, Nathalie Motsch et
Guillaume Baruch. Ma question est simple : Biarritz est actuellement
directement menacé par des hommes d’argent, des financiers et par un dérive
identitaire. Je constate tous les jours que la candidate la plus décidée à
résister à ces forces est Nathalie Motsch.
Et j’espère de toutes mes forces que ces
trois-là sauront se regrouper au second tour pour éviter de mettre Bazaine au
pouvoir.
vendredi 20 décembre 2019
deux dates
Deux dates.
Les élus du Pays Basque français ne bougèrent pas le
petit doigt quand ils auraient pu aider les véritables artisans de la paix que
furent Basta Ya et les associations de
victimes. Egoïsme. Pourquoi risquer d’importer un conflit alors que nos plages
étaient si paisibles ?
Quand l’ETA se déclara vaincue en déposant les armes, en
octobre 2011, elle demanda aux élus français de les aider à blanchir leurs
crimes, à légitimer leur barbarie, à héroiser leurs massacres. Banco. Les Artisans
de la Paix, blanchisseurs de sang et ramoneurs de terreur, entraînèrent toute
la classe politique du Pays Basque français dans un raz de marée de soumission qui
permit de faire croire aux terroristes qu’ils n’avaient pas perdu. Les
victimes, leurs familles sont meurtries mais elles ne votent pas.
EH Baï s’adressait à tous les élus du Pays Basque espagnol :
Pourquoi ne vous conduisez pas en Espagne comme vos collègues français ?
Après avoir abandonné nos amis espagnols quand ils
avaient besoin de notre aide, ils se réveillent pour leur faire la leçon. Leçon
au gouvernement français et espagnol : n’arrêtez plus les criminels puisqu’ils
paradent à nos côtés. Leçon aux associations de victimes : ne pleurez aussi
fort, vous nous empêchez de dérouler le tapis rouge sous les pieds des
assassins.
Le 11 janvier prochain, à Bayonne, les blanchisseurs
armés d’un makila agiteront leurs serpillères. Le 24 janvier prochain, à Bayonne,
Covite et l’Observatoire du Pays Basque donneront la parole aux victimes. Retenez
cette date.
jeudi 19 décembre 2019
le cru et le cuit
Conseil
municipal du vendredi 19 décembre 2019. Ils ont cru.
Le maire,
Michel Veunac, et Guy Lafite, premier adjoint. Ils parlent des logements à
construire à Aguilera. Voici ce qu’ils disent : « Nous avons pris du
retard parce que nous avons cru que c’était la communauté d’agglo qui décidait
du plan de construction». Nous apprenons maintenant que c’est la ville qui décide.
Pendant
trois ans ils ont cru. Pendant trois ans, ils
ont cru que Bernadette Soubirous avait seule le pouvoir de faire jaillir
du stade d’Aguilera des logements sociaux. Ils le croyaient. Ils en étaient
persuadés. Ils l’ont dit « nous avons cru ».
Puis,
d’un seul coup, ils se sont frappés le front d’une main déterminée. Mais bon
sang mais c’est sûr. C’est nous qui pouvons décider. Donc il faut vite décider.
Tout de suite. Nous avons pris trois ans de retard parce que nous avons cru.
Claude Levi-Strauss a écrit deux
livres majeurs sur la manière de diriger une ville : « Le Cru et le Cuit et Tristes tropiques.
dictature du prolétariat
Radio France, À intervalles réguliers, des voix anonymes
déclarent : à la suite d’un mouvement de grève d’organisations syndicales
représentatives, nous ne sommes pas en mesure de présenter nos programmes
habituels.
Représentatives ? 2 à 4% de grévistes. Les voix n’ont
pas le droit de le dire. Elles ont juste le droit de dire « représentatives ».
J’ai l’impression d’entendre les confessions publiques des dissidents en Chine
qui demandent pardon.
Ça s’appelle la dictature du prolétariat.
mardi 17 décembre 2019
le soutien et le silence
Dominer,
c’est obtenir le soutien ou le silence.
Encore une fois la communauté d’agglo du Pays Basque
vote semble-t-il à l’unanimité un appel à manifester pour les prisonniers
basques condamnés pour activités terroristes en bande armée. Le 11 janvier
prochain. À manifester avec le makila. À manifester avec une arme. Car le
makila est une arme d’autodéfense, me rappelle mon ami Jean Weber.
Encore une fois, je demande aux élus qui n’ont pas
voté la motion de le dire. C’est d’une grande simplicité. Vous allumez votre
écran et vous écrivez « je n’ai pas voté la motion appelant à manifester
le 11 janvier avec un makila et je n’irai pas manifester ».
C’est tout.
Comme je suis l’un des rares à leur demander cette chose
simple, et que je ne me lasse pas de le demander, vient le soupçon de
dérangement mental. Si tout le monde est d’accord pour aller manifester le 11
janvier prochain, et si ceux qui ne sont pas d’accord pour aller manifester
cachent leur désaccord, cela signifie que les Blanchisseurs de terreur dominent
notre bout de territoire. Dominer, c’est obtenir le soutien ou le silence. Les Blanchisseurs
dominent parce qu’ils obtiennent le soutien et le silence. Et ceux qui
persistent à crier dans le désert et le silence sont un peu dérangés, non ?
J’ai parfois l’impression qu’on me regarde curieusement. Vous le connaissez,
non ? C’est celui qui pense que les artisans de la paix sont des
blanchisseurs. Ah bon ? Mais c’est quoi les artisans de la paix ? Ils
blanchissent quoi ? Les artisans de la paix appellent à une manifestation
pour amnistier les prisonniers basques. Ah bon, il y a encore des prisonniers
basques ? Pourquoi sont-ils en prison ? Qu’importe la raison, ils
sont maintenus en prison par le pouvoir central et c’est un déni de justice et donc
on va manifester avec un makila pour demander leur libération. Pourquoi un
makila ? Un makila, c’est une arme d’autodéfense. Le Pays Basque est
menacé par ceux qui maintiennent des prisonniers en prison. Vous ne comprenez
pas ?
Je suis donc inquiet. Ce qui me rassure est qu’un
petit groupe d’hommes et de femmes disent que mon combat est important. Pas
nombreux, mais quand même. Ce qui me rassure aussi c’est l’appui, la sympathie,
des gens qui ont vraiment subi la terreur d’ETA, les associations de victimes,
les intellectuels comme Fernando Savater et Fernando Aramburu, des élues comme Maïté
Pagazaurtundua. Des universitaires français comme Barbara Loyer qui savent de
quoi je parle.
Ce qui me rassure aussi c’est le mouvement qui a
emporté une honteuse sculpture (une hache, symbole de l’organisation terroriste),
qui la fait rouiller dans un hangar et Jean-René Etchegaray est dans une colère
permanente contre le petit groupe de militants antis séparatistes qui lui ont gâché
la fête. Il les déteste. Il ne répond jamais à leurs lettres. Il refuse de
discuter avec eux. Parce que son truc à lui, c’est l’unanimité. Si tout le
monde est d’accord et que ceux qui ne sont pas d’accord se taisent, c’est qu’il
a raison. Et il a vraiment construit une œuvre gigantesque. Il a fait croire à
un pays en paix que nous étions en guerre et qu’il a rétabli la paix en mettant
des armes rouillées dans la hotte du Père Noël. Et ces manifestants qui
rouillent la sculpture, c’est juste une bande de dingues. Ils sont fous. La
preuve c’est que tout le monde est d’accord avec lui. Sauf les étrangers cosmopolites.
Des Basques espagnols, des intellos que personne ne connaît, le Prix Sakharov,
c’est qui Sakharov ? Et le succès de Patria
de Fernando Aramburu, a entièrement été organisé par des ONG étrangères,
soutenus par l’Occident.
Ce qui me rassure aussi, c’est la prudence du
président de l’agglo. Les motions de soutien à la teinturerie abertzale sont
toujours présentées en fin de séance, quand une partie des élus est déjà partie,
quand une autre partie range ses affaires et n’écoute plus. Jamais en milieu de
séance où quelques bras cosmopolites et antipatriotes auraient pu se lever. Comme
c’est dans le brouhaha de la fin, les élus qui ne sont pas d’accord disent qu’ils
n’ont pas entendu la motion, ou qu’ils sont déjà partis. Bref, le confort s’installe.
Ceux qui sont d’accord avec le blanchissage votent. Ceux qui ne sont pas d’accord
disent qu’ils n’ont pas entendu la motion, qu’ils étaient déjà partis. Dans une
conversation avec des antipatriotes, des cosmopolites, des agents de l’étranger,
ils peuvent dire qu’ils n’ont pas voté.
Dominer, c’est obtenir le soutien ou le silence.
D’accord, et alors, de quoi je me mêle ? Je me mêle
des affaires publiques. Parce que désormais, c’est ici, au Pays Basque français,
que je vis et que je termine ma vie. Et les abertzale sont le sel de la
politique au Pays Basque français. Il en faut juste une pincée pour que l’eau
devienne imbuvable. Jamais assez d’écoles en langue basque. Il faut dans chaque
mairie recruter des employés qui parlent basque. Il faut manifester avec les
prisonniers, oublier leurs crimes et subventionner leur récit. La Catalogne, la
Corse, sont d’ores et déjà contaminées par la division ethnique entre les vrais
citoyens et les étrangers, les touristes, les Barisiens. Voyez les récits que
mettent en avant les candidats : je suis un vrai biarrot, j’ai été bercé
sur une planche de surf, mes enfants vont dans une ikastola, ma femme parle
basque, je suis en couple avec une enfant du pays, et moi, les patriotes me
disent : si tu ne plais pas ici, retourne à Paris. Les patriotes me
demandent où je suis né. Où sont nés mes parents. Gare aux candidats qui n’ont
pas de nom du terroir, où sont nés leurs parents ?
Voilà pourquoi je me bats. Parce que je vis ici. Parce
les dernières années sont celles où l’on a un besoin urgent de tolérance, d’accueil
ouvert, de présence au monde.
À côté de ça, excusez-moi mes amis trop prudents,
quand vous me dites qu’il ne faut pas aborder ces sujets parce que vous allez
perdre quelques voix aux élections, je me dis qu’on ne partage pas les mêmes
enjeux.
N'ayez pas peur
N’ayez pas peur !
Jean-René
Etchegaray a soumis aux élus du conseil communautaire du Pays Basque une motion
« sur le processus de paix ». (Sud-Ouest 16 décembre 2019). Cette
motion regrette que le parquet anti-terroriste rejette les décisions prises par
le tribunal d’application des peines. Cette attitude de blocage, dit la motion,
« ferme toute perspective de résolution définitive du processus de paix ».
En effet, dit la motion, la question des prisonniers est la question centrale
du processus de paix. « C’est pourquoi le 11 janvier prochain, « nous
serons dans les rues de Bayonne, notre makila à la main ».
Pour
que les mensonges répétés ne deviennent pas vérités, il faut rappeler sans se
lasser :
Qu’ETA
a cessé le feu en octobre 2011, vaincue par la société civile et par la
coopération anti-terroriste entre la France et l’Espagne. Les artisans de la
paix et les élus du Pays Basque ne déploraient rien, ne condamnaient rien,
quand ETA massacraient les élus, les journalistes, les universitaires.
Depuis
cette défaite, des centaines de prisonniers basques ont été libérés :
en demandant pardon à leurs victimes ou à leurs familles, en s’engageant à ne
plus recourir à la lutte armée, en s’engageant à une sortie de prison discrète,
respectueux de leurs victimes. Les prisonniers qui restent sont ceux qui ne se
sont pas repentis, n’ont pas demandé pardon, ceux qui attendent de leurs amis
de grandes fêtes à leur libération.
Dans
la partie du Pays Basque qui a subi la terreur (850 morts), la majorité
de la population exige pardon, repentir et silence. Ceux qui exigent des libérations
sans condition sont les séparatistes radicaux. Les élus de l’agglo qui ont voté
la motion reprennent leurs paroles, leurs discours, ils demandent aux victimes
d’ETA de cesser leurs exigences. Ils demandent aux victimes de se taire. À celles
qui ne sont pas déjà mortes.
D’après
Jean-René Etchegaray, cette motion a été votée à l’unanimité. C’est un mensonge.
Un mensonge répété. Plusieurs élus n’ont pas voté la motion. Plusieurs élus ont
déclaré qu’ils n’iraient pas manifester avec un makila à Bayonne, comme ils ont
refusé de participer à l’humiliante installation d’une sculpture défunte.
La question
qui se pose est simple. Pourquoi des élus de l’agglo refusent de suivre leur
président et ne disent rien quand leur
président déclare qu’il est approuvé par tous ? Pourquoi les élus de la
ville de Biarritz conseillers municipaux se taisent quand leur maire va
déclarer au nom de la ville qu’il y des « victimes de deux côtés »
comme le répètent les bourreaux emprisonnés ?
Je ne
connais pas la raison. J’ai posé la question à plusieurs élus et candidats. Maider Arosteguy m’a répondu que
pour elle le danger principal au Pays Basque était l’Islam, pas le séparatisme.
basque. Son directeur de campagne a courageusement pris position contre les Artisans
de la Paix. Guillaume Barucq n’a pas
souhaité répondre. Guy Lafite ne souhaite pas répondre. Les deux ministres n’ont
pas répondu à la lettre que leur a envoyée l’Observatoire du Pays Basque. Nathalie
Motsch a déclaré en réunion publique qu’elle n’irait pas manifester aux côtés
des Artisans de la Paix. Laurent Orthiz m’a affirmé qu’il n’avait pas voté la
précédent motion du conseil mais n’a rien dit publiquement.
Vous connaissez tous des élus de Biarritz
ou de la communauté d’agglo. Posez-leur la question. S’ils n’ont pas voté la
motion, demandez-leur pourquoi ils ne le font pas savoir. Dites-leur qu’ils n’ont
aucune raison d’avoir peur.
zone rouge
Depuis que deux ministres se
présentent aux élections municipales à Biarritz, le vent de gauche est devenu
tempête.
Guy Lafite, marcheur et radical, se réjouit des logements sociaux en construction
derrière les échafaudages de l’Hôtel du Palais.
Ghys Haye, PS, santé et affaires
sociales, s’engage à guérir les « défauts du maire », Elle
travaillera dessus ».
Jeanine Blanco mariera ceux que Jean-Baptiste
Lemoyne lui permettra de marier.
Alain Robert, délégué à l’amitié
entre les peuples, propose un jumelage entre Didier Guillaume et Jean-Baptiste
Lemoyne.
Le ministre Didier Guillaume a
annoncé un grand plan pour les écoles. Première mesure : il n’y aura plus de
glyphosate dans les cours de récréation à partir de 2035.
Sans compter tous ceux dont le cœur
saigne pour les prisonniers basques emprisonnés pour activités terroristes en
bande armée et qui iront manifester à Bayonne le 11 janvier prochain avec un
makila pour demander à leurs victimes d’arrêter de se plaindre.
Une tempête de gauche souffle sur
Biarritz.
dimanche 15 décembre 2019
main basse sur la ville
Main basse sur la ville
Que chaque citoyen de Biarritz se rappelle en permanence les grands avantages
de leur ville et les motifs de tension. La politique brasse trop d’égoïsmes et
de générosités pour qu’elle reste paisible. Il faut des responsables qui nous
disent clairement leur rêve de ville.
Biarritz a besoin d’esprits solides et de convictions
fortes. Elle est menacée par deux forces considérables, habiles, résolues,
tenaces : les hommes d’argent et les fous de la nation. Elle est menacée
par des forces qui s’incarnent dans le monde sous le nom de Donald Trump, Boris
Johnson, Salvini, Marine Le Pen. Danger imaginaire ? Qui aurait imaginé le
Brexit il y a vingt ans ?
Biarritz est l’un des grands centres urbains, économiques
et culturels de la côte basque. Elle est l’un des points de résistance solide
aux dérives séparatistes et les abertzale ne cessent jamais de la considérer
comme une cité retranchée dans une culture cosmopolite qu’il faut faire rentrer
dans le rang.
Les fous de la nation ont les yeux fixés sur la Corse, l’Ecosse,
la Catalogne, la communauté autonome basque. Quand le Pays Basque sera-t-il
enfin réunifié, les cinq provinces en une ? Quand la langue basque
sera-t-elle enfin langue officielle ? Quand les autorités d’un pays basque
fier accueilleront-elles les prisonniers basques libérés par des chants
patriotiques et des libations ? Ils sont divisés, présents dans des listes
différentes, avancent masqués après avoir avancé cagoulés. Ils comptent les
élus qui participent aux manifestations patriotiques, tiennent leur fiche à
jour. Mais tous avancent leurs pions dans la même direction. Ils ont réussi en Catalogne
à diviser le pays en Espagnols et Catalans. Réussirent-ils à scinder notre côte
en Français et Basques ?
Les hommes d’argent convoitent la ville. Ce qui est
inquiétant est leur arrogance, comme s’ils étaient déjà maître des lieux. Voyez
comment la famille Gave et J.B. Aldigé traitent ceux qui s’opposent à leurs
plans. Les dettes et les difficultés financières sont la faute des élus, les victoires
et les bénéfices leurs succès. Ils ne se cachent pas. Ils préviennent les élus
que sans leur appui, ils ne seront pas réélus. Nathalie Motsch est menacée du
pire. Guillaume Baruch est traité d’adjoint
à la mondialisation, une insulte courante chez Poutine et Salvini. « Si
seulement nos élus avaient le courage de nos joueurs » disent les propriétaires,
reprenant mot pour mot les éléments de langage qu’on trouve chez Donald Trump
ou Bolsonaro. La politique comme on l’aime à la Maison Blanche. Les hommes d’argent
menacent : si vous ne mettez pas la main au coffre-fort, nous allons nous
retirer. Ils choisissent parmi les journalistes ceux qui leur plaisent et ceux
qu’on n’invite pas. Le syndicat national des Journalistes, réuni en congrès à Biarritz,
condamne. Le maire sortant et ses adjoints restants se taisent. Les deux
ministres regardent leurs chaussures.
Les propriétaires du Château Boulard, Pierre et Brigitte
Delalonde, ont entrepris des travaux qui ne respectent pas les règles des
monuments historiques. Qu’importe, ils ont l’argent. Ils feront appel et contre-appel.
Et les deux ministres envoient leurs représentants à l’inauguration.
Ces plans, ces ambitions, ces arrogances, ces mépris, ne
sont dangereux que de la passivité des élus. De leur souplesse, de leur absence
de convictions. La ville n’a pas besoin de ministres qui sont jacobins un jour,
abertzale le lendemain, LR tendance Wauquier un jour, puis marcheur tendance floue.
Mon soutien à la candidature de Nathalie Motsch est fondé sur ces quelques idées.
vendredi 13 décembre 2019
souad ne passera pas
Max Brisson, sénateur LR, Rempart contre le communautarisme,.
Dans une école publique de la
ville, Souad[1], parente d’élèves est
sollicitée pour accompagner un groupe d’élèves
à la Cité de l’Océan. Elle est très active parmi les parents d’élèves et s’insère
dans les activités de soutien et d’accompagnement. J’oubliais. Elle porte un
foulard.
Le sénateur Max[2] voit
le groupe d’élèves et au milieu des instituteurs et des parents d’élèves, une
dame avec un foulard. Son sang ne fait qu’un tour. Il rédige une proposition de
loi qui interdira à Souad d’accompagner le groupe d’élèves à la Cité de l’Océan,
qui obligera le directeur à demander à Souad d’enlever son voile ou de renoncer
à accompagner les élèves. Car le directeur n’est pas apte à juger seul si ce
voile est communautaire, prosélyte, s’il trouble l’ordre public. Il lui faut
une loi.
Max Brisson cite Jean Zay :
les querelles des adultes ne doivent pénétrer dans l’espace scolaire.
Des enseignants de langue basque
suppriment dans leur classe la frontière entre le Pays Basque espagnol et le Pays
Basque français. Le sénateur Max Brisson, rempart contre le communautarisme,
finance la suppression de la frontière républicaine.
Des enseignants mobilisent les
enfants le jour de la korrika autour
des drapeaux basques. Dans ces manifestations, il y a parfois les portraits des
prisonniers condamné pour activités terroriste en bande armée. Les banderoles
et le portrait de ces assassins sont portés par des enseignants et des parents
d’élèves. Le sénateur Max Brisson ne veut pas que les querelles des adultes
pénètre dans l’espace scolaire. Le voile perturbe l’ordre public, mais la photo
d’un assassin ne perturbe pas le sénateur.
Des blanchisseurs de terreur
installent une hache, symbole d’une organisation terroriste, sur une place
publique à Bayonne. Le sénateur rempart contre le communautarisme inaugure la
sculpture avec des condamnés, des anciens etarras. Il se dresse de toutes ses
forces contre le communautarisme. Une hache sculptée n’est pas communautariste,
mais le voile de Souad est un terrible danger.
Dormez tranquille bonnes gens. À lui seul, Max Brisson
est la ligne Maginot contre le communautarisme au Pays Basque. Souad ne passera
pas.
mardi 10 décembre 2019
retraite des réformes
Je n’ai rien contre les ministres. Juré. Cœur sur la
main. Je n’ai rien contre les politiques. Juré. J’aime juste la clarté. Mehr licht ! Quand Nicolas Hulot quitte le gouvernement, il
explique pourquoi, ses difficultés, les lobbys… Quand Benjamin Griveaux
présente sa candidature à la mairie de Paris, il quitte le gouvernement. Quand
Gérard Collomb se présente à Lyon, il quitte le gouvernement.
Il n’y a qu’une dent dans la mâchoire
à Jean, mais deux ministres dans la ville de Biarritz. Ils sont candidats, mais
n’ont pas quitté le gouvernement. Sont-ils désormais plus candidats que
ministres ? Plus ministres que candidats ? Didier Guillaume a passé
tout un week-end à téléphoner pour réunir une liste d’une centaine de personnes
qui le réclamaient à cor et à cri mais ne le savaient pas encore. Jean-Baptiste
Lemoyne a choisi Biarritz parce que c’est une ville touristique et qu’il est
ministre du tourisme. Résultat : trente-trois mille cinq cent quatre-vingts
neuf villes touristiques réclament leur ministre. Pourquoi Biarritz et pas nous,
hurlent Trouville, le Crotoy, la Baule, Saint-Jean de Luz ? Enfin, c’est
facile, ne hurlez pas. Réunissez cent citoyens de votre ville qui réclament un
ministre et vous avez toutes vos chances.
J’aime la clarté. Je préfère un
combat clair à une paisible obscurité. Pourquoi Guy Lafite et Michel Veunac se
sont-ils séparés pour monter à l’assaut d’une ville qu’ils ont gouverné
ensemble ? Guy Lafite explique que Michel Veunac est trop âgé pour se
représenter. Balivernes. Et Bouteflika, et Brejnev, et Mugabe, et Fidel Castro ?
Marcel Berthomé, 97 ans, se représente à Saint-Seurin sur l’Isle. Non, ce n’est
pas un argument, d’autant plus que lui non plus n’est pas de la dernière couvée.
J’aime le courage politique. Je n’aime
pas des ministres qui fuient leurs responsabilités. Dans un pays en pleine agitation, le chef d’état
demande à ses ministres de mener le combat politique pour la réformes des
retraites, nos deux ministres font le contraire : ils se mettent en
retraite des réformes.
Ce n’est pas bon signe. J’imagine
nos deux ministres aux affaires. À la première difficulté de la ville qu’ils
convoitent, ils iront se présenter aux élections à Brive la Gaillarde ou à Saint-Martin-des-Près.
lundi 9 décembre 2019
thalasso
Avez-vous remarqué qu’en Europe monte une vague
brunâtre. Extrême, identité, nationalisme, exclusion…à cette pollution de la
vie politique, même Emmanuel Macron, qui devrait faire partie de la digue, a
apporté quelques galettes dans une interview à valeurs actuelles.
Avatar de cette montée, le nationalisme basque auquel
il est si ardu de résister quand on est candidat à une fonction publique. Il y
a tous ceux qui se sont déjà couchés, derrière les Blanchisseurs d’ETA. Et ceux
qui qui se taisent quand il faudrait parler et se cachent derrière un ministre
dont l’épouse parle le basque.
Le tout dans
une situation politique dangereuse où se rencontrent un mouvement social et
tous ceux qui n’ont pas encore digéré la victoire d’Emmanuel Macron, qui veulent
leur revanche dans la « convergence des luttes ». Le rêve d’un grand
soir est à nouveau sur les étagères.
À Biarritz, pour des raisons mystérieuses, se
rencontrent toutes les faiblesses devant ces dangers, toutes les fissures dans
la digue nécessaire.
À Paris, le chef d’état demandent aux ministres d’expliquer
leur politique, de se battre pour les réformes. En réponse à cet appel, deux
ministres du gouvernement ont présenté un certificat médical justifiant leur
absence : ils sont partis pour une cure de thalasso à Biarritz.
dimanche 8 décembre 2019
levez la main
Ce qui est drôle, intéressant, bizarre, baroque, est
d’influencer la vie politique locale ou nationale sans effort. Normalement,
pour faire de la politique et accéder aux réseaux d’influence, il faut passer
par les grandes écoles, se dépêcher de sortir de l’ENA avant sa disparition, militer
dans un cercle politique, voyager régulièrement entre Biarritz et Paris, flatter
les puissants et mépriser les inutiles,enfin, je ne vais pas vous refaire la
millième biographie des hommes politiques français. C’est beaucoup de travail.
Moi, je fais de la politique sans effort. Comme on respire. Je suis né dans la
politique, dans la potion magique du communisme qui faisait d’un jeune morveux
un révolutionnaire mondial. Puis j’ai goûté le bouillon empoisonné de la dissidence. Pareil. Sans effort. Du
temps de Marchais et d’un parti en glaciation, il me suffisait de lever la main
pour demander la parole et avant même de parler, le ronron était brisé, les
bouches s’ouvraient, les regards pétillaient. Les camarades étaient d’accord
mais ils trouvaient quand même que j’exagérais, que je portais atteinte à
l’objectif plus général. Alors que je n’avais rien dit, j’avais juste levé la
main. Les apparatchiks me haïssaient. Ils avaient passé leur vie à cirer les
bottes, à flatter les chefs, à monter les escaliers, à manifester entre
Bastille et Nation, entre Nation et République, à justifier l’envahissement de
la Hongrie, de la Tchécoslovaquie, de l’Afghanistan, et un petit mec qui
enseignait l’histoire du mouvement ouvrier dans les pays anglophones à une
trentaine d’étudiants, accédait à la notoriété seulement en levant la main, on
discutait pendant des heures au Bureau politique pour comprendre pourquoi il
avait levé la main, la bourgeoisie s’en était saisi pour affaiblir l’influence
de la classe ouvrière et de son parti. Je vous assure que je ne plaisante pas.
Faire bouger les lignes comme on prend une douche tiède monte à la tête et on
finit pas croire qu’il suffit de lever la main pour conquérir l’Everest.
Le virus de la paresse militante ne m’a jamais quitté.
Partout où je passais, je recherchais avec ardeur le chemin le plus court d’un
fauteuil à une chaise longue. À Belfast, l’association des étudiants
protestants avaient invité David Irving, un historien négationniste. J’avais
passé de longues heures aux Archives pour rédiger l’histoire du syndicalisme
protestant. Je savais que je n’irai nulle part avec ce travail, qui a
effectivement été publié mais qui le sait ? Alors qu’avec David Irving, je
tenais la perche qui m’installerait dans un fauteuil doré. Je suis allé à sa
conférence, où il a expliqué pendant une heure qu’Adolf Hitler, en fait ne voulait pas exterminer mes
parents, mais seulement les regrouper dans l’île de Madagascar et c’est parce
que ma famille a refusé d’aller à Madagascar qu’il s’est résigné à ouvrir les
camps de Buchenwald et Auschwitz. À la fin de son exposé, j’ai levé la main et tout
a explosé.
Mes activités politiques au Pays Basque sont plus
récentes et peut-être plus familières. Les mêmes méthodes produisent les mêmes
effets. Et les mêmes ressentiments de ceux qui s’évertuent à construire une
carrière politique en mouillant leur chemise
et qui s’énervent de voir un rien du tout lever la main et juste en
levant la main, voici l’histoire de leur vie qui se transforme en château de
carte, en château de sable et quand j’étais parent, que j’avais passé la
matinée à construire un château sur la plage pour mes marmots, que j’avais mis
un drapeau sur la tour centrale, versé de l’eau dans les douves, un môme
passait et mettait par terre d’un seul coup de pied l’œuvre d ’une journée au soleil, j’étais furieux,
hors de moi et je comprends la colère des bâtisseurs de château de sable, ceux
qui passent des mois, des heures, à commander la sculpture d’une hache, qui
lancent des invitations pour le vernissage et le jour venu, des rien du tout,
des moins que rien, lancent un coup de pied dans la sculpture et la sculpture
va rouiller dans un hangar. Je comprends leur colère, je ne la partage pas,
mais je la comprends.
Et à nouveau, des entrepreneurs de la politique, des
constructeurs de carrière, passent des heures et des heures dans les trains entre
Biarritz et Paris, piétinent dans les antichambres, téléphonent dans les
ministères, organisent des conférences de presse, peaufinent leur carnet d’adresses,
redécouvrent que le capitaine avait un âge. Le sang coule plus vite dans leurs
veines, les yeux pétillent, ils préparent des coups, ils soignent leurs
relations. Des mois et des mois de travail.
Et puis j’ai levé la main.
samedi 7 décembre 2019
tout va mal
Dans une démocratie, les dirigeants sont élus. Si
leurs électeurs sont convaincus que tout va mal, partout, santé, éducation,
transports, climat, il faut que les dirigeants reprennent l’idée que tout va
mal, sinon, ils ne seront pas réélus. Si les dirigeants disent, tout va mieux,
ils ne seront pas réélus. Si leurs électeurs ont un fort sentiment d’insécurité,
les candidats doivent prendre en compte ce sentiment sinon ils ne seront pas
réélus. Que ses électeurs habitent Biarritz ou la Goutte d'Or, ils partageront
le même sentiment d’insécurité et les candidats seront obligés de le flatter s’ils
veulent être réélus. Les médias ont besoin d’audience et pour l’assurer, ils
doivent épouser les inquiétudes de leurs auditeurs. Sinon, ils vont migrer vers
des chaînes où les inondations, les incendies, les suicides, les tremblements
de terre, les manifestations violentes tourneront en boucle et confirmeront les
inquiétudes de leurs audience. Les inquiétudes ne sont à l’aise que dans le
cocon d’autres inquiétudes. Donc, tout va mal, de mal en pis, l’insécurité
insécurise, les étudiants se suicident et si vous dites que la vie des
étudiants est peut-être meilleure qu’il y a trente ans, vous prouvez par cette
déclaration une scandaleuse indifférence aux calvaires étudiants et vous ne
serez pas élu. Les paysans sont immensément malheureux et ils se suicident. Moi-même,
je suis en bonne santé, je dispose d’une retraite dont seront privés mes
petits-enfants, je suis logé confortablement et j’ai obtenu un rendez-vous avec
un cardiologue plus rapidement qu’avec un ramoneur. Si je raconte tout ça, je
ne serai pas élu. Je ne pourrais même pas être candidat.
mardi 3 décembre 2019
carnet de santé
Est-ce une chance ? Je n’ai pas choisi. J’ai été
placé par les circonstances dans cette zone grise ou exaltante selon les jours
où je participe des privilèges et des discriminations, du luxe et de la galère,
où je peux partager les peines des plus démunis et m’indigner contre le mépris
à l’égard des élites intellectuelles.
Physiquement, je
suis né avec handicap qui a labouré toute mon enfance, avec des
opérations à répétition, des béquilles, des étais. Ce défaut ne m’a pas empêché
de me lancer dans de belles randonnées sur les chemins de montagne, des courses
de vélo exaltantes, des soirées de rock se terminant par des slows. Croisant
sur la piste ou sur les pentes des grimpeurs pantelants, je compatissais à
leurs souffrances, croisant des alpinistes et des cyclistes aguerris, je
partageais leur adrénaline. Vous commencez à me comprendre ? Vous appréciez
ma chance ?
Socialement, je suis né dans une famille de marchands
forains, pas très haut dans la hiérarchie sociale, et à force de patience, je
me suis hissé jusqu’aux cercles enviés des professeurs d’université. J’ai pu
ainsi sympathiser avec les personnes démunies du capital culturel et des codes
qui accompagnent la réussite tout en ne haïssant
pas mes collègues nés avec une cuillère en argent dans la bouche.
Ethniquement, je fais partie d’un groupe de personnes
qui a subi de lourdes discriminations. J’ai porté des étoiles, j’ai fui les
uniformes, je me suis caché et cette expérience me permet de partager d’autres
discriminations, d’autres terreurs. En même temps, blanc, prof de fac, homme,
je faisais partie d’une certaine élite disposant de privilèges certains.
La somme totale de toutes ces expériences est assez
délicieuse. Je me rends compte que je peux servir de baromètre des bonheurs et
des malheurs du monde. Si je vais bien, tout va bien. Si je vais mal, tout va
mal.
Habitant la Goutte d'Or, un quartier mondialement
connu, j’ai pu acheter un appartement modeste donnant sur jardin, proche de
deux lignes de métro, de cinq lignes de bus. À l’intérieur de cette bouilloire,
j’ai pu agir contre les galères et contre les postures révolutionnaires. Des
indignés me reprochaient d’être un bobo, d’embourgeoiser le quartier, tandis
que les habitants d’immigration récente me remerciaient tous les jours d’être
présent dans ce quartier difficile, me suppliaient de ne pas partir, car c’est
grâce à vous disaient-ils, que le quartier tient encore debout. Avec d’autres
bobos, je réclamais du respect pour mon quartier, pour ses rues, pour ses
écoles, pour ses commerçants. Avec d’autres bobos encore, j’agissais contre la
délinquance, les suicides à la drogue. Au cours des années, je me rendais
compte que j’occupais une position centrale dans ce quartier. Oh, non, pas pour
des qualités particulières. Ni Abbé Pierre ni Bernard Kouchner, juste que je me
trouvais au centre de gravité de toutes les batailles, de toutes les
souffrances, de toutes les réussites. En conséquence, si j’allais bien, tout le
quartier allait bien. Si j’allais mal, tout le quartier allait mal. Cette
position non choisie, subie comme une bénédiction ou un châtiment selon les
jours, était assez pesante. Je sortais le matin vers le kiosque à journaux de
Château Rouge et si les poubelles débordaient dans les caniveaux, je me sentais
agressé comme représentant qualifié des milliers d’habitants de la Goutte d'Or
qui souhaitaient la propreté. Les dealers, les usagers de drogue, les commerces
illicites, me prenaient comme cible
unique et je portais sur mes épaules toutes les agressions contre le
bien vivre. Inversement, si les rues étaient propres, si les centres d’accueil
des usagers de drogue fonctionnaient, si les écoles croisaient joyeusement
toutes les populations du monde, si un cinéma se construisait, plus une
brasserie, plus un centre culturel, plus un jardin partagé, si les repas de
voisins s’installaient sur la chaussée, tous ces bonheurs accumulés me
gonflaient la poitrine comme si j’en étais l’organisateur.
Vint je jour où je quittais ce quartier où les
bonheurs sont difficiles pour un autre territoire. Le Pays Basque. Je croyais
être tranquille, les rues étaient paisibles, les habitants accueillants, les
plages vacancières. Hélas, on peut quitter un quartier, on ne se retire pas du
monde. À nouveau cette malédiction bénie. Sans lever le petit doigt, sans
traverser hors des clous, en disant bonjour merci à tous les passants, je suis
porteur d’un paratonnerre que frappent tous les malheurs et tous les bonheurs
du monde. Il suffisait qu’un homme public se prenne d’affection pour les fous
du territoire pour craindre une nuit de cristal. Une sénatrice traçait des
frontières ethniques et je ressentais les affres de l’exil. Le premier
conseiller municipal s’inclinait devant un délinquant nationaliste emprisonné, je
le voyais vêtu d’une chemise de tissu toilé à carreaux qu’on appelle Vichy. Le
premier député qui niait la terreur abertzale était un adepte de Faurisson. Ivre
de ces menaces, je voyais bien à nouveau que si j’allais mal, c’était tout le Pays
Basque qui allait mal. Mes actes de résistance dérisoires contre les dérives
populistes et identitaires, aussi faibles, aussi futiles fussent-ils, prenaient
des allures de barricades républicaines.
Tant pis tant mieux. Quand je vais bien, le Pays
Basque va bien. Quand je vais mal, le Pays Basque a la fièvre. Il est des pays
qui se reflètent dans les sondages, les élections, les archives, les
archéologies. Pour connaître l’état du Pays Basque, il suffit de jeter un coup
d’œil sur mon carnet de santé.
samedi 30 novembre 2019
biarritz : la curée
Biarritz :
la Curée
Dans les films animaliers qui ont
tant de succès à la télévision, les scènes les plus fascinantes sont celles où
une proie est séparée du troupeau par les prédateurs, et quand elle est ainsi
affaiblie, les panthères, les tigres, les loups se précipitent, la mordent, la
griffent, la saignent, l’achèvent, tandis que les hyènes et les vautours
attendent leur tour pour participer au festin.
C’est ainsi que peuvent se lire les
informations sur la préparation des élections municipales. Biarritz est une
bête splendide, riche, inventive, musclée, souple, séduisante. Autour d’elle
s’agitent des prédateurs qui veulent leur part du festin, sans trop se préoccuper
de l’avenir et du bien-être de l’animal. Plus quelques hyènes et vautours qui
attendent leur tour.
Leur projet ? Dépecer la ville. Leur ambition ?
Une brouillarta. Avec qui ? Avec d’autres prédateurs. Les habitants
doivent être tenus à l’écart. Le PS et La République en Marche ont été privés
des réunions qui auraient pu entraver les rayeurs de parquet.
Ce n’est pas la première fois que Biarritz suscite tant d’envies. Ce n’est pas la première
fois qu’on a cherché à la réduire au silence. La communauté d’agglo avait l’objectif
déclaré de soumettre les villes côtières au rêves de folklore. Elles résistent.
Le combat continue. à nous tous de prendre la parole. La principale force du loup
est le silence des agneaux.
Vous voulez un avis, un conseil ? À vous de
réfléchir. Cherchez autour de vous qui a le mieux résisté au dépeçage.
mercredi 27 novembre 2019
révolution
J’aime la révolution
Beaucoup de films dénoncent le système et donnent la
parole aux invisibles. Ken Loach, Guédigian, et un dernier film, les misérables. Auparavant, il y eut Les bas-fonds de Gorki, les Misérables de Victor Hugo, David Copperfield de Charles
Dickens. Et Jack London. Ce sont des œuvres majeures qui nous donnent à voir.
Guédigian est parmi ceux-là et il cite Camus, à propos
des récentes manifestations : « je préfère le désordre à
l’injustice ».
Puis il raconte comment se font ces films (libé, 27/11/19).
« Les films doivent coûter ce qu’ils rapportent. …si je dis à mon équipe
que …je dois baisser les salaires de 20% sans diminuer le temps et les
conditions de travail de chacun…tout le monde comprend. … tout le monde est
co-bénéficiaire du film ».
J’aime les films de Guédigian et j’aime ce qu’il dit
sur le système. Il ne parle pas du système des intérimaires du spectacle, il
aurait pu.
lundi 25 novembre 2019
murs murs
Murs murs
Dans la Creuse, dans un petit village nommé Vidaillat, l’école
primaire était délimitée par un mur. Le village était à ciel ouvert, mais les
classes étaient calfeutrées derrière les pierres. À Saint-Quentin, dans l’Aisne,
le lycée Henri Martin était une masse compacte cachée derrière des murs plus
hauts que ceux de la prison. C’était un lycée de garçons. Le lycée de filles, à
la libération occupait les locaux du palais de justice, le palais de Fervaques.
et les classes donnaient sur la ville. Les
lycéens d’Henri Martin pouvaient voir les lycéennes, nous leur étions
invisibles. Du Lycée Henri Martin, je migrai vers le Lycée Faidherbe, à Lille,
une caserne toute entière protégée par des murailles militaires. Du Lycée Faidherbe,
je migrais à Paris vers l’Institut d’anglais, rue de l’Ecole de Médecine, un
ancien cloître protégé par des parpaings et des portes pesantes. De là, je m’enfermais
au Lycée Saint-Louis, barricadé par d’épais remparts. Une caserne. Du Lycée Saint-Louis,
je m’évadais vers l’Université de Vincennes, des préfabriqués dans le bois,
sans enceintes, sans portes, sans murailles, à ciel ouvert, où l’on rentrait et
on sortait sans clé, sans cartes, juste pour voir. Pas question d’entrer ainsi « pour
voir » au Lycée Saint-Louis, à l’Institut d’Anglais, au Lycée Faidherbe. Peut-être
y avait-il un autre type d’enfermement, mais un enfermement qui n’avait pas
besoin de murs.
J’ai ensuite connu le
mur de Berlin, que j’ai contribué à construire en en justifiant la construction
pour des raisons prolétariennes. Ensuite, j’ai connu en Irlande les murs de Belfast
et de Derry, remparts que j’ai contribué
à détruire en déconstruisant leur construction.
Croire que les murs empêchent d’entrer ou de sortir
est une illusion. Leur unique fonction est de définir ceux qui les construisent.
jeudi 21 novembre 2019
imaginons le pire
Des moments
de creux, des moments de plein, des moments de lourdeur, des heures de liberté,
des entraves aux chevilles, des ailes aux genoux, des poitrines haletantes ou
des souffles courts, des jambes qui pèsent un âne mort ou des semelles de vent,
des regards appuyés ou des yeux fuyants. Depuis toujours il en fut ainsi et je
ne vois pas pourquoi je mettrais sur le compte de l’âge ces lignes
sinusoïdales. Où avez-vous rêvé une vie en pente douce vers les sommets, mue par des vertus électriques rechargeables,
une heure de bonheur s’ajoutant à un jour de plaisir ?
Si j’étais
certain de placer les mots, de pousser les pions sans aucun regard extérieur,
il m’arriverait sans doute de dessiner des figures abominables, des plongées
sans retour, des actes regrettables. D’accord. Mais si personne ne suit ces
lignes, si aucun lecteur ne déchiffre ces lettres, il suffit d’activer le texte
en cours et de presser la touche suppr pour que jamais ces infamies ne soient
placées dans le domaine public. Encore que je me demande. Suffit-il d’effacer
des horreurs pour qu’elles n’aient jamais existé ? J’ai beau les avoir
effacées, je sais moi que je les ai écrites, pour tenter le diable peut-être,
et aucune gomme ne peut araser les mots condamnables de mon réseau mémoriel, je
vais me traîner ces crimes scripturaux pendant des heures et peut-être des
jours, des années.
Je me
rappelle cette dame amie qui perdit son époux emporté par une maladie fatale. Elle
rentra dans son bureau et commença à ranger les papiers. Elle découvrit parmi
les papiers des textes d’un journal intime dont elle refusa jusqu’à sa mort de
nous parler, mais jamais un jour ne se passait, et elle venait souvent nous
rendre visite, quasiment tous les jours, sans nous dire d’une voix blanche, le
visage défait, vous ne pouvez pas vous imaginer, mes enfants, parce que nos
relations étaient quasi familiales, vous n’imaginerez jamais ce que E… (la première lettre du prénom de son mari) a
écrit. Ou plutôt, ce qu’il a fait. Ou encore mieux, ce qu’il était. Nous la
pressions de questions. Si tu nous parlais, E… (C’était la première lettre de
son prénom), peut-être le poids de cette révélation serait moins lourd. Nous
voyons bien que tu es ravagé par ce que tu viens de découvrir, ne serait-ce pas
une bonne idée de partager ces révélations avec une quasi-famille bienveillante ?
Il y avait dans notre bonté l’espoir
jamais réalisé de partager un secret que le silence rendait monstrueux. Rien n’y
faisait. Elle est morte en emportant ce maudit secret dans son urne et je suis
incapable de vous faire part de ce que nous avons imaginé. Tous les jours elle
venait à l’heure du repas et nous disait, non, vous ne pourrez jamais imaginer.
Tous les jours, nous imaginions le pire, généralement, dès qu’elle avait
franchi la porte, ce devint un jeu familial où il fallait chaque fois inspirer
une horreur plus forte que la veille pour marquer un point. Je ne vais pas
transcrire ici ce que nous avons imaginé parce que si je l’inscris sur l’écran,
ces horreurs prendront une certaine réalité que la touche suppr ne pourra
jamais effacer. Aucune expérience traversée dans la vie réelle (comme on dit au
cinéma, cette histoire est inspirée de la réalité), n’atteint les sommets de
ces conversations post-mortem. Chacun a entendu parler de ces révélations qui viennent
à jour dans le salon mortuaire, dans les boissons partagées qui suivent la crémation,
ou dans le bureau du notaire : le défunt avait un deuxième ménage à Barcelone
et des enfants qui vivent aujourd’hui à Oulan-Bator viennent réclamer leur part.
Ou bien, homosexuel notoire, déclaré, assumé, il se révèle qu’en fait il était
hétéro, avec une famille nombreuse et qu’il passait ses loisirs dans des
maisons de passe avec des dames rétribuées. Toutes ces révélations provoquent
des chocs, mais aucune ne pourrait blanchir la voix, défaire le visage, comme
ceux de Madame E… qui tous les jours nous disaient que jamais nous ne pourrions
imaginer.
Après avoir
pendant des années imaginé le pire, il me vient maintenant une hypothèse. Chacun
d’entre nous cherche à prolonger la vie après la mort par des souvenirs qui
malheureusement se fanent comme les photos de famille. Imaginons que cette
dame, cette amie proche de notre famille, qui n’avait à nous transmettre qu’une
infatigable bonté, une générosité jamais démentie, elle nous donnait son temps
et son argent les fins de mois difficile, imaginez que cette dame n’ait que
cette générosité à transmettre en souvenir. Elle doit se rendre compte que l’immense
bonté occupe moins de place dans les souvenirs que d’affreux comportements. On
se rappelle plus Hitler que le Front populaire. Cette dame a donc inventé cette
histoire qui ne nous quitte pas, qui continue de nous tourmenter, pour survivre
dans nos mémoires, car chaque fois que cette famille décomposée se recompose, à
l’occasion d’un mariage ou d’un enterrement, nous nous mettons tous à imaginer
que E…, l’époux de E… avait bien pu écrire dans son journal intime qui puisse à
ce point décomposer le visage de E… et
blanchir ainsi sa voix.
jeudi 14 novembre 2019
régressions
Régressions
Quand les vents
étaient contraires, Agamemnon décida de sacrifier sa fille Iphigénie. Une
communauté choisissait en son sein une personne qui allait se sacrifier pour
sauver son peuple. Le sacrifice de Jésus pour l’humanité toute entière montra
la voie. D’autres sacrifices suivirent. Vous trouverez d’autres exemples dans
la Bible ou le Coran. Ces sacrifices réduisent la vie politique à une cérémonie
religieuse. Le peuple n’a aucune autonomie, n’agit pas collectivement, il ne
pense pas collectivement, il désigne en son sein un champion, la fille d’un
roi, un héros qui va combattre pour tous. C’est le degré zéro de la politique. Le
maire de Cork, Terence MacSweeney (mort au bout de 74 jours), Bobby Sands, (au
bout de 66 jours), les bonzes qui se sacrifient au Viet Nam contre les États-Unis.
Ian Palach bien entendu, cérémonie funèbre qui sonnait le glas de la liberté à Prague.
Dans les campagnes
irlandaises du 18ème siècle, les fermiers catholiques payaient le
fermage aux propriétaires protestants. Quand le loyer était trop élevé, qu’il les
empêchait de vivre, des groupes de paysans masqués, le visage noirci, rôdaient
dans les campagnes, incendiaient les meules, mutilaient le bétail, agressaient
les régisseurs. Quand le niveau de ces exactions dépassait un certain seuil, le
loyer des terres baissaient. C’est ce que l’historien Eric Hobsbawm appelait « la
négociation collective par l’émeute ».
Les paysans s’organisèrent
en syndicat, la Land League. Ils
organisèrent des campagnes efficaces, notamment le boycott, du nom d’un
propriétaire terrien en conflit contre ses fermiers qui ne trouvaient plus de
serviteurs, d’ouvriers agricoles ou de domestiques pour sa propriété.
La politique
remplaça peu à peu les incendies et les mutilations. Contre les sociétés
secrètes, les propriétaires envoyaient l’armée ou la police. Contre les
syndicats, ils durent négocier. Sous la direction de Daniel O’Connell et de Michael
Davitt, les paysans irlandais s’organisèrent, discutèrent, boycottèrent,
votèrent, s’émancipèrent. Les propriétaires protestants durent discuter, les
paysans irlandais apprirent la négociation et l’organisation.
Des employés d’un
hôpital à Rouvray se mettent en grève de la faim. Le maire de Guéméné, René le Moullec
entame une grève de la faim pour sauver l’hôpital. Une directrice d’école se
suicide. Retour à la préhistoire. Un étudiant s’immole. Immense régression. Pour
montrer leur solidarité et leur colère, d’autres étudiants déchirent des livres.
Demain ils vont les brûler. Qui condamne, quel parti, quel responsable
politique dénonce ces régressions majeures ? Demain les étudiants qui
interdisent la conférence de Sylviane Agacinski, qui interdisent la conférence
de François Hollande, qui déchirent des livres, seront reçus au ministère de l’enseignement supérieur. Combien
sera récompensé chaque livre déchiré ?
mercredi 13 novembre 2019
immolation
Immolation
Un étudiant s’est immolé devant le CROUS de Lille.
Aussitôt, les insoumis, les révoltés, les affamés, les précaires, les miséreux,
et surtout les dirigeants politiques qui parlent à leur place, tels François Ruffin
ou les porte-paroles des gilets jaunes ont sauté sur ses brûlures pour dénoncer
un système inhumain qui conduit un étudiant à se sacrifier tellement il est
inhumain. On l’a même comparé à Ian Palach, qui s’est immolé à Prague pour
protester contre l’invasion des troupes soviétiques pour écraser le peuple
tchèque. Vous ne le saviez pas, mais nous vivons dans un pays où toutes les
libertés sont interdites par les tanks d’une troupe d’occupation. Une
directrice d’école, déjà, n’avait trouvé que le suicide pour protester contre
une vie impossible. Que peut-on faire contre le sacrifice d’une vie ? S’incliner,
admirer, se recueillir.
Déjà, pendant la grève de la faim de Bobby Sands
et des emprisonnés de l’IRA, la réflexion était interdite. L’opinion était
bouleversée par le sacrifice suprême. On oubliait que Bobby Sands, emprisonné
pour activités terroristes en bande armée, faisait grève pour obtenir le statut
de prisonnier politique. Parce que exploser une voiture piégée dans un pub, c’est
un acte politique comme distribuer un tract ou manifester avec une banderole.
Dans l’Irlande médiévale, quand un seigneur
ne réglait pas ses dettes le commerçant s’installait à la porte de son château et
entamait une grève de la faim. Jusqu’à la mort parfois. Ou parfois, le seigneur
cédait et remboursait sa dette. Plus tard, un état de droit avec des cours de
justice, des magistrats, des lois se mit en place.
Et maintenant les suicides. On ne peut se
faire entendre. On ne nous écoute pas. Donc il faut chaque fois franchir un
palier. L’exemple fut donné par les gilets jaunes : manifester
pacifiquement ne donne rien. Des grèves ne donnent rien. Donc il faut casser,
piller, et oui, ils ont obtenu combien ? 13 milliards je crois. Mais désormais,
ça ne suffit plus.
Surtout que les actions empêchent la
réflexion. Empêchent de penser. Il faut des actes qui empêchent toute
discussion. Le suicide d’un étudiant témoigne de la condition étudiante. Et qui
ne sera pas convaincu n’a pas de cœur. Est réac. N’aime pas le peuple. Et les dirigeants
révolutionnaires, de droite ou de gauche, vont nous démontrer que ces actes
extrêmes témoignent de la condition étudiante aujourd’hui. L’étudiant qui s’est
immolé triplait son année d’études.
Professeur d’université, il m’est arrivé de
recevoir un étudiant que j’avais collé pour travail insuffisant. Il ne m’avait rendu
aucun travail, aucun exposé, il s’était juste inscrit dans mon cours. Il n’avait
assisté à aucune séance. Et le jour des résultats, il s’est présenté à ma
permanence et me dit, furieux : si vous ne me donnez pas mon examen, je
perds ma bourse. Il n’avait rien fait pour la conserver, sa bourse et il me demandait
de le récompenser par l’inscription sur la liste des reçus.
À cet étudiant qui venait me voir, j’ai
proposé de rattraper le semestre avec un calendrier serré de travaux à
remettre, de lectures et d’exposés. Pendant les vacances. Il a travaillé et a
conservé sa bourse. Déjà à l’époque, je
n’étais plus révolutionnaire, j’étais réformiste.
samedi 9 novembre 2019
responsables autant que nous
Discussion
serrée sur le film de Costa Gavras Adults
in the Room. Sur la question de la responsabilité des citoyens, des
habitants. Il semble que certaines catégories d’hommes et de femmes échappent à
leur responsabilité individuelle et soient entraînés sans pouvoir réagir vers
des comportements discutables. La discussion a eu lieu sur le gilets
jaunes : des écarts de langage, des agressions barbares, étaient à mettre
sur le compte de situations sociales dramatiques. Ils n’étaient pas vraiment
responsables. Et si cette explication cachait un mépris pour ce qu’ils appellent
« le peuple » ?
Par le petit
bout de la lorgnette, il me semblait, sous réserve d’examen, que la collecte
d’impôt en Grèce était d’une grande inefficacité et que chacun, plus ou moins
en fonction de sa place dans la société, profitait de cette aubaine. Depuis les
armateurs, beaucoup, jusqu’à l’église orthodoxe, beaucoup aussi et chaque petit
commerçant, petit propriétaire, pas beaucoup, mais l’effet masse multipliait
les conséquences. Il me semblait, sous réserve d’examen, que la sortie de crise
de la Grèce passait par la mise en place d’un système de collecte d’impôt
efficace. Mais d’après le film de Costa Gavras, les citoyens grecs échappent à
leur propre responsabilité. Personne ne bronche, dans les pays développés, si
un individu est puni pour avoir volontairement échappé à sa part de
contribution au budget national. On peut demander bien sûr que les plus riches
soient plus sévèrement punis, mais que le petit commerçant dissimule ne provoque
pas d’indignation dans une société considérée alors comme sous-développée.
Ainsi va la
vie. Une partie de l’humanité est responsable de ses actions. Une autre partie
est victime. Et ne mérite aucune responsabilité. Quand l’IRA ou l’ETA prend les
armes et terrorise la population qu’ils entendent contrôler, une partie de l’opinion
légitime leurs actions par « l’impérialisme britannique » ou l’impérialisme
espagnol ou français ». Pour la majorité des citoyens de ces pays, ces
actions sont illégitimes, ils vivent dans un pays démocratique où toutes les
opinions peuvent s’exprimer et donc les auteurs des attentats doivent être mis
hors d’état de nuire, arrêté, jugés, condamnés.
Mais plus on
s’éloigne du centre et moins les citoyens sont responsables. Comme s’ils n’avaient
pas droit au statut de responsable. Si des humains des démocraties occidentales
prennent les armes, ils provoquent de l’indignation. Dans les anciennes
colonies, on couvre ces exactions sous le drapeau des conséquences de la
colonisation. Toutes ces guerres interethniques, ces difficultés renouvelées à
construire des sociétés où les différences peuvent vivre ensemble sont le
résultat du système colonial. Pendant combien de temps encore ? La guerre civile en Algérie, résultat du
colonialisme ? Le maintien du statut de subordination des femmes, résultat
du colonialisme ? Enfin, excusez-moi d’insister, mais les délateurs de Juifs
sous Vichy, la participation des Polonais ou Ukrainiens à l’élimination des Juifs,
sont-ils le fait d’héritiers de l’histoire ou d’acteurs du présent ? Le
massacre de trois millions de Cambodgiens par le régime Pol Pot, effet de l’impérialisme
français, ou du système des Khmers rouges ? Quelqu’un doit-il être jugé pour ces
massacres ? Le génocide rwandais, est-il uniquement le résultat de la
présence française ? Pas de massacreurs hutus ou tutsis ? Et en Birmanie,
de quel impérialisme les massacreurs de musulmans sont-ils les héritiers ?
Et pendant combien de temps seront-ils des héritiers ?
Les grandes
manifestations populaires de la fin du vingtième siècle ne sont pas des
manifestations contre l’impérialisme, contre le colonialisme, contre la
mondialisation. Les mouvements populaires en Pologne, en Hongrie, en Roumanie,
demandaient la fin des régimes communistes, le retour ou l’installation des
protections démocratiques, l’instauration d’un régime de marché concurrentiel,
les libertés religieuses et politiques, le droit de voyager, etc. Les
manifestations les plus récentes : Hong Kong, Chili, Tunisie, Algérie, Égypte,
Haïti, réclament des libertés démocratiques sur le modèle des puissances occidentales,
une économie de marché régulé par un état de droit. Pas de manifestation contre
l’impérialisme américain, contre le colonialisme européen.
Le discours
qui rend compte de ces mouvements date. La mondialisation n’a pas supprimé le
pouvoir du grand capital et des finances. Mais voilà qu’à Hong Kong, les manifestants
réclament démocratie politique et économie de marché. Et quand les deux
disparaissent, comme au Venezuela, les peuples manifestent contre cette disparition,
soit dans les rues de Caracas, soit en émigrant par millions.
Le discours
des révolutionnaires d’aujourd’hui me semble en retard, très en retard, sur ces
évolutions.
lundi 4 novembre 2019
blanchir ou noiricir
Une pétition circule au Pays Basque français pour que l’attaque
de la mosquée de Bayonne soit nommée par la justice comme attentat terroriste. Pour
que la personne qui a tenté d’incendier la mosquée et qui a gravement blessé
deux musulmans soit considérée comme un terroriste. Une démarche qui peut se
défendre. Une pétition qui se veut solidaire avec la communauté des fidèles de
la mosquée qui se sent agressée.
Dans le même temps une campagne se mène sous le nom d’Artisans
de la Paix ou Bake Bidea (chemin du lavoir), pour transformer des terroristes basques
en prisonniers politiques.
Pour marquer une solidarité avec les musulmans agressés, il
faut transformer leur agresseur en terroriste.
Pour insulter les victimes du terrorisme d’ETA, il faut
transformer les etarras en prisonniers politiques.
humaniste mais pas trop
Portait de Libération 2 novembre 2019. Michel
Berhocoirigoin sur les « artisans de la paix ». C’est un
humaniste. Il est pour la non-violence. Il a appris à parler basque dans un village de 122
habitants. Fils de paysan. C’est un sage
de la société basque ». Il devient chef d’exploitation agricole à 22 ans. Il possède un troupeau de vaches laitières
dans une ferme de 24 hectares. Il faut être très méchant
ou pire, parisien, pour ferrailler avec un tel homme.
Humaniste, il s’engage pour le désarmement de l’ETA quand
l’ETA décide de désarmer. Le mouvement qui négocie avec ETA se nomme « Artisans
de la Paix ». C’est un mouvement qui regroupe toutes les sensibilités du Pays
Basque : « notre trésor c’est l’attelage pluridimensionnel qui nous
permet de décider comment on va tous appartenir à un même ensemble. « Nous n'accepterons pas votre
présence… Vous êtes en permanence en train d'insulter et de diffamer ceux qui
travaillent dans ce processus de paix ».
J’avais inscrit l’Observatoire du Pays Basque à la réunion
de réflexion du 2 novembre sur le processus de paix « réservée aux
personnes de toutes sensibilités ». Je reçois en réponse ce
courriel : « Nous
n'accepterons pas votre présence… Vous êtes en permanence en train d'insulter et
de diffamer ceux qui travaillent dans ce processus de paix ».
Notre trésor, c’est le rassemblement de toutes les
sensibilités : « Je n’ai pas la réponse. Il faut réfléchir ensemble »
dit Berhoco. « Nous n'accepterons
pas votre présence… Vous êtes en permanence en train d'insulter et de diffamer
ceux qui travaillent dans ce processus de paix ».
Milite à la FNSEA, puis crée un syndicat paysan basque. « Identitaire,
mais pas séparatiste. Pas question, dit Berhoco, de « construire un mur
autour de nous ». « Nous
n'accepterons pas votre présence… Vous êtes en permanence en train d'insulter et
de diffamer ceux qui travaillent dans ce processus de paix ».
Il est résolument non-violent. C’est pourquoi il n’a
participé à aucune manifestation contre la violence de l’ETA au Pays Basque espagnol.
C’est pourquoi il défend les prisonniers
basques qui ne demandent pas pardon à leurs victimes. C’est pourquoi il ne
demande pas aux soutiens des terroristes emprisonnés de cesser ces danses et
ces chants à la sortie de prison. C’est pourquoi il n’accepte pas ma présence
dans une réunion qui rassemble « toutes les sensibilités ». « « Nous
n'accepterons pas votre présence ».
Humaniste, non-violent, il refuse de rencontrer les associations
de victimes et refuse leur présence dans les réunions qu’il organise. « Nous n'accepterons pas votre
présence… Vous êtes en permanence en train d'insulter et de diffamer ceux qui
travaillent dans ce processus de paix ».
samedi 2 novembre 2019
la teinturerie se vide
La Teinturerie était presque vide.
Comme
je distribuais des pages de vidas rotas (le
recueil des vies brisées par l’ETA), je sais à peu près combien ils étaient.
Pas plus d’une cinquantaine. J’avais
pris deux cents pages, il m’en restait cent cinquante. Parmi les présents,
Michel Veunac et Jean-René Etchegaray, sans leur écharpe tricolore parce que
Xavier Larralde, d’EH BaÏ le leur avait interdit. Nous sommes en Iparralde leur
avait-il dit, pas en France. Et les élus avaient docilement ôté leur
écharpe. Il y avait aussi Mikel Berocoirigoin, à qui j’ai
serré la main. Dans cette salle de trois cents places, les cinquante
blanchisseurs étaient un peu perdus. Se pourrait-il que notre campagne minuscule,
mais incessante contre le blanchissage de la terreur ait contribué à réduire
l’assistance ?
J’ai
donné un feuillet à Michel Veunac, en lui disant ce sont des victimes de l’ETA.
Il a retourné la feuille et le verso était blanc. Il était étonné. Persuadé
qu’il y avait des victimes des deux côtés, ce vide le stupéfia. Jean-René
Etchegaray prit la victime inscrite dans le feuillet tendu et y prêta la même
attention que pour les 859 autres victimes, c'est à dire une méprisante
indifférence. Chacun des cinquante participants à cette nouvelle séance de
blanchissage se voyait remis un dossier, pas moi, puisque j’étais interdit, et
rangeait la feuille avec une victime d’ETA au-dessus du dossier.
Un
monsieur très énervé, qui m’avait lu et attendait les feuilles distribuées, me
prit à partie : vous ne parlez pas du GAL. Il avait une feuille lui aussi, avec les photos de personnes
étendues sur le sol, victimes du GAL. Je lui dis, c’est affreux. Vous avez
raison de distribuer ces images, il ne faut pas qu’on oublie, jamais, les
victimes de terrorisme d’état. Bien sûr, il avait une seule feuille et moi j’avais
mille pages, mais ce n’est une raison. Je l’ai félicité de son initiative. Il m’a
pris le bras et a commencé à me secouer. Je n’ai pas compris. J’étais d’accord
avec lui et ça ne lui plaisait pas. Il faisait avec les victimes du GAL ce que
je faisais avec les victimes d’ETA : les montrer, le rappeler, ne pas
laisser ces victimes disparaître du souvenir. Comme il me secouait un peu plus,
j’utilisais ma seule arme : la parole. Monsieur, ai-je crié, la terreur
physique, c’est terminée. Il n’y a plus d’ETA ! Alors, lâchez-moi s'il
vous plaît. Les cinquante présents l’ont regardé et il s’est reculé, il a
compris qu’une époque était révolue, l’époque où l’on pouvait se débarrasser de
ses adversaires politiques par la terreur. Il semblait le regretter.
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