dimanche 30 juin 2019

la honte


La honte



Max Jacob : « ma conscience est un linge sale et c’est demain jour de lessive ». (cité par Dan Franck dans Le vol de la Joconde, Grasset, 2019, p.154).



            Jamais la sonde n’arrivera au fond du mystère, jamais la débroussailleuse n’éclaircira l’horizon et pourtant, je continue de m’interroger sur cet élan quasi-unanime des élus du Pays Basque pour célébrer la fin d’une guerre qui n’existait plus. Je comprends les demi-soldes d’une armée défaite. Cinquante ans de terreur infligée, des centaines de morts, des milliers d’années de prison, des vies amputées, ne pas laisser pourrir ce capital est pour eux une question de vie ou de mort. Ils ont donc organisé un spectacle son et lumière, une armée en bon ordre sort de l’ombre, remet ses panoplies au peuple rassemblé et demande à ses combattants de rentrer au foyer pour raconter aux enfants l’histoire héroïque des partisans. Ça se comprend. Je comprends aussi l’indifférence d’une partie de l’opinion. Quel que soit le pays, nous savons qu’une partie du peuple traverse l’histoire avec des œillères. Au mois d’aout 1944, certaines rues de Paris étaient barrées par des barricades, et dans les squares se disputaient des parties de pétanque. Il ne faut pas mépriser l’indifférence, elle contribue à une certaine continuité de la société.



            Ma question porte sur cette portion importante de la société basque française qui a contribué au spectacle, qui a  applaudi les comédiens, qui a même construit le décor de la pièce. Tous ces hommes et femmes politiques qui affirmaient qu’ils contribuaient à la paix, que sans eux le pays serait à feu et à sang. Ces contrefacteurs qui se baptisaient « artisans », ces politiques pour qui les prisons de terroristes emprisonnés sont des champs de bataille. Félicités par les séparatistes violents, décorés par les anciens adeptes de la terreur. Enthousiastes sur les places de Bayonne.



            Certains expliquent cet engagement cocasse pour des préoccupations électorales. Au bout de ce qu’ils appellent le chemin de la paix, il y a peut-être quelques voix à glaner. Je récuse cette explication. J’ai entendu nos édiles la main sur le cœur, je les ai vus pleurer de vraies larmes, ils parlaient de paix, du retour à la sérénité, d’une sortie de conflit, de Mandela, de Desmond Tutu. Ils ne jouaient pas la comédie.



            Mon hypothèse est autre. Ces engagements hystériques sont dus à la honte. La honte est un sentiment fort. La honte peut empêcher de dormir. Elle peut vous gâcher la vie. Or, pendant qu’ETA maintenait la société basque espagnole dans la terreur, que les collègues espagnols de Jean-René Etchegaray, Vincent Bru, Michel Veunac, Colette Capdevielle, Frédérique Espagnac, ne pouvaient pas sortir de chez eux sans gardes du corps, tous regardaient leurs chaussures. Aucun signe de solidarité, jamais de voyage pour serrer la main aux victimes, jamais d’écharpes tricolores dans les manifestations pour la paix. Quand ils auraient pu être de véritables pèlerins de la paix, ils détournaient les yeux, quand ils auraient pu être de véritables artisans de la paix, ils fermaient les volets. Avec le soutien tacite, résigné, d’une société basque qui acceptait que son territoire soit utilisé comme sanctuaire par les terroristes pour les assassins en échange d’une neutralisation. Le Pays Basque français fut ainsi zone refuge, la Suisse des Pyrénées.



            A la libération en France, les plus vociférants, les plus coiffeurs pour dames sur place publique, les plus méchants avec les collabos arrêtés, étaient ceux qui s’étaient tus et résignés pendant quatre ans. Ils avaient applaudi Pétain, il fallait se racheter en applaudissant de Gaulle plus fort que les autres. Dans ces belles manifestations patriotiques, ils rachetaient par quelques cris, par quelques crachats sur les miliciens, des années de résignation.



            Bake Bidea et les Artisans de la paix ont offert leur rachat aux passifs, aux résignés, aux honteux du silence. Leur conscience était un linge sale, ils ont offert le jour de lessive.



            Le chemin de la paix (Bake Bidea) passait par la négation de la terreur d’ETA, par le piétinement de ses victimes. Pas trop cher payé pour effacer la honte.  


jeudi 27 juin 2019

blanchisserie et teinturerie


Encore une fois, deux organisations, le Chemin de la Blanchisserie (bake bidea) et les Artisans Teinturiers (artisans de la paix) vont manifester le 5 juillet prochain pour demander la libération de quatre prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée. Pour quelles raisons demandent-ils cette libération ? Parce qu’ils en sont à leur trentième année de détention. Pas d’autres raisons. 


En général, quand on demande une libération conditionnelle, le juge chargé de l’accorder tient compte de plusieurs facteurs. Le premier : la gravité du crime. Ensuite :  le condamné regrette-t-il son crime ? A-t-il demandé publiquement pardon à ses victimes ? S’est-il engagé à ne plus recommencer ? Demande-t-il à ses amis et soutiens de ne pas organiser de fête à la sortie de prison pour éviter de froisser les familles de ses victimes ? Le juge demande généralement l’avis des victimes ou de leur famille. Dans le cas de ces quatre condamnés, on ne sait pas pourquoi ils sont condamnés. Ont-ils massacré des enfants à Saragosse ? Massacré la foule d’un supermarché ? Torturé et séquestré un patron d’entreprise ? Silence. Ils ne regrettent rien. Ils ne demandent pas pardon, ils ne refusent pas l’aurresku, danse d’hommage aux personnalités exceptionnelles. Pas question non plus de demander l’avis des familles pour le Chemin de la Blanchisserie et des Artisans Tenturiers. Silence sur les raisons de leur condamnation. 


Le seul argument : trente ans. Trente ans c’est très long, mais leurs victimes ont été condamnées à perpétuité sans libération conditionnelle. En refusant ces questions, les blanchisseurs se font complices des crimes et de leurs auteurs. 


       Avec les mensonges habituels, les oublis, les barbaries qui restent coincés dans leur gorge. Ils parlent de justice transitionnelle en sachant ou en ignorant que cette justice ne peut se mettre en place qu’à la condition du repentir, du pardon demandé aux victimes et à leur famille. 


       Les blanchisseurs ne demandent rien aux criminels et à leurs soutiens, ils demandent tout à l’état,  aux associations de victimes, au juge, au préfet. Et demain, peut-être, devant la sous-préfecture de Bayonne, ils seront accompagnés par Vincent Bru, par Jean-René Etchegaray, par Michel Veunac, Frédérique Espagnac. Complices de la barbarie infligée dans un territoire qu’ils n’habitaient pas. 


Peut-être.  Ou peut-être pas.

hiérarchie


Ce qui préoccupe nos élus





Le maire a accordé une subvention de cent mille euros pour un festival brésilien à Vincent Cassel. Sans soumettre à un quelconque avis du conseil municipal. Les élus protestent, ils n’ont pas été consultés. On réunit une commission, la subvention est supprimée, puis une nouvelle commission va écouter Vincent Cassel. Ça discute dans tous les coins.





Une bagarre a éclaté à la Gare de Biarritz entre SDF. Aussitôt, le responsable de la sécurité réunit une commission avec la police municipale, les élus, les associations. Ça discute dans tous les coins.



Le maire de la ville de Biarritz manifeste pour la libération d’un terroriste, Josu Urrutikoetxea, accusé d’avoir causé la mort de onze personnes dont six enfants. Une conseillère proteste publiquement. Une sur trente-cinq. Ils n’ont pas été consultés, mais trente-quatre conseillers se taisent.



Pour une subvention, pour une bagarre, il vaut mieux consulter les élus. Pour onze morts, dont six enfants, c’est inutile.

mardi 25 juin 2019

unilatéral


Unilatéral.



Dans le vocabulaire des blanchisseurs (garbitu bidea), qui négocient inlassablement avec les demi-soldes d’une armée morte, l’ETA a cessé le combat unilatéralement. Un jour, comme ça, tombé du ciel, l’armée basque qui n’avait rien obtenu d’autre que des morts et des emprisonnements, a décidé stop, on arrête, on range les fusils, on enterre la dynamite, on démobilise les troupes. Pour quelles raisons ? Aucune. Ce fut unilatéral. Ainsi l’armée allemande, un beau jour du printemps 1945, décida unilatéralement de déposer les armes.



Unilatéral. Donc pour rien ne comptent les manifestations pour la paix, Basta Ya, les millions de Basques espagnols dans la rue. Puisque ce fut unilatéral. Pour rien ne compte l’activité des forces de police et de la justice, puisque ce fut unilatéral. Pour rien ne compte la coopération entre la France et l’Espagne dans leur lutte commune contre le terrorisme. Ce fut unilatéral. Pour rien ne comptent les dénonciations de la terreur, une société debout, refusant de céder à la peur. Ce fut unilatéral.



Si on fait le bilan des actions contre la terreur au Pays Basque français, alors, effectivement, elles n’ont compté pour rien dans la reddition de l’ETA. Aucune manifestation, aucune solidarité avec les élus menacés, aucune déclaration contre la terreur. D’ailleurs, la dissolution d’Iparretarrak fut effectivement unilatérale. Personne ne sait pourquoi elle a commencé et pourquoi elle a terminé.



Mais dans cette société basque atone, aphone, craintive, terrorisée par son ombre, que cette société considère que les combats de la société basque espagnole ne fut pour rien dans la fin d’ETA est une insulte  à ses combats, à son courage, insulte aux victimes, insultes aux élus qui se présentaient aux élections malgré les dangers de mort.



De temps en temps, dans les rues de Bayonne, ces chantres de l’unilatéralisme dansent dans les cimetières, boivent sur les tombes, piétinent les véritables artisans de la paix que furent Basta Ya et poussent même l’imposture jusqu’à voler leur nom, à plagier leurs slogans, à contrefaire leur courage.



Ils ont entièrement raison. Ils crient, ils hurlent, ils chantent la même chanson : puisque nous n’avons rien fait contre la terreur, si les terroristes se sont arrêtés, ce fut une décision unilatérale. Cette reprise du discours de l’ETA est une célébration de leur propre couardise.

lundi 24 juin 2019

la peur


Ils ne peuvent pas s’en empêcher



            Nos sociétés sont de moins en moins violentes. Les sociétés occidentales n’ont jamais été aussi paisibles. Mais le sentiment de la violence domine. Les  homicides diminuent régulièrement en nombre. (1600 meurtres par an en moyenne au milieu des années 1990, contre 845 en 2018. Les vols avec violence diminuent depuis 2014. Les chiffres baissent. Ce qui monte, c’est l’intolérance à l’égard de ces actes. (Le monde, 19 juin 19).



            La passion pour les faits divers, les magazines spécialisés, les rubriques en forte croissante dans les journaux dits de qualité, les feuilletons policiers, les romans noirs, participent de cette contradiction. Moins la société est violente et plus spectaculaire est la représentation d’une sauvagerie désormais exotique.



            L’une des raisons de la persistante peur à l’égard d’une « violence extrême » est son utilisation par les dirigeants politiques. Marine Le Pen dénonce « l’ensauvagement de la société » ou le « terrorisme au quotidien ». Dans son discours de politique générale, Edouard Philippe annonce un plan pour lutter contre les « violences gratuites », car « les Français n’en peuvent plus des coups de couteau donnés pour un mauvais regard ou des batailles rangées entre bandes rivales ».



            Le premier devoir d’un état est d’assurer la sécurité des citoyens, la protection de leur intégrité physique et de leurs biens. Il est donc inévitable que les responsables de cet état intègrent la peur dans leur discours. Certains l’utilisent comme on brandit un drapeau. Personne ne dit : la société est plus paisible. Si votre voisine est physiquement agressée par des cambrioleurs, le maire qui vient la réconforter ne peut pas lui dire ; « les vols avec violence diminuent depuis 2014).



            A nouveau, on nous présente des images de violence, d’agressions, de deal, toujours dans les mêmes endroits, à Paris, Barbès, La Goutte d'Or et la Chapelle,  Saint-Denis dans la banlieue, Marseille, les quartiers nord. Les élus appellent la police, demandent le recours à l’armée, des policiers en permanence, partout, devant les écoles. Quand j’habitais la Goutte d'Or, je ne me souciais guère des statistiques. Je voyais les dealers, les consommateurs, les vendeurs à la sauvette de cigarettes et de contrefaçons. Je rendais visite à des amis dans les beaux quartiers et je me disais que dans ces beaux quartiers, jamais on ne tolérerait ce que je voyais dans ma rue plus de dix minutes.



            Je connais le raisonnement. Il est juste. C’est la misère qui doit faire peur, pas les pauvres. C’est l’addiction qui doit faire peur, pas les usagers. Mais comment tu fais, quand tu es dans le chaudron ?



            Tu regardes autour de toi, dans l’histoire toute récente. Tu cherches en Europe occidentale des sociétés qui ont vécu des dizaines d’années dans la terreur, dans la soumission aux bandes armées. Comment ces sociétés ont-elles surmonté la terreur, leur peur, comment ont-elles réussi à vaincre les responsables de cette terreur ? Il y a peut-être des leçons à en tirer pour nos sociétés.

dimanche 23 juin 2019

couleurs de blanchisserie


La blanchisserie en voit de toutes les couleurs.



Le paysage basque français a été un temps recouvert d’un grand drap blanc, comme une plaine de Sibérie en hiver. Les blanchisseurs exaltaient le soutien unanime. Puis, avec le printemps et la fonte des neiges, d’autres couleurs sont apparues. Des conseillers de Bayonne ont refusé une sculpture de la hache. J.J. Lasserre a refusé cet affront aux victimes d’ETA. Il a même reçu une association de victimes. Un groupe de citoyens a brandi des parapluies bariolés d’un chiffre que seuls les gens de mon âge peuvent comprendre : 829. Ils sont devenus un Observatoire du Pays Basque, roses de plaisir d’être tant applaudi en Espagne. Florence Lasserre a posé à côté d’eux. Loïc Corrégé et Philippe Buono, piliers de La République en Marche, ont maladroitement condamné les condamnations d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe, créant des feux rouges de colère dans de nombreuses réunions. Et voici que Max Brisson, après avoir blanchi, rejoint l’Observatoire du Pays Basque et lui manifeste son accord. Un accord bleu, blanc rouge. Vincent Bru, Frédérique Espagnac et Jean-René Etchegaray continuent  à maintenir des plaques de neige dans le paysage.



 Désormais, la carte politique du Pays Basque français est devenue compliquée. Elle ressemble  au plan des différentes zones de sécurité du G7 vu par  un daltonien.



C’est plus dur à comprendre, certes,  mais ça vaut mieux qu’un linceul.

lundi 17 juin 2019

appel du 18 juin


ONDRES







Ici Ondres ! ici Ondres !



Les Français basques exilés dans les Landes parlent aux Français basques



Appel du 18 juin 2019





            Sous le nom de « processus de paix », le territoire du Pays Basque français est entièrement soumis à un mouvement de blanchiment de la terreur d’ETA. Tous les partis, quasiment tous les élus, soutiennent ce mouvement et ceux qui ne le soutiennent pas se taisent.



            Ce mouvement se réalise au mépris des victimes de cette organisation terroriste, nombreuses surtout au Pays Basque espagnol.



            La résistance à ce mouvement de collaboration avec la terreur est possible. Quelques citoyens courageux se sont opposés à une sculpture représentant le terrorisme d’ETA et ont réussi à empêcher son installation. Ils se sont regroupés sous le nom « Observatoire du Pays Basque ».



            Ce même groupe a gâché la fête des collaborationnistes des 7 et 8 juin. Alors qu’ils étaient réunis pour demander la libération de Josu Ternera, une tribune de soutien à ses victimes est parue dans le journal Libération, reprise dans la presse locale, diffusée en millions d’exemplaires dans la presse espagnole.



            Il est donc possible d’agir.



            Nous appelons les citoyennes et citoyens du Pays Basque français à nous rejoindre par tous les moyens qu’ils jugeront bons. Nous appelons les citoyennes et citoyens du Pays Basque français à s’adresser à leurs élus pour qu’ils prennent leur distance vis-à-vis d’un mouvement de blanchiment de la terreur qui provoque de légitimes colères notamment en Espagne.



            Vive le Pays Basque français, vive la République, vive la France !


bureau des affaires étrangères


A la suite de mon entretien avec Pierre Penin dans Sud-Ouest, je reçois une lettre de Pierre C…, habitant de Baigorri, datée 12 juin. « Monsieur, d’après vos propos sur Sud-Ouest du lundi 10 juin, on sent que vous n’êtes pas basque et que vous ne nous aimez pas ! ». Mon lecteur me reproche le terme de « mise en scène » pour la fête du vendredi 7 juin. « Pour nous (les Basques), c’est un grand soulagement, c’est un moment que nous attendions depuis longtemps ».



Ensuite mon lecteur me demande ce que je pense des ventes d’armes de la France, en tant que « bon français » ? Et ce que je pense du massacre des harkis au lendemain des accords d’Evian. Est-ce que la France a jamais demandé pardon ? Alors que l’ETA l’a fait.



La lettre se termine ainsi : occupez-vous de la France et laissez-nous vivre en paix. « Je ne voudrais pas être votre voisin, avec la haine des Basques que vos propos transpirent ». « Je pense que pour vous la meilleure façon serait d’appliquer ‘la solution finale’ pour nous les Basques ».



Ce monsieur a pris la peine de m’écrire et toute peine mérite réponse. Voici ma réponse :





Monsieur,



            J’interviens régulièrement contre les événements organisés par Bake Bidea et les Artisans de la Paix que je nomme opérations de blanchissage de la terreur d’ETA. Je ne suis pas en mauvaise compagnie. Des associations de victimes, des intellectuels comme Aramburu (avez-vous lu Patria ?), et Savater, partagent mon opinion. Pour vous, ces évènements étaient « attendus depuis longtemps » et ils sont « un grand soulagement ».



            Entre vous et moi, il y a divergence d’opinion, ce qui est normal dans une société diverse. Le débat n’est pas terminé. Je n’ai pas bien compris ce que venaient faire les harkis et la vente d’armes dans ce débat.



            Ce qui me préoccupe davantage, c’est le droit que vous vous arrogez de décerner ou de refuser la qualité de Basques. Une divergence d’opinion sur les Artisans de la Paix vaut-elle appartenance à la communauté basque ? Ainsi, la majorité des Basques qui vivent au Pays Basque espagnol et partagent mon point de vue ne seraient plus des Basques, selon vous ? Pour vous, je ne suis pas basque, je suis français, et je n’ai pas le droit de m’occuper du pays que j’habite. Pour vous, je hais les Basques parce que je dénonce, avec de nombreux Basques espagnols et français, une opération de blanchissage de la terreur d’ETA.



            De ce point de vue, votre réaction est confirmation glauque de ce que certains dénoncent comme une dérive identitaire. Le droit d’un petit groupe d’attribuer ou de refuser l’identité. Comme le RN décide qui est français et qui ne l’est pas. Heureusement que vous ne disposez pas du pouvoir politique. La population basque serait réduite comme peau de chagrin à un tout petit groupe d’hommes recroquevillés.



            En résumé, au risque de vous décevoir, j’ai décidé d’être basque, d’aimer les Basques, leur histoire, leur culture, et je vous emmerde.

dimanche 16 juin 2019

qui a peur de qui?


Rencontre avec Maider Arosteguy





Qui mène campagne. Je lui dis que moi aussi je mène campagne. Contre les blanchisseurs. Elle me dit que cette fois-ci, elle n’a pas signé l’appel des blanchisseurs. Josu Ternera, massacreur de onze personnes dont six enfants, c’était trop pour elle. Donc, sollicitée, elle n’a pas donné suite. Va-t-elle parler sur le sujet ? Non. Elle refuse de signer, en silence. Les raisons du silence sont multiples. Répondre aux abertzales, c’est leur donner trop d’importance. Répondre aux abertzales, c’est dangereux. Ce sont des gens dangereux, et Maider Arosteguy ne veut pas mettre sa famille en danger. Donc il vaut mieux ne pas signer et se taire. Comme ça on n’énerve pas les abertzales, on ne leur donne pas l’importance qu’ils ne méritent pas, et on ne risque pas des retours inquiétants.



Pour Maïder Arosteguy, le vrai danger, c’est l’islamisme. Au Pays Basque, le vrai le seul danger, c’est l’intégrisme islamiste. Je m’étonne. Elle peut dire publiquement son opposition à l’islamisme intégriste sans risque de mettre en danger sa famille. Mais si elle prend position contre le séparatisme basque, elle met en danger ses enfants. Et pourtant, le danger ce serait l’islamisme?



Résumons. Parmi les élus, il y a ceux qui soutiennent les appels à blanchisserie : Max Brisson, Vincent Bru, Frédérique Espagnac, Jean-René Etchegaray, Michel Veunac. Il y a ceux qui ne soutiennent pas mais ne disent rien, car il n’y a que des coups à prendre et rien à récolter. Et puis il y en a qui qui donnent publiquement leur opinion sur l’opération blanchisserie. J’en connais personnellement une ou deux.


G7 Baï


Le G7 occupe désormais une grande place dans les discussions de la ville de Biarritz. La chambre de commerce et de l’industrie a été taguée. Le sous-préfet s’inquiète (Sud-Ouest 5 juin 19). La violence dit-il fait partie de l’histoire récente du Pays Basque. « Une frange marginale d’indépendantistes ne se résout pas  à la dissolution d’ETA. Ils voient dans le G7 l’occasion de raviver les braises ». Dans les tags, on relève des slogans comme « aiguisons les haches », qui se réfère clairement au symbole de l’ETA.

 

Un comité nommé G7 EZ manifeste régulièrement contre la tenue de ce sommet, à la fin du mois d’août. Naturellement, pendant trois ou quatre jours, les restrictions à la circulation vont gêner les déplacements. Moi, personnellement, je m’inquiète. D’autant plus que les cartes des zones distribuées par la mairie me sont illisibles car je suis daltonien. Je réclame en vain des cartes des zones en braille, pour les malvoyants et les daltoniens.

 

Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’absence de réaction des responsables politiques. Jour après jour, le comité G7 Ez s’agite. Pour quels objectifs ?   

 

Les adversaires du G7 disent qu’il réunit les pays les plus riches, les plus capitalistes, donc ceux qui sont responsables de tous les malheurs du monde. Il s‘agit donc de protester contre les responsables de tous les malheurs du monde. Pour renverser le capitalisme ? Sans doute pas. Pour gêner le fonctionnement du capitalisme en détruisant les distributeurs de billets ? Peut-être. Pour montrer la colère du peuple en cassant les vitrines du petit commerce. Eventuellement.

 

            En face, les politiques se taisent. Ils laissent l’état français gérer la situation. Le sous-préfet  parle, combat le radicalisme abertzale. Les politiques du Pays Basque français se taisent. Ils ne disent rien.

 

            Il y aurait la place pour un comité de citoyens « G7 Baï ». qui dirait que les rencontres qui visent à réguler les relations politiques et économiques internationales sont les bienvenues ; qu’il vaut mieux se parler que de faire la guerre. Que c’est un honneur pour la ville de Biarritz de recevoir de telles rencontres.

 

            Un tel comité appuierait les efforts du Président Macron pour réguler une finance devenue folle, pour imposer les spéculations financières, pour impulser plus de solidarité à l’égard des pauvres, plus d’égalité entre hommes et femmes.

 

            Ce comité s’appellerait G7 Baï.

mardi 11 juin 2019

un jeu dangereux


Un jeu dangereux





Justice transitionnelle. Ce mode de sortie de conflit a été expérimenté en Afrique du Sud à la sortie de l’apartheid, sous la tutelle de Desmond Tutu. Le principe en était le suivant : les auteurs des crimes, tortures, emprisonnement, du régime d’apartheid confessaient leurs forfaits publiquement devant leurs victimes ou leurs familles. La justice transitionnelle ne pouvait se mettre en place que si les auteurs de crimes avouaient leur forfait, demandaient pardon aux victimes ou à leur famille.  Ces séances étaient filmées et diffusée en direct par des chaînes de télévision en Afrique du Sud, pendant des heures et des heures, et regardées par des millions de personnes. Ces séances ont donné lieu à des livres, de nombreux documentaires.



La question controversée était le résultat de ces séances pour les criminels. Allaient-elles remplacer un procès ? Fallait-il maintenir les punitions prévues par la loi ? Les peines pouvaient-elles être réduites par les confessions publiques ? Les confessions valaient elles amnistie ? Questions non résolues. Ce qu’il reste de ces séances, en tout état de cause, c’est que amnistie ne valait pas amnésie, c'est à dire oubli des crimes.



La justice transitionnelle ne peut se comprendre bien évidemment que par des arguments politiques. Nelson Mandela voulait éviter une situation comme celle du Zimbabwe, la fuite » des élites blanches, des cadres, de leur compétence, de leurs investissements. Et cela dans un pays où une minorité blanche a maintenu un système d’apartheid d’une grande brutalité.



On comprend que ça n’a strictement rien à voir avec l’Irlande du Nord ou le Pays Basque. Ces régions ont connu des conflits sévères, des discriminations, mais elles étaient des lieux démocratiques où des terroristes ont voulu imposer leur point de vue contre la société. Ces terroristes veulent à tout prix légitimer leurs actions et les anciens combattants de l’IRA ne veulent pas entendre parler de justice transitionnelle. Il y a des initiatives privées, des rencontres entre terroristes protestants et catholiques, entre victimes et assassins. Mais rien à voir avec l’Afrique du Sud.



De la même manière, les abertzale radicaux ne veulent pas entendre parler de ces séances de confession qui mettraient à jour leurs exactions. Les seuls contacts avec les victimes sont les liesses qui saluent la libération de leurs assassins. On est loin de la justice transitionnelle.



La  première difficulté pour la mise en place d’un tel processus est le refus des terroristes de demander pardon. On les comprend. Demander pardon, c’est reconnaitre la faute. Reconnaître qu’ils se sont trompés. Il arrive qu’un violeur demande pardon à sa victime. Un pédophile aux enfants. Mais au procès de Nuremberg, aucun accusé n’a demandé pardon. De même l’ETA demande pardon de manière sélective. Dans son communiqué de « pardon », elle demande pardon aux victimes « collatérales ». Ceux et celles qu’elle a tué « par erreur ». Selon la formule que Raymond Barre a laissé échapper au lendemain de l’attentat contre la synagogue de la rue des Rosiers : il  y a eu des « victimes innocentes », c'est à dire non juives. Pour la société basque espagnole, la terreur n’avait aucune justification et toutes les victimes de l’ETA étaient innocentes. Quand l’ETA décrivait les gardes civils comme des « chiens », leurs enfants étaient des « fils de chiens » et l’attentat de Saragosse, onze morts dont six enfants, avaient éliminé des cibles légitimes. De même, dans un même mouvement théorique, l’IRA et l’ETA avaient « socialisé la terreur ». C’est à dire élargi le champ des cibles légitimes. Un élu, journaliste, un universitaire, critiques de la terreur, l’entreprise qui allait réparer l’électricité ou la plomberie dans une caserne, la cuisinière qui travaillait pour les soldats britanniques, tous devenaient des cibles légitimes pour lesquelles on ne demande pas pardon.



Pour justifier ce refus, cette violence symbolique, cette inscription de la terreur dans un langage qui la justifie, les patriotes répliquent « le GAL »,  la torture dans les prisons franquistes et même de l’après-franquisme. Il y aurait donc eu des victimes des deux côtés, et la terreur des uns justifie la barbarie des autres. La réplique à ce discours répété ad nauseam, est simple et mérite d’être chaque fois répétée. Aucune force politique au Pays Basque français ne justifie le GAL, ne manifeste pour les prisonniers condamnés du GAL, n’organise de cérémonie pour leur libération, ne les parade sur les estrades, ne les nomme « prisonniers politiques ».



Que les patriotes justifient la terreur utilisée par leurs anciens combattants est dans la nature de leur engagement. Plus curieux est la reprise de leurs éléments de langage par des responsables politiques de partis républicains. Quand  j’entends le quatuor blanchisseur, Vincent Bru, Max Brisson, Michel Veunac, Jean-René Etchegaray, reprendre l’expression « il y a des victimes des deux côtés », mot pour mot le langage EH Baï, j’ajuste mes appareils auditifs. Etaient-ils bien réglés ? Des élus républicains qui mettent sur le même plan une société démocratique qui se défend et les terroristes qui l’agressent ?



            Pour que les blanchisseurs blanchissent, ils doivent élaborer une justification de leur blanchissage. Elle se résume ainsi : si l’on ne blanchit pas les crimes, leurs auteurs, ou leurs enfants, risquent de reprendre les armes et replonger le Pays Basque dans la guerre. Dans le « conflit » comme ils disent.



            En soi, ce raisonnement est monstrueux. Il justifie la terreur de demain en justifiant celle d’hier.  On retrouve ces « justifications » chez tous les blanchisseurs. Max Brisson, Jean-René Etchegaray, Michel Veunac, Vincent Bru. Ils nous disent attention aux futures générations de jeunes qui se radicalisent. Qui risquent de replonger dans la violence.



            En somme, pour déradicaliser les jeunes générations, il faut justifier la terreur de leurs parents. Les élus du Pays Basque français jouent un jeu dangereux.


lundi 10 juin 2019

les temps changent


Les temps changent



Sud-Ouest du lundi 10 juin 2019 me présente dans une interview comme « le biarrot Maurice Goldring ». Me voici adoubé. Par le grand journal régional. Quand même. D’ailleurs, jamais les parents de Brigitte n’auraient accepté qu’elle s’accoquine avec un non-Biarrot. De même que ma mère n’aurait pas apprécié que je partage  ma vie avec une goy. Les temps changent.

Il y a quelques personnes qui ne s’en sont pas rendu compte. Ainsi, Jean Esterle, candidat EH Baï à la mairie de Biarritz, m’a lancé en fin de discussion : « retourne à Paris, connard ! ». Et Xavier Larramendy, soutien République en Marche des Artisans de la Paix, me demande où sont nés mes parents. Il faudrait mettre ces deux-là dans un musée.

méfiance


Méfiance, on m’a si souvent fait le coup.



            Une douzaine de bus venus du Pays Basque espagnol sont venus gonfler la manifestation pour la paix dans un Pays Basque français qui n’est plus en guerre depuis vingt ans.

            Il y a vingt ans, une voiture avec trois passagers est venu gonfler une manifestation à Vitoria contre la terreur d’ETA, un conseiller municipal venait d’être abattu, et André Labèguerie, Brigitte Pradier et moi-même, venaient apporter la solidarité de Didier Borotra aux manifestants contre la terreur. Les deux élus avec leur écharpe ont été accueillis à bras ouverts. Le maire de Vitoria leur a dit : « ça fait longtemps qu’on vous attendait ».

            La manifestation de Biarritz « pour la paix » était en fait une manifestation pour l’amnistie des assassins d’ETA. Bake Bidea et les Artisans de la Paix avaient protesté une semaine plus tôt contre l’arrestation d’un criminel ayant fui la justice de son pays, Josu Ternera. Ils avaient entraîné dans leur transhumance Michel Veunac, Max Brisson, Vincent Bru et Jean-René Etchegaray, docile moutons d’une entreprise de blanchissage.

            Deux conceptions du monde. Deux conceptions de l’engagement politique.

            Et les autres ? Ils se taisent. Ils m’annoncent des motions qui s’envolent, des communiqués qui disparaissent, des prises de position qui se froissent dans les corbeilles.

            Alors je me méfie. Des annonces chuchotés, tu vas voir ce que tu vas voir, on va parler, on va dire clairement les choses. Il y a même des élus qui ont le courage de me dire à moi personnellement qu’ils n’iront pas à la manifestation et que leur absence vaut condamnation. Ainsi le maire de Biarritz ouvre la teinturerie, officiellement, au nom de la ville de Biarritz et tous les conseillers de la ville, sauf une, vont courageusement se tremper les pieds dans les vagues, indiquant par cette trempette, au monde entier, leur condamnation exemplaire des crimes passés.

            On me dit, avec Nathalie Motsch ou Maider Arosteguy, ça va changer. Elles vont parler, elles vont déclarer, elles vont communiquer. J’ai écouté. J’ai tendu l’oreille. Rien n’est venu. Il suffisait de dire clairement : en paroles orales, ou en communiqué écrit, » je n’irai pas à cette manifestation ». Rien n’est venu. Pourtant le maire de Biarritz les représentait. Sauf une.

            Alors je me méfie. Ils m’ont tous tant de fois fait le coup : j’irai voir les victimes, je condamne l’amnistie. Tous ils sont félicités par EH Baï et Sortu, ça ne les gêne pas. Et ils se taisent.

            Dans l’histoire du Pays Basque français et espagnol, je vous demande de retenir ces deux images : les douze bus qui sont venus d’Espagne, eau de javel à la main et serpillère sur le dos, et une voiture avec trois personnes qui ont apporté solidarité aux victimes de la terreur.

samedi 8 juin 2019

enfants manipulés


8 juin 2019



Manifestation des ikastolas pour plus de postes d’enseignants. Tous les élèves sont dans la rue. Il fait beau. Le même jour, les blanchisseurs manifestent pour le rapprochement des criminels de l’ETA des tombes de leurs victimes, ou peut-être je me trompe. Enfin, ils manifestent sous le mot d’ordre « et maintenant les prisonniers ». Et maintenant. Avant, c’était quoi ? les assassins ? Il fait beau. Le même jour, les arts de la rue, une série de comédies ambulantes. Des hommes et des femmes déguisés brandissent des drapeaux où il est écrit qu’ils veulent la paix. Les spectateurs s’esclaffent. Nous sommes en paix, enfin, voyez ces enfants, voyez ces saltimbanques...voyez les surfeurs, voyez monsieur le maire qui se promène sans garde du corps. Les spectateurs de nos jours ne savent pas bien faire la différence entre spectacle et réalité. Ils prennent Vincent Bru, Max Brisson, Michel Veunac et Jean-René Etchegaray pour des saltimbanques. Qui jouent un spectacle son et lumière. Un peu de respect, voulez-vous.

Le beau temps, la mer, les couleurs, peuvent vous empêcher de réfléchir. Au début, tout le monde pense, mais que c’est joli tous ces enfants en bord de mer, tous ces enfants qui manifestent. Pour plus de postes d’enseignants en langue basque. Et puis vient une légère brise qui vous réveille et du coup, la tête se remet à penser.

Et la tête se dit. Si les enseignants de l’école publique, dans une manifestation  pour des postes supplémentaires, avaient entraîné avec eux les élèves dans la rue, des élèves très jeunes, du primaire, mais qu’est-ce qu’ils auraient pris sur la tête. Ils manipulent les enfants, ils les entraînent  à manifester…Enfin, vous voyez, vous imaginez…Et si des enseignants d’une école privée musulmane avaient manifesté avec leurs élèves, alors là, je ne vous dis pas. Il faudrait appeler le SAMU pour Nadine Morano, Christine Boutin et Marine Le Pen.

Mais au Pays Basque, la manipulation des enfants, on trouve ça joli et coloré.

jeudi 6 juin 2019

bizarre la politique


C’est bizarre la politique. Considérez les dernières élections, les européennes. En France. Nathalie Loiseau, de la liste Renaissance, obtient 23%. De l’avis des journalistes et des militants, elle a fait une mauvaise campagne. Laurent Wauquier, 8%, a dirigé une campagne désastreuse. Jean-Luc Mélenchon, 6%, est descendu en flammes par ses partisans et par ses adversaires.

Le seul, de l’avis de tous,  qui a fait une campagne excellente, qui s’est révélé bon débatteur, intelligent, offensif, c’est Ian Brossat. PCF.
Il a obtenu 2%.

préférence nationale


Une pétition pour la libération de Josu Urrutikoetxea, accusé de l’attentat de Saragosse (11 morts ont six enfants). Les signatures habituelles. Ils ont signé pour Bobby Sands, pour Cesare Battisti…Aucun des signataires n’a jamais signé pour les auteurs des massacres de Saint-Michel, de la rue des Rosiers, du Bataclan, de Nice. Ils ne signent que pour les auteurs de massacres commis à l’étranger. C’est ce qu’on appelle la préférence nationale. Les terroristes ont le droit de massacrer pourvu que ce ne soit pas chez nous.

mercredi 5 juin 2019

vous ne rêvez pas


Non, vous ne rêvez pas !

 

Josu Urrutikoetxea a été arrêté pour avoir refusé d’affronter la justice d’un pays démocratique. Il est accusé notamment de l’attentat de Saragosse de 1987, onze morts dont six enfants dans une caserne de gardes civils. En ce temps-là les gardes civils étaient traités de « chiens » par l’ETA et leurs enfants de « fils de chiens ».

 

Bake Bidea et les Artisans de la Paix ont protesté contre cette arrestation. Selon eux, elle était insultante et irresponsable. Bake Bidea signifie le « chemin de la paix » Pour les victimes d’ETA en Espagne, c’est le chemin de la blanchisserie. Jusque-là pas la peine de vous pincer, vous ne dormez pas.

 

Pour Alain Badiou et Toni Negri, Josu Urrutikoetxea est un « combattant » dont les actions ont été « stigmatisées par les médias et instrumentalisées par les pouvoirs publics ». Là encore, tout est normal. Alain Badiou considère les millions de morts de la révolution culturelle en Chine comme un détail de l’histoire et Toni Negri a plaidé inlassablement la cause de Cesare Battisti et des brigades rouges en Italie. Donc, tout est normal.

 

Là où la nécessité de se pincer devient impérieuse, c’est quand on voit, quand on entend, Max Brisson, sénateur LR, Vincent Bru, député modem, Jean-René Etchegaray, centriste et Michel Veunac, La République en Marche, reprendre les mots de Toni Negri, d’Alain Badiou. Quand on les voit s’assoir à la même table que les blanchisseurs, manifester avec eux pour Josu Urrutikoetxea. Ce n’est pas possible ! Vous rêvez ! Enfin les mêmes qui demandent l’intervention de la police quand un ado fume un joint sur la plage. Les mêmes qui font fermer les cafés quand la musique est trop forte. Les mêmes qui se précipitent au Petit Bayonne parce qu’il y a trop de bruit.
 
Non, vous ne rêvez pas.

mardi 4 juin 2019

détermination


Détermination



Je ne peux pas parler des endroits du monde que je ne connais pas. Mais je peux parler de certains endroits et de certains moments de mon histoire pour suggérer des leçons politiques. D’en tirer un principe politique. Pour tenter de réfléchir. Après tout, la politique, sans quelques moments de réflexion, n’est qu’une sale petite manie.

Je veux parler aujourd’hui du mot détermination. J’ai souvent constaté que dans les joutes politiques, mouvements sociaux, élections… l’emportent souvent ceux qui font preuve de la plus grande détermination. Pas forcément ceux qui ont les meilleurs arguments, la plus grande expérience. Non. Juste ceux qui sont les plus déterminés. Les autres ont les meilleurs raisons du monde, mais ils perdent parce qu’ils sont moins déterminés.

Dans le combat d’après-guerre entre socialistes et communistes, les plus déterminés étaient les communistes. Le parti de la classe ouvrière, le parti des 75000 fusillés, les militants socialistes étaient paralysés. Tétanisés. Pour moi, le point de rupture fut un débat télévisé entre Lionel Jospin et Georges Marchais. C’était l’époque de l’abandon du programme commun. Georges Marchais était évidemment le secrétaire du parti de la classe ouvrière. Il était métallo. Il parlait brut, comme un ouvrier parisien. Il dénonçait en Lionel Jospin un parti embourgeoisé, entraîné vers la droite. Je suis un ouvrier, moi, disait-il haut et fort dans le micro. A ce moment, Lionel Jospin lui pose la question qui tue : « Monsieur Marchais, depuis combien de temps vous n’avez pas mis les pieds dans une usine ? Moi, j’arrive à ce débat après avoir fait cours dans un IUT, je suis salarié. Et vous depuis combien de temps vous avez cessé d’être salarié ? ». Marchais se tut, ça ne lui arrivait pas souvent. Jospin avait gagné. Il avait dénoncé l’imposture de celui qui prétendait « représenter » la classe ouvrière. On ne disait pas le peuple à ce moment-là, on disait la classe ouvrière.

Plus tard, j’ai connu les assemblées générales enfiévrées dans les amphis. Toujours l’emportaient les plus radicaux, jusqu’auboutistes. Il était difficile de présenter une opinion différente. Les grèves étaient toujours générales et illimitées. Si un présent objectait que trois cents personnes dans  un amphi ne pouvaient peut-être pas décider pour trente mille étudiants et personnel, il se faisait huer, traître, fasciste, défaitiste… Les partisans d’une certaine modération quittaient les assemblées « générales » ou se taisaient.

Dans les quartiers populaires de l’est parisien où je résidais, j’ai constaté la même règle. Mes amis d’Afrique du Nord étaient pour la plupart non religieux ou musulmans très modérés. Mais ils n’allaient pas souvent affronter les intégristes militants qui étaient d’une détermination sans faille.

La démonstration pourrait se poursuivre avec le Royaume-Uni et les partisans du Brexit qui affrontent des adversaires d’une extrême mollesse. En Pologne, en Hongrie, les nationalistes dominent par l’arrogance et la détermination ;

J’ai enfin abouti au Pays Basque français. Je constate la même règle. Dans un territoire où dominent des républicains qui refusent le nationalisme basque, les plus déterminés sont les séparatistes, ils se battent sans répit pour la langue, pour le blanchissage d’ETA, pour l’amnistie des criminels. Avec l’aide de leurs alliés espagnols, ils manifestent, ils pétitionnent, ils conférencent de presse. Ils entraînent avec eux ceux qui pensent les calmer en ne leur refusant pas leurs sucettes. La majorité se tait, parce que prendre position est trop difficile. Les modérés ne sont pas aussi déterminés que les séparatistes.

Ce que j’ai appris dans ces diverses expériences, c’est que les plus déterminés comptent sur le silence ou la résignation. Ils sont complètement désarçonnés quand ils se heurtent à plus déterminés qu’eux. De quel droit serait-il aussi déterminés que nous alors que notre cause est juste ?

C’est ainsi qu’en France et en Espagne, le populisme se heurte à des adversaires d’une grande détermination qui réussissent à les contenir. Au Pays Basque espagnol, le débat fait rage et les populistes basques sont à la peine. Au Pays Basque français, les séparatistes commencent à se heurter à d’autres déterminations. Ils sont étonnés, il faut les comprendre, ils n’ont pas l’habitude.

N’hésitez pas, prenez la parole, écrivez, participez, donnez votre avis. Vous n’êtes jamais seuls. Vous pourrez avoir parfois l’impression d’être seuls, mais vous verrez que la détermination est entraînante.

nouvelle lessive


Vendredi 7 juin, la Grande Teinturerie de Bake Bidea lèvera son rideau pour une nouvelle lessive de la terreur d’ETA. Elle racontera que le processus de paix au Pays Basque a été engagé unilatéralement. Il y avait un » conflit », entre l’Espagne, la France et l’ETA. L’ETA a décidé de cesser le feu, unilatéralement. En 2011. Puis a décidé unilatéralement de rendre les armes à « la société civile ». Puis de se dissoudre unilatéralement. Grâce à ces mesures unilatérales, nos élus et  leur famille peuvent se promener sans garde du corps dans les rues de Biarritz.



Tel est le récit que Bake Bidea et les Artisans de la Paix déroulent sous nos espadrilles depuis plus de deux ans. Ils appellent ce récit « processus de paix ». Vous ne le saviez pas, mais avant 2017, notre Pays Basque français était à feu et à sang, et la paix est revenue. Au mois de juin, dans les rues de la ville de Biarritz, une manifestation intitulée « Les années folles » nous fait revivre les années 1920, avec costumes et voitures d’époque. Sur le même modèle, Bake Bidea et les Artisans de la Paix nous font revivre les années de plomb en un défilé bariolé.



Au Pays Basque espagnol, les citoyens et la société civile racontent une autre histoire. Ils racontent qu’il n’y a pas eu de « conflit », mais l’emploi de la terreur contre une société démocratique. Ils racontent que contre cette terreur, la société civile s’est mobilisée, a manifesté. Ils racontent que deux états démocratiques, la France et l’Espagne, ont coopéré pour mettre les terroristes hors d’état de nuire. Ils racontent que la démocratie l’a emporté contre la terreur. C’est aussi le récit de notre président, Emmanuel Macron, quand il rencontre Pedro Sanchez.



Au Pays Basque espagnol, les citoyens et la société civile racontent que Bake Bidea et les Artisans de la Paix sont utilisés comme entreprise de blanchiment des crimes de l’ETA. Quand Bake Bidea et les Artisans de la Paix protestent contre l’arrestation de Josu Ternera, la société civile, les intellectuels, les élus, rappellent l’attentat de Saragosse, les six enfants massacrés. Ils racontent que partout dans le monde, les atteintes à la démocratie passent par le blanchiment des crimes.



Vincent Bru, député Modem, Michel Veunac, maire de Biarritz, Max Brisson, sénateur LR, sont complices de cette opération de blanchiment. Ils ne peuvent se soumettre ainsi au récit blanchisseur que par un silence résigné des citoyens de la société basque française. Que ceux qui ne sont pas d’accord le chuchotent, le disent, l’écrivent, le crient, le hurlent.



Ils ne sont pas assez nombreux, ceux qui saluent la démocratie du Pays Basque espagnol qui a vaincu ETA. Ils ne sont pas assez nombreux ceux qui s’inclinent devant les victimes d’ETA. Ils ne sont assez nombreux mais ils sauvent l’honneur du Pays Basque français.

dimanche 2 juin 2019

retourne à Paris


Au coin des Halles, je rencontre Jean Esterlé  en uniforme de gendarme. Pour un blanchisseur des crimes d’ETA, je trouve que c’est gonflé. Courageux. Je lui dis « tu te rends compte que tu te transformes en cible d’ETA ». Tu sais, les etarras. Ils tuaient les gendarmes, les garde-civils, même leurs enfants.



Moi, je lui donnais un conseil de prudence. Pour un patriote, revêtir l’uniforme d’un gendarme de la République française, n’était-ce pas une trahison ?

Tout ce qu’il m’a répondu, Jean Esterlé, c’est « connard ! retourne à Paris ! ».

Après Peio Claverie (je ne serre pas la main à un étranger), Xavier Larramendy, « où sont nés tes parents ?) voici un autre patriote qui me refuse le droit d’être basque.

S’il vous plaît, ne donnez jamais le pouvoir à ces gens-là.

où ils sont nés tes parents


C’est con un môme de neuf ans, c’est émotif. Il porte une étoile dans le Paris de 1942. Sa mère parle français avec un accent épouvantable et la question qui le fait trembler, la question qu’il redoute parmi toutes, c’est « où ils sont nés tes parents » ?

77 ans plus tard, dans une réunion d’en marche où il critique le suivisme des élus avec les blanchisseurs d’ETA, Xavier Larramendy, chargé par le référent 64 de défendre l’indéfendable, à ce môme de 86 ans, lui pose la question « où ils sont nés tes parents ? ».

Ce môme de 86 ans défend l’idée de l’Europe avec ardeur. Pour lui, l’Europe est un espace où on ne lui posera plus jamais cette question.

Et le même Xavier Larramendy parade dans la boucle « Europe » de La République en Marche, pas un mot de regret. Pas une seconde où il pourrait penser que, ce jour-là, en posant cette question, il a fait une connerie. Qu’il aurait dû s’excuser.  

Ceux de mes lecteurs qui pensent que ces réflexions n’ont rien à voir avec l’Europe n’ont rien compris à l’Europe.