La légalisation, un tabou qui saute ?
Les morales religieuses ont construit des sociétés où les plaisirs liés au sexe et aux drogues étaient réprouvés. Là où elles en avaient le pouvoir, ces interdits sont devenus politiques publiques. Le plaisir était réservé à certains quartiers et étouffé dans les unions visant à la reproduction. Les ligues protestantes et musulmanes ont réussi dans certains pays à interdire la vente et la consommation de l’alcool. Là où l’église catholique en avait le pouvoir, elle a interdit les produits contraceptifs et les préservatifs, créant ainsi des réseaux de commerce clandestins et transformant les usagers en criminels. Partout, les conséquences de ces politiques ont été les mêmes : les vendeurs des produits interdits sont devenus des délinquants, les consommateurs pourchassés et emprisonnés. Ces interdits ont créé une situation où la répression et la sécurité l’emportaient sur les choix individuels et les politiques de santé publique.
Aujourd’hui, personne dans les sociétés occidentales ne défendrait l’interdiction du tabac, de l’alcool ou des contraceptifs. Pourtant, de manière illogique, les états, les opinions, les électeurs, refusent la légalisation des drogues encore illégales. Parmi ceux qui militent pour la fin de la prohibition, le journal The Economist qui posait déjà la question en 1989, il y a vingt ans. Dans le climat de peur que provoque la montée des drogues, ses arguments méritent d’être écoutés[1].
En 1998, l’ONU se fixait l’objectif d’un monde sans drogues. Dix ans plus tard, la production et la consommation ont augmenté. La répression est coûteuse et inefficace, selon les meilleurs professionnels de cette lutte. Vingt millions d’étatsuniens consomment de la cocaïne, 4,5 millions d’Européens. Cette guerre est donc perdue. La prohibition multiplie le prix des produits, donc les bénéfices et encourage le banditisme. Elle transforme des consommateurs respectueux des lois en criminels. La légalisation permettrait de traiter la consommation de drogues comme un problème de santé publique. Les états taxeraient et règlementeraient le commerce des stupéfiants et utiliseraient les recettes fiscales tirées de la vente de ces produits. Le danger est l’augmentation de la consommation. Mais c’est déjà le cas. La légalisation permettrait de rendre prioritaires la prévention et le traitement de la toxicomanie, comme on le pratique, avec de réels succès, avec les drogues addictives et dangereuses que sont le tabac et l’alcool. Ces actions sont beaucoup moins coûteuses que la répression et le soins des dégâts provoqués par la consommation clandestine.
C’est l’Economist qui parle, un hebdomadaire dont la lecture n’est pas l’un de mes addictions.
Maurice Goldring.
[1] L’article de The Economist fait partie d’un dossier du Courrier International sous le titre « Drogues, Et si on renonçait à la prohibition ?
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