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En voyage, le monde n'arrive plus. Il devait arriver davantage,
il arrive moins. Le matin du train, la voiture s'arrête devant le marchand de
journaux de la gare et le voyageur qui lit ses deux quotidiens, libé et le monde, les plie d’une main moins imopatiente. Les deux journaux
servent d'abord à passer les cinq heures de train, pas à préparer l'esprit aux
grandes questions de notre temps. À confronter les événements aux
convictions pour structurer les prochaines discussions privées ou publiques.
Les deux quotidiens s'en rendent compte certainement car les bandes dessinées,
les quizzs, les légendes, les romans policiers envahissent les colonnes. Confirmant
ainsi la vacuité des vacances. Elles dissipent tout ce qui compte. Les vacances
n'ajoutent pas, elles retranchent, elles rendent sourds et aveugles. Pourtant,
tout est là, la télé dans la chambre possède les chaînes nationales, avec les
journaux télévisés, plus les chaines d'info en continu. Ce n'est pas comme la
presse écrite, défavorisée de ce point de vue, car de nombreux kiosques sont
fermés et parfois ceux qui sont fermés en juillet et août ne rouvrent pas en
septembre car les vacances ça sert aussi à s'habituer aux disparitions. Un jour
on n'achète plus, puis le lendemain on achète, ensuite deux jours sans acheter,
puis on achète, puis trois jours sans acheter, la baguette si on l'achète, mais
le journal on oublie. On s'arrête à la terrasse du café habituel et on lit la
baguette, qu'on n'a pas oubliée, l'été ne ferme pas les boulangeries, surtout
dans les villes de vacances, mais l'été ferme les kiosques dans les grandes
villes. L’été ferme les librairies, les écoles, les kf philo, les théâtres.
Les infos télévisées se limitent aux événements dont on parle quand les journées sont longues. La météo grignote le temps, elle gomme la crise grecque, les victimes des attentats, les guerres civiles. Les débats politiques disparaissent, chassés par les embouteillages, un bel embouteillage vaut mille réfugiés syriens, les incendies d'été, la sécheresse qui efface les rivières et jaunit le gazon. le visionneur ne sait plus si les embouteillages sont dues aux grands mouvements de vacances ou bien aux manifestations paysannes, l'essentiel sont les embouteillages, pour chaque embouteillage, on interviewe les passagers d'une voiture arrêtée et on demande ce que ça leur fait d'être embouteillé, est-ce que c'est pire que les transhumances d'antan, ils répondent avec un grand sourire qu'ils ont pris leurs précautions, des bouteilles d'eau et de bientôt, ils arriveront sur leur lieu de vacances où les embouteillages des plages remplaceront les embouteillages des autoroutes. Les incendies de forêt font de belles images, jaunes, rouges, rousses parfois les maisons brûlent et les appareils ménagers crament, la laque des frigos brunit et se cloquent. Un frigo brûlé vaut dix mille yéménites.
En mathématiques, moins multiplié par moins égale plus. Les vacances, c'est rien. Donc prendre des vacances pendant les vacances, c'est multiplié moins par moins, ça devrait faire plus. Or ça ne fait rien. Comme si on multipliait zéro par zéro.
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