Sur le vote populaire
Parmi les formes de résistance à une
communauté européenne sont régulièrement sous-estimées les questions de
société, c'est à dire les droits individuels et collectifs notamment dans le
domaine des relations entre hommes et femmes.
En République d’Irlande, chaque referendum sur l’adhésion à l’Union européenne,
réveillait les passions politiques qui portaient moins sur l’économie que sur
le contrôle de la sexualité. L’église catholique irlandaise dénonçait une
Europe permissive, qui autorisait le divorce, l’avortement, le mariage
homosexuel, l’euthanasie. Le refus de toutes ces réformes nourrissait
l’opposition à l’Europe, la revendication de toutes ces réformes alimentait la
demande d‘intégration à l’Europe. En Pologne, en Hongrie, en Irlande, en
Turquie, les différentes formes de supériorité masculine et le contrôle de la
sexualité féminine restent encore des facteurs de résistance à l’Europe au
moins aussi importants que les questions économiques. Les mesures pour l’égalité
des sexes suppriment ou affaiblissent
les privilèges masculins et cet aspect
des choses joue un rôle dans la méfiance l’égard d’une Europe qui permet à tous
d’aimer, d’épouser, de porter un enfant
ou d’avorter, de se soigner ou de mourir librement. Car toutes ces libertés
sont d’abord des libertés pour les femmes.
Pour les pays soumis à une forte
pression cléricale, l’Europe a été une force de réforme et de libération,
notamment des femmes. L’Europe ne s’occupe pas de détails, elle traite de questions
centrales et bouscule les traditions qui sont toujours des rapports de force.
C’est
sous cet angle que l’on peut au moins en partie appréhender le vote des couches
populaires. Quand tout allait mal (exil ou chômage), les hommes pouvaient
conserver dans le privé la supériorité qu’ils perdaient dans le public. Aujourd’hui,
ces refuges se disloquent et les hommes subissent les crises davantage que les femmes.
Ce sont les métiers virils qui disparaissent : métallurgie, chantiers
navals, mines. Les bouleversements, crise ou migrations, ferment l’avenir des
métiers traditionnellement masculins et multiplient les tâches dites féminines.
Une femme qui ne travaillait pas était mère au foyer. Un homme qui ne travaille
pas n’est pas père au foyer, il est chômeur. Dans sa famille, son épouse, ses sœurs,
ses filles, trouvent des emplois, elles sont aides de vie, infirmières, enseignantes…Il
est prêt à entendre ceux lui assurent qu’il est supérieur parce qu’il est un homme,
supérieur parce qu’il est né au bon endroit.
Ajoutons
que la construction européenne a davantage profité aux couches moyennes et
intellectuelles. Les étudiants qui voyagent grâce aux systèmes Erasmus ou Voltaire
font partie des réussites de l’Union. Les
voyages des cadres améliorent les CV et renforcent la qualité des formations. Un plombier qui voyage est une menace.
Les populismes de gauche et de droite flattent
les inquiétudes, les nostalgies, les regrets. On peut rêver d’un discours
politique qui bouscule les traditions. On peut rêver d’un discours politique
qui entende les inquiétudes mais ne s’incline pas devant les régressions comme
si elles étaient une catastrophe naturelle.
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