Si
l’image d’un DRH d’Air France torse nu, chemise déchirée, a fait le tour du
monde, et d’abord de la France, c’est d’abord
parce que de telles scènes sont d’une extrême rareté. « Normalement »,
les salariés manifestent, font grève, les négociations s’engagent, un compromis
émerge, jusqu’au prochain conflit.
Avant
l’émergence des syndicats, les négociations n’existaient pas, seuls les
rapports de force réglaient les conflits d’intérêt. Bris de machine, tabassage
d’un contremaître… Il suffisait que trois ouvriers discutent ensemble du
salaire qu’ils recevaient pour que cette réunion illégale les envoie au bagne. Dans
les campagnes, quand le prix de la terre devenait insupportable, des groupes de
paysans le visage noirci de suie incendiaient les récoltes, mutilaient le
bétail, tabassait le gérant. L’historien Eric Hobsbawm appelait ces révoltes « négociations
collectives par l’émeute ».
Avec
les syndicats et l’organisation, les rapports de force se décalèrent et les
négociations devinrent possibles. Tant et si bien que les scènes de violence d’antan
devinrent pièces d’un musée social. Quand des groupes voulurent ressusciter les
violences, ils furent violemment rejetés. Les actions contre les cadres chez
Renault, le meurtre d’un patron par Action directe ou les Brigades rouges, le
kidnapping d’un patron au Pays basque par l’ETA pour « aider » des
ouvriers en grève, furent condamnés sans aucune équivoque par les salariés et
leurs organisations.
Ne
tirons donc aucune conclusion hâtive d’une image qui flambe. Elle ne représente
pas un danger, elle prouve la rareté de la scène.
Pourtant,
les réactions à cette image donnent des informations sur la scène politique contemporaine.
Un patron torse nu qui escalade un grillage c’est quand même plus drôle que des
salles de discussion. Le spectacle incongru nourrit la nostalgie du bon vieux
temps des affrontements à somme nulle.
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