Chaque fois
que j’introduis la question de l’identité dans la bataille de l’EPCI, je
provoque des réactions négatives. Je souhaite m’expliquer. Pour moi cette bataille
de l’EPCI n’est ni mineure, ni locale. Elle fait partie des combats qui se
mènent partout contre les replis identitaires.
Dans le Pays basque, des abertzale
(patriotes) demandent que les sept provinces du territoire soient réunies en un
seul pays, indépendant si possible, autonome en attendant. Comme en Ecosse,
comme en Catalogne, comme au Québec. La particularité du Pays basque est que
pendant deux générations, des patriotes plus intransigeants que les autres, des
etarras, voulurent imposer cet
objectif par la violence armée. Comme en Corse, comme en Irlande. Défaits,
fatigués, ils renoncèrent aux armes et poursuivirent leur objectif par d’autres
moyens, légaux. Ce renoncement leur permit d’accéder au pouvoir en Irlande du
Nord et en Corse, deux régions où les partis traditionnels (gauche, droite, gauche
travailliste ou socialiste, droites conservatrices) furent éliminés et
marginalisés.
Après avoir renoncé au raccourci de la terreur, les abertzale veulent contourner l’obstacle
de leur isolement en se portant au premier rang d’un projet incongru, l’EPCI, une
structure administrative correspondant aux frontières historiques. Cette
demande a été initiée par les élus socialistes qui ont obtenu du ministère de
l’intérieur un projet regroupant toutes les communes du territoire (EPCI). Les
adversaires de ce projet pointent l’impréparation, le chaos administratif et
fiscal qui se dessine. Ils ne veulent pas prendre le risque d’un
affaiblissement durable de tous les projets de développement sur lesquels ils
ont été élus.
On me dit qu’il ne faut pas introduire dans cette bataille la
question identitaire parce que partisans de l’EPCI et adversaires ont en commun
l’amour du Pays basque. Dans ce combat, chacun s’avance masqué : les abertzale voient dans l’EPCI une marche
vers la reconnaissance politique du territoire. Les élus socialistes et
républicains rusent avec les abertzale
en reprenant leurs objectifs. Les adversaires du nationalisme basque mènent le
combat au nom de la raison gestionnaire.
Je souhaite qu’on
n’esquive pas ce qui est pour moi la question principale : je ne connais
pas d’exemple où la confusion entre ethnicité et gouvernance n’a pas conduit à
de graves et durables meurtrissures. J’aime le Pays basque, mais je l’aime sans
frontières. Si l’on donne le pouvoir aux constructeurs de frontières, ils
introduiront dans tous les domaines, économie, culture, éducation, sports, des
clivages épuisants, des discriminations purificatrices. Ce Pays basque qui est
si fort de son ouverture risque à terme de devenir une réserve linguistique, un
grand parc national pour touristes. La langue basque, actuellement portée par
un militantisme bénévole, s’étiolera. On n’aura plus besoin de l’apprendre
puisqu’elle deviendrait langue co-officielle. Dans les cafés, les anciens
combattants clandestins devenus guides de ce musée, raconteront leurs exploits
aux enfants.
La culture et
la langue basques sont actuellement protégées et portées par leur confrontation
permanente avec l’altérité. Dans la ville de Biarritz, les élus abertzale ont été responsables de la
culture : ils ont développé la culture basque, la langue a été soutenue,
les ikastolas se créent et en même
temps, les événements internationaux ont eu droit de cité. Mon hypothèse est
que les abertzale radicaux voient ces
succès comme un crève-cœur. Comment la langue et la culture basque
peuvent-elles se développer sans la nation rêvée?
Nous devons
combattre ces délires identitaires de toutes les manières. En montrant que le
fonctionnement d’un tel monstre sera impossible. En rappelant notre inflexible
opposition à l’ethnicisation de la politique. Une dénonciation uniquement comptable
ne pourra pas freiner la déraison nationaliste.
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