J’ai toujours
milité pour le bonheur de l’humanité. J’ai manifesté, distribué des tracts,
vendu des journaux révolutionnaires, cotisé, voté, discuté. Aujourd’hui,
toujours attaché au progrès humain, je poursuis l’engagement d’une vie en
appuyant sur les pédales.
J’étais
cycliste révolutionnaire, je suis devenu cycliste réformiste. Quand je militais
pour la prise du Palais d’Hiver, le vélo était un instrument de lutte pour me
transporter d’une réunion à une autre. Aujourd’hui, il est témoin d’un engagement
poursuivi. Il brandit mon vote à gauche. Chaque mètre parcouru me rapproche
d’une société plus juste, plus solidaire, plus créatrice, plus apte aux
compromis et au dialogue, plus constructrice de logements sociaux et de pistes
cyclables. Chaque coup de pédale condamne les égoïsmes craintifs, les
exclusions, le chauvinisme, les boucliers fiscaux pour ceux qui éclatent en sanglots
dans le cabinet du notaire quand ils apprennent la somme à payer pour
transmettre leur patrimoine à leurs enfants.
La droite
déteste les pistes cyclables. Elle en construit parfois, obligée. Comme de
Gaulle et Churchill ont mis en place l’État providence. Obligés. Mais quand la
sécurité sociale protège et les pistes cyclables purifient, la droite condamne
les profiteurs et se moque d’un urbanisme durable. J’éprouve jusqu’à la selle,
jusqu’au guidon, les tensions qui s’installent quand la droite est au pouvoir. Quand
ses idées dominent, l’arrogance des puissants n’a plus de limites. C’est la loi
de la jungle, la loi du plus fort. Un piéton est moins fort qu’une moto, un
cycliste moins fort qu’une voiture, un 4X4 plus puissant qu’une deux chevaux.
Les voitures bousculent, me coupent la route, ne respectent plus les priorités
et quand je proteste, le chauffeur me crie « on a gagné ». Ou
bien : « travaille davantage, tu pourras t’acheter une Land
Rover ».
Dans les
grands moyens d’information se généralisent les justifications du droit des
puissants. J’entends partout « les cyclistes doivent faire attention aux
voitures ». C’est le monde à l’envers. Dans une société apaisée, il me
semble que ce sont les voitures qui doivent faire attention aux cyclistes. Les
parents font attention aux enfants parce qu’ils sont les plus faibles. Les
lanceurs de poids font attention aux crânes parce que les boules sont plus
résistantes que les têtes. Mais maintenant, les victimes sont responsables.
Elles ne travaillent pas assez. Les cyclistes doivent faire attention comme les
femmes doivent faire attention à leur toilette pour ne pas risquer le
harcèlement ou le viol. Quand la droite domine, nous revenons aux temps anciens
où l’homme était un loup pour l’homme.
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