Le Pen a
raison
En Hongrie, en
Pologne, l’anéantissement des Juifs avait ouvert la voie à l’ascension d’autres couches sociales. Car ils occupaient souvent des places dans la petite et
moyenne bourgeoisie. (Keith Lowe, L’Europe
barbare, Perrin, 2012).
L’idée
brillante du Front national est d’avoir compris que si des gens sont
malheureux, ou chômeurs, ou mal-logés, c’est la faute aux étrangers. Le mot
étranger est un terme vaste et permet tous les amalgames. Ainsi, en Pologne, en
Allemagne, les Juifs, qui vivaient depuis des siècles dans le pays, sont
devenus des étrangers comme les catholiques en Grande-Bretagne quand le Royaume-Uni
a rompu avec l’Eglise catholique romaine.
L’expression, « c’est la faute aux étrangers » est justifiée si celui qui la prononce est en capacité de
définir ce que signifie exactement le mot « étrangers ». Si un
pouvoir extérieur lui impose cette définition, alors la phrase perd son sens. Si
de l’extérieur, quelqu’un lui dit que la plupart des « étrangers »
dont parle le Front national ne sont pas plus étrangers que les paysans bretons
du début de vingtième siècle, évidemment, la phrase devient difficile pour les descendants
bretons du vingt et unième siècle[.
Mais en Allemagne ou en Pologne, si l’État dit que les Juifs ne sont pas
polonais ni allemands, alors la phrase « c’est la faute aux étrangers »
prend tout son sens.
Et elle est même
tout à fait juste. Ainsi que le rappelle l’historien Keith Lowe, l’anéantissement
des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale a permis à des milliers de
Hongrois, de Polonais et d’Allemands d’accéder aux professions, aux entreprises
et aux appartements qu’ils occupaient. L’anéantissement des Juifs avocats, banquiers,
enseignants, médecins, marchands d’art, boutiquiers, tailleurs, producteurs de
cinéma, a permis aux avocats, banquiers, enseignants, médecins, marchands d’art,
boutiquiers, tailleurs, producteurs de cinéma de prendre leur place, ce qui
prouve bien que s’ils n’accédaient pas à ces places, c’était bien la faute aux
Juifs.
Ma conclusion
est simple. Ce n’est pas parce qu’il a tort que le Front national doit être
combattu. C’est parce qu’il a raison. Dans une pièce surchauffée et saturée, ce
sont toujours les autres qui nous empêchent de respirer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire