Drôle
de campagne. Drôle de politique. En France, dans le monde. Une nouvelle
internationale de la terreur qui veut diviser le monde en communautés
religieuses ou culturelles homogènes. Que chacun puisse terroriser les siens à
l’intérieur de frontières protégées. Que chacun ne se sente en sécurité qu’à
l’intérieur de murailles barbelées, qu’on ne sente en sécurité qu’avec les
siens. Guerre de religion, guerre de civilisation. Ce qui était une conquête
démocratique et culturelle, le droit de se déplacer, de quitter la famille et
le territoire, devient un danger et
quand personne ne sent en sécurité, le mouvement qui conduit à un repli
identitaire l’emporte car chacun est persuadé que les différences sont
dangereuses.
L’insécurité
conduit au nettoyage ethnique. Ceux qui sont étrangers sont terrorisés jusqu’à
ce qu’ils partent. Ceux qui sont minoritaires partent parce qu’ils sont
terrorisés. Les majoritaires les chassent par la menace ou la terreur. Irlande
du Nord, ou le Kosovo. Les chites avec les chites, les sunnites avec les
sunnites, les juifs avec les juifs, les chrétiens avec les chrétiens, les
orthodoxes avec les orthodoxes. Les riches avec les riches, les pauvres avec
les pauvres.
Jamais
les mouvements de population n’ont été aussi généralisés, jamais les grandes
afflictions de notre temps ne nécessitent autant de réactions mondiales et
solidaires et jamais les craintes de ces changements n’ont été aussi fortes.
Les
mouvements de retrait crispé se développent dans les pays européens. Ils
veulent détricoter l’Europe, fermer les frontières à tout ce qui étranger,
purifier les populations. Les spéculations et les criminalités financières se
jouent des frontières, le réchauffement de la planète passe les douanes, tous
ces défis nécessitent des solidarités à l’échelle planétaire et les
nationalismes carrés installent des péages. Chéri, mets ton écharpe, tu risques
d’attraper un cancer.
Dans
certains pays, les territorialistes, les purificateurs, arrivent au pouvoir.
Malheur d’abord à ceux qui sont à l’intérieur. Dans nos pays d’Europe
occidentale, les partis territorialistes représentent désormais un danger réel.
Ils sont d’autant plus dangereux que les partis universalistes et républicains
croient pouvoir leur résister en reprenant leurs peurs.
Ainsi,
j’assiste à une réunion de campagne pour les élections départementales. Une
réunion de la gauche. Disons du PS. Les thèmes de campagne tels qu’ils sont
développés par les responsables départementaux sont fondés d’abord sur la
défense et la protection du territoire. Ces territoires, nous dit-on, ont une
forte identité et il faut protéger cette identité. J’écoute, il faut bien que
je croie mes oreilles. Ces « territoires » me dit-on, doivent être
protégés, leur identité doit être protégée. Ces territoires doivent leur
développement économique à des flux saisonniers de population, ils sont
largement ouverts au monde et à des migrants qui ne partagent certainement pas
des préoccupations identitaires. Leur économie, leur avenir, dépend de leur
ouverture au monde. Mais il faut protéger leur identité. Moi qui vient
d’arriver, qui suis un migrant, est-ce que je fais partie de la population qui
doit être protégée ? Protection, identité, les mots se répètent, défilent.
Ils traduisent une panique devant la montée des mouvements identitaires dont on
croit se protéger en reprenant les inquiétudes.
Pas
un mot sur ce qui est urgent : solidarité entre les territoires, entre les
pays, mutualisation des moyens, demander plus à ceux qui ont plus. Une
pédagogie qu’on estime non payante dans une campagne électorale mais qui permet
pourtant l’essentiel : éviter le pire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire