mercredi 18 février 2015

protéger les territoires

Drôle de campagne. Drôle de politique. En France, dans le monde. Une nouvelle internationale de la terreur qui veut diviser le monde en communautés religieuses ou culturelles homogènes. Que chacun puisse terroriser les siens à l’intérieur de frontières protégées. Que chacun ne se sente en sécurité qu’à l’intérieur de murailles barbelées, qu’on ne sente en sécurité qu’avec les siens. Guerre de religion, guerre de civilisation. Ce qui était une conquête démocratique et culturelle, le droit de se déplacer, de quitter la famille et le territoire,  devient un danger et quand personne ne sent en sécurité, le mouvement qui conduit à un repli identitaire l’emporte car chacun est persuadé que les différences sont dangereuses.

L’insécurité conduit au nettoyage ethnique. Ceux qui sont étrangers sont terrorisés jusqu’à ce qu’ils partent. Ceux qui sont minoritaires partent parce qu’ils sont terrorisés. Les majoritaires les chassent par la menace ou la terreur. Irlande du Nord, ou le Kosovo. Les chites avec les chites, les sunnites avec les sunnites, les juifs avec les juifs, les chrétiens avec les chrétiens, les orthodoxes avec les orthodoxes. Les riches avec les riches, les pauvres avec les pauvres.

Jamais les mouvements de population n’ont été aussi généralisés, jamais les grandes afflictions de notre temps ne nécessitent autant de réactions mondiales et solidaires et jamais les craintes de ces changements n’ont été aussi fortes.

Les mouvements de retrait crispé se développent dans les pays européens. Ils veulent détricoter l’Europe, fermer les frontières à tout ce qui étranger, purifier les populations. Les spéculations et les criminalités financières se jouent des frontières, le réchauffement de la planète passe les douanes, tous ces défis nécessitent des solidarités à l’échelle planétaire et les nationalismes carrés installent des péages. Chéri, mets ton écharpe, tu risques d’attraper un cancer.

Dans certains pays, les territorialistes, les purificateurs, arrivent au pouvoir. Malheur d’abord à ceux qui sont à l’intérieur. Dans nos pays d’Europe occidentale, les partis territorialistes représentent désormais un danger réel. Ils sont d’autant plus dangereux que les partis universalistes et républicains croient pouvoir leur résister en reprenant leurs peurs.

Ainsi, j’assiste à une réunion de campagne pour les élections départementales. Une réunion de la gauche. Disons du PS. Les thèmes de campagne tels qu’ils sont développés par les responsables départementaux sont fondés d’abord sur la défense et la protection du territoire. Ces territoires, nous dit-on, ont une forte identité et il faut protéger cette identité. J’écoute, il faut bien que je croie mes oreilles. Ces « territoires » me dit-on, doivent être protégés, leur identité doit être protégée. Ces territoires doivent leur développement économique à des flux saisonniers de population, ils sont largement ouverts au monde et à des migrants qui ne partagent certainement pas des préoccupations identitaires. Leur économie, leur avenir, dépend de leur ouverture au monde. Mais il faut protéger leur identité. Moi qui vient d’arriver, qui suis un migrant, est-ce que je fais partie de la population qui doit être protégée ? Protection, identité, les mots se répètent, défilent. Ils traduisent une panique devant la montée des mouvements identitaires dont on croit se protéger en reprenant les inquiétudes.

Pas un mot sur ce qui est urgent : solidarité entre les territoires, entre les pays, mutualisation des moyens, demander plus à ceux qui ont plus. Une pédagogie qu’on estime non payante dans une campagne électorale mais qui permet pourtant l’essentiel : éviter le pire.




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