L’EPCI Pays basque donnerait une reconnaissance administrative et politique
au Pays basque. Le Pays basque était un pays sans frontière. Désormais, il sera
reconnu, il existera. Pour Batera : l’EPCI est une « première étape
de la reconnaissance du Pays basque. Pour Sylviane Alaux : le Pays basque
a des « frontières sacrées ».
Ces frontières sont déjà dans les têtes. Voir le débat au conseil
municipal. Tous (sauf Guy Lafite) se sont crus obligés de donner des preuves de
leur appartenance, de leur attachement au Pays basque. Et leur souhait d’une
traduction politique de cette passion.
Il faut affronter cette question.
Faire coïncider gouvernement et identité
est toujours au moins un
risque, au pire une catastrophe. Elle remplace une identité citoyenne par une
définition identitaire. J’observe le débat : d’un côté les envolées, les
sanglots dans la voix de ceux qui déclarent leur flamme et veulent épouser le
Pays basque et en face, des gens qui sont contraints d’être aussi amoureux,
mais critiquent le contrat de mariage. Avec des sanglots dans la voix et avec
la même passion, avec toute l’expérience d’un homme qui a traversé des conflits
ethniques, des meurtres sous drapeau, des massacres identitaires, je le dis et
je le répète : céder le pouvoir politique, même limité, à des aspirations
nationalitaires transforme la vie politique en profondeur. L’intérêt général
devient clientélisme et les partis politiques deviennent des clans. Croyons-nous
être à l’abri des dérives corses ?
mon intervention à la réunion d'Esprit Biarritz du lundi 23 novembre 2015.
Faire coïncider administration et ethnicité crée deux catégories de
citoyens. Avant même d’être mis en place, l’EPCI les a créés : pour, les
vrais. Les contre : pas de vrais Basques. Les modalités de vote révèlent
ce clivage. A Belfast, les catholiques n’étaient pas considérés comme de vrais
citoyens britanniques. Ils avaient moitié moins de voix aux élections.
Faire coïncider administration et ethnicité crispe la politique. Je demande
de lire et d’entendre le vocabulaire guerrier qui hérite des combats passés.
Des termes révolus refont surface : Pays basque nord, Ipparalde. Les
opposants à l’EPCI « prennent le
Pays basque en otage ». Le Pays basque « n’acceptera pas qu’on refuse cette avancée ». Les habitants « ont toujours sanctionné ceux qui
allient à l’encontre du Pays basque ». Les maires qui’ s’opposent
« tournent le dos au territoire ».
Ils devront rendre des comptes ». Si
vous pensez que ces formules viennent d’Abertzale radicaux, vous vous
trompez : vous les trouvez dans les discours d’élus tout à fait modérés.
Avec Xabi Larallde dans enbata (19
nov 2015) on saute un pas : Si l’EPCI ne marche pas, nos enfants nous
diront que nous avons été stupides de déposer les armes.
Demain, dans une intercommunalité unique qui donnera vie à un Pays basque
politique, j’imagine les discussions sur les répartitions budgétaires entre le
festival du film basque et le festival latino. Actuellement, dans les
manifestations pour l’amnistie des prisonniers, les élus participent en ordre
dispersé, personne ne représente le Pays basque tout entier. Demain, le
président de l’EPCI, s’il participe, me représentera aussi.
S’opposer à l’EPCI, c’est être contre la culture basque ? Ou contre
les Basques ? Ceux qui posent ainsi la question confirment mes
inquiétudes : ils brassent identité et politique. Actuellement, les
contrats de formation en basque existent, ainsi que les ikastola, les crèches
existent, toujours le résultat d’une activité militante et de choix
individuels. Officialiser la langue, ce sera prendre le risque de transformer
des villages de l’intérieur en colonies linguistiques pour les candidats aux
concours administratifs et aux différents emplois. Des élus éloquents
consacrent beaucoup de temps et d’énergie à prouver leur amour la langue basque
dans des contrats officiels, et du coup, ils n’ont plus le temps d’apprendre la
langue qu’ils aiment tant. La chance de la culture basque est de vivre dans une
société plurielle, de s’affronter et de se mélanger en permanence avec d’autres
cultures. La richesse de la langue et de la culture basques aujourd’hui, c’est
son caractère militant, volontaire, inventif.
Qu’est-ce qu’un Basque ? C’est une personne qui pose la question et ne
connaît jamais la réponse tant elle est multiple. Je n’ai aucune racine basque.
Peu à peu, je m’intègre. Le rugby m’indifférait, je discute sur la fusion des
équipes. Je m’intéresse aux ikastolas. Je mène le combat contre l’EPCI. Je me
sens à l’aise, accueilli. Je suis en train de devenir Basque à ma façon. Batera
militant pour l’EPCI dessine un autre pays dans la liste de ses soutiens :
la crèche bascophone, l’ikastola de Mauléon, une association d’aide aux
prisonniers. Pour Batera : le président idéal du prochain EPCI, sera un
ancien etarra, vingt ans de prison, bascophone, qui choisira qui est basque et
qui ne l’est pas. Je n’ai pas envie de
devenir étranger dans le pays où je vis.
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