De
mémoire d’homme, nos sociétés ont été toujours été menacées gravement par des
mouvements terroristes : l’IRA au Royaume-Uni, l’ETA en Espagne, la bande
à Baader en Allemagne, les Brigades rouges en Italie. Les FARC en Colombie, le
Sentier lumineux au Pérou. Des milliers de morts, des climats de terreur. Ces
mouvements ont parfois été vainqueurs et sont arrivés au pouvoir, comme Mao
après la Longue Marche, ou la guérilla cubaine de Fidel Castro. En Europe, ces
mouvements armés ont été vaincus. L’IRA, l’ETA, le FLNC, ont déposé les armes
sans avoir atteint leurs objectifs. En Irlande, au Pays basque, en Corse, du
combat armé il reste quelques armes rouillées, des cagoules mitées, des
prisonniers épuisés, des repentis, quelques clandestins, des chants de guerre, des
demandes de libération anticipée pour maladie grave.
A quelles conditions ont-ils été
battus ? D’abord au prix d’une bataille politique et idéologique qui leur
a rendu l’air irrespirable. Il fallut chasser la moindre bulle de
justification. Dans un pays démocratique, où les droits collectifs et
individuels existent, l’emploi de la violence pour des objectifs politiques
s’apparente à un putsch, rouge ou brun, mais toujours un putsch. Combattre
leurs soutiens était aussi importants que les opérations de police.
S’il n’y a aucune raison d’utiliser la
violence armée, ni sociale, ni politique, ni identitaire, ceux qui l’utilisent
ne sont pas des soldats ni des militants, mais des terroristes. Pourchassés,
ils furent traités comme des criminels, Jamais comme des prisonniers politiques
ni comme prisonniers de guerre. Les membres de l’ETA ou de l’IRA ne cessaient d’affirmer
qu’ils étaient en guerre. Les sociétés britanniques, espagnoles, françaises,
leur refusaient ce royal hommage. Il n’y eut pas d’armistice négocié. Les
guerriers ont déposé les armes et Gerry Adams, dirigeant républicain, a demandé
aux catholiques de téléphoner à la police s’ils étaient témoins d’une action
armée. Depuis, l’Irlande du Nord vit en paix.
Dans les cas irlandais ou basques, la
revendication nationaliste s’appuyait sur l’exclusion d’une partie des citoyens
à qui l’État refusait la citoyenneté. Des citoyens qui ne possèdent pas la
protection d’un État n’ont de cesse de s’en fabriquer une. Pour être citoyen britannique,
il fallait être protestant. Tous les signes d’une culture basque étaient considérés
comme des trahisons par l’Espagne franquiste. Aujourd’hui quand un Basque cagoulé
affirme qu’il ne dispose pas de la protection d’un État, qu’il reste un
apatride tant qu’il ne disposera pas d’une totale indépendance, il est
accueilli par un salutaire éclat de rire.
Devant les nouvelles formes de
terrorisme, le passé nous lègue-t-il quelques leçons ? Les djihadistes
basques ou irlandais avaient besoin d’un appui logistique et politique. Ils
devaient donc faire de la politique, apprendre jusqu’où ils ne devaient pas
aller pour ne pas perdre ces appuis. Les nouveaux terroristes ne recherchent
aucun appui, ni politique, ni logistique, dans les pays où ils agissent et
l’escalade de l’horreur fait au contraire partie de leur stratégie.
Il en résulte un sentiment
d’impuissance. Les démocrates combattaient inlassablement la terreur
nationaliste par des arguments, des manifestations, des livres et des chansons.
Aujourd’hui suffit-il d’appuyer les opérations de police pour combattre le
djihadisme ? Suffit-il de mettre un drapeau français à la fenêtre ?
Voici un angle de réflexion : les
terroristes basques et irlandais, par leur violence, voulaient provoquer une
vague de répression et d’exclusion, de méfiance à l’égard de l’ensemble des
Basques et des catholiques afin de « prouver » qu’ils étaient
réellement dépourvus d’État. Les djihadistes islamistes voudraient porter la
guerre civile en provoquant des réactions tribales. Ils aiment les
Saint-Barthélémy, les charniers rwandais, les purifications ethniques. Massacrons-nous
les uns les autres, éliminons tous les partisans de la mixité, nous irons
planter le drapeau noir à l’entrée des charniers.
Que pouvons-nous faire ? Pour éviter
le pire, il faut chasser de nos têtes et des discours publics ou chuchotés tout
ce qui mène à la purification ethnique, tout ce qui fait coïncider frontières
et identités. Chacun peut y contribuer.
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