La Valse des Adieux.
A
Belfast, à Bilbao, des hommes tuaient, des hommes tombaient, des immeubles
brûlaient. Des avant-gardes armées prétendaient imposer leur point de vue par
la terreur. Les appareils d’état et d’énormes manifestations pour la paix leur imposèrent
silence.
A
l’époque où la société espagnole au Pays Basque avait vraiment besoin d’artisans
de la paix, Jean-René Etchegaray, Vincent Bru, Max Brisson, Michel Veunac n’écoutaient
pas, n’entendaient pas, ne voyaient pas. En politique, un contraceptif s’appelle
boule Quies.
Ils
ont attendu sept ans, semelles de plomb et casque audio. Prudemment, ils ont
débranché, ouvert les yeux. Pas un mort, pas une bombe, c’était le moment enfin
tant désiré. On peut sortir ? Oui, c’est possible. Et là, courageusement,
ils ont manifesté contre rien. Le stade est vide et les supporters sur les gradins
applaudissent une équipe qui ne joue plus. La plaie est cicatrisée et l’on
comprime le sang. Les bombes sont enterrées et l’on racle la rouille. Des
milliers de personnes descendent dans la rue pour demander la fin de rien. Pour
réclamer la réconciliation entre les rivaux de Painful Gulch. Ils demandent la
fin d’un non conflit, un enterrement sans cadavre, un désarmement sans artilleries,
un divorce sans mariage, un armistice sans guerre, des fêtes de Bayonne sans
alcool.
L’ETA a annoncé sa dissolution après un
vote difficile, car ses membres ont dû apprendre ce qu’est un bulletin de vote et
une urne. Elle a annoncé une grande cérémonie de fermeture, d’abandon, de
terminaison, de fin de course. L’ETA annonce sa mort prochaine. Comment peut-on
mourir autant de fois ? Nos élus basques français sont en train de ranger
leur écharpe tricolore pour assister à l’enterrement.
C’est
la dernière fois, je vous le jure. C’est ma dernière tournée. Oui, je sais, il y a longtemps que je ne
chante plus, que je ne tue plus, que je n’existe plus. Mais c’est dur.
Excusez-moi si à nouveau je remonte sur les planches, permettez-moi une
dernière fois de remettre ma cagoule, de lever la hache et le serpent, de
brandir encore une fois une torche dans les ténèbres. Je sais que j’ai annoncé
plusieurs fois la fin de ma carrière. Mais chaque fois, mes amis me disent que
j’ai encore un public. Que des gens manifestent pour mes amis emprisonnés. Que
dans les endroits où je n’ai tué personne, des gens voudraient me voir à
nouveau défiler. Que les élus du Pays Basque préparent à nouveau mon
enterrement. Qu’ils voudraient faire la fête encore une fois, une dernière
fois. Alors, j’ai cédé à leur pressante demande. C’est la dernière fois, je
vous le jure.
Il
faut soigner le faire-part. Ils tiennent conférence de presse le mardi 13 mars
dans un hôtel près de l’aéroport de Biarritz. Il y aura à cette conférence de presse demain 11.30
Txetx, les blanchisseurs, Frédérique Espagnac, Jean-René Etchegaray, Michel
Veunac. Ils n’ont rien obtenu et n’obtiendront rien. Mais ce n’était pas leur
objectif.
Pour
le premier anniversaire de la Grande Escroquerie basque, la célébration de la
fin d’une guerre qui n’existait pas, ils veulent une nouvelle cérémonie. Au
mois d’avril prochain. Ils diront, sous la dictée des Corrects (c’est Vincent
Bru qui a dit des prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en
bande armée qu’ils étaient « corrects » et chaque fois que je
rencontre ce mot, « corrects », les souvenirs font bouillir mes
veines) sous la dictée des Corrects, Otegi, Mouesca, Bake Bikea et Bagoaz (qui
les appelle prisonniers politiques), ils diront que l’État français et espagnol
ne font rien, qu’ils doivent rapprocher les Corrects et les prisonniers
politiques de leur famille, amnistier, libérer. Puisque ce sont des prisonniers
politiques corrects (l’expression est de Vincent Bru, mais quand il a rencontré
des victimes au Pays Basque espagnol, il n’a pas dit que les emprisonnés
étaient corrects. Devant la famille de Yoyès, la famille de Blanco, il n’a pas
osé).
Pour
mesurer l’escroquerie, lisez Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre. Deux rescapés de la Grande Guerre vendent des
monuments aux morts, en grande demande depuis que la guerre est finie. Sur
catalogue. Ils prennent des avances et filent avec la caisse. C’est simple,
non ? Les blanchisseurs sont des escrocs du même type, sauf qu’ils ne font
pas ça pour de l’argent. Il s’agit d’une escroquerie politique. Les blanchisseurs
vendent des monuments aux morts d’une guerre qui est terminée depuis près de
dix ans. Ils les appellent des monuments de la paix. Il s’agit d’une sculpture
de bronze avec une hache.
Ils
disent que c’est pour la fin du conflit. Ils sont les Grands Guérisseurs des
Malades imaginaires. Ils sont docteur Knock et réussissent à persuader toute la
ville qu’ils sont malades. Ça vous chatouille ou ça vous gratouille ?
Donc
ils manifestent pour que la fin de la guerre terminée se termine plus vite. Ils
disent qu’ils sont préoccupés du sort des prisonniers. Menteurs.
S’ils
veulent que les prisonniers soient libérés le plus vite possible, ils doivent
leur demander de regretter leurs actions terroristes, de se repentir, de
s’engager à remplacer pour toujours les fusils par le bulletin de vote. Là ils
les aideraient à sortir. Comme ça s’est déjà produit. Pour Aurore Martin par
exemple.
Mais
je vais vous confier un secret : les prisonniers ils s’en fichent. Ce
qu’ils veulent, c’est vendre des monuments de la paix qui ne seront jamais
construits. Ce qu’ils veulent, c’est être félicités pour avoir guéri des
malades imaginaires.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire