Le Pays Basque français
est-il en Europe ?
Quand les djihadistes assassinèrent des
enfants juifs dans les écoles, des spectateurs du Bataclan, des journalistes de
Charlie Hebdo, des promeneurs à Nice, un prêtre dans une église, partout et
toujours la réaction à la fois des pouvoirs publics, des partis, de la société
toute entière fut un cri unanime : le pays tout entier est visé, atteint,
meurtri. Nous sommes tous Charlie, Bataclan, Niçois. Nous sommes tous des
victimes des tueurs islamistes.
En ce mois de septembre 2011 quand les Etats-Unis
furent la cible de Daech, nous fûmes pendant un certain temps tous américains.
Normal direz-vous ? Non. Le cri
collectif révèle notre appartenance à une communauté. A l’intérieur de cette
communauté, chaque coup porté à l’ensemble est une blessure à tous.
La réaction à la terreur est donc un
bon indicateur des solidarités. Il vous souvient sans doute, il y a maintenant
presque quarante ans, que la solidarité des Français à l’égard des victimes du
terrorisme ne franchissait pas la Manche. Quand les membres de l’IRA
réclamaient le statut de prisonniers politiques, quand Margaret Thatcher le leur
refusait avec une affirmation d’une grande simplicité : « un meurtre
est un meurtre », la sympathie quasi générale des Français se portait vers
Bobby Sands et les grévistes de la faim. D’importantes manifestations de rue criaient
« Thatcher assassin ! ». La presse française, de l’Humanité au Figaro en passant par Libération,
condamnait l’ l’intransigeante Margaret Thatcher et aucun homme politique ne
lui manifestait une quelconque solidarité. Nous n’étions pas tous les trois
mille victimes des tueurs de l’IRA. Les Britanniques ne faisaient pas partie de
notre commune humanité. Les victimes des Brigades rouges en Italie subissaient
la même inhumanité et des personnes condamnées par la justice trouvaient en France
refuge et sympathie.
Aujourd’hui se répète au Pays Basque français
la même rupture. Quand les gouvernements socialiste ou PP en Espagne mènent un
combat politique et policier contre les assassins de l’ETA, la condamnation est
quasi unanime. Les Basques français, à l’abri des coups de l’ETA, bien au chaud
dans leur aveuglement, dénoncent l’intransigeance de Zapatero ou de Rajoy. Tous
les partis, tous les élus, refusent de condamner les tueurs de l’ETA, vont leur
rendre visite dans les prisons, les trouvent tout à fait corrects, soutiennent
leur demande d’amnistie ou d’aménagement de peine. Ils étaient tous Charlie,
mais ne sont pas Yoyès ou Blanco. Les morts espagnols ne font pas partie de la
commune humanité.
Ainsi se révèle des failles dans la
communauté européenne. Dans un petit coin de France, entre Bayonne et
Saint-Jean de Luz, un mouvement qui s’intitule « artisans de la paix »
manifeste son refus d’une communauté européenne par une monstrueuse
insensibilité à l’égard des victimes de l’ETA et accorde pardon, amnistie,
voire légitimation et admiration, à l’égard de leurs assassins.
La bataille qui se mène aujourd’hui
dans le Pays Basque français contre les louanges, les sympathies, les péans et
les auresku qui entourent les prisonniers basques condamnés pour activités
terroristes en bande armée n’est pas seulement morale, pas seulement politique.
Elle est une bataille pour une construction européenne, pour bâtir une communauté où un coup porté à
l’un est une blessure pour tous.
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