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Guérard
à Eugénie-Les-Bains
Vous ne connaissez pas les Prés Eugénie dans la région de
Chalosse ? La Chalosse est un territoire gascon comme le Pays Basque est
un territoire basque. Guérard est le nom d’un cuisinier étoilé qui vient vous
dire bonjour au moment des amuse-gueules et son visage buriné et souriant vous
met en confiance pour la suite. Il porte la veste blanche d’un cuisinier
étoilé. Propriétaire d’un vaste domaine d’une dizaine d’hectares où se trouvent
des hôtels de luxe, avec des suites impériales et des chambres fastueuse que
seul Stéphane Bern saurait décrire, avec
robinetterie plaqué or, un établissement thermal, une école de cuisine, un parc
et une piscine. Qu’allions-nous faire dans un établissement haut-de-gamme alors
que généralement nos revenus, nos habitudes, notre moralité, nous cantonnent
dans les établissements de deux à trois étoiles ? Ce serait long et
fastidieux à vous expliquer. Un enchaînement d’événements futiles et
contrariants, rien de dramatique, mais intrusif, qu’il serait ennuyeux de
dérouler. Posons comme postulat qu’un jour, à une date précise, nous avons
retenu une chambre pour deux aux Prés d’Eugénie et deux places au restaurant
gastronomique renommé de Guérard. Qu’il soit bien clair que nous n’en tirons
aucune fierté. Ça peut arriver à tout le
monde de se retrouver par un enchainement imprévisible dans un lieu où
normalement, on ne l’attendrait pas.
Il fait canicule à la sortie de Biarritz et Brigitte ralentit
quand la route est ombragée. C’est le dernier jour où nous pouvons rouler à 9O
à l’heure sur certaines routes et nous nous en donnons à cœur joie. C’est là où
on rend compte de la coupure profonde qui existe entre Paris et le reste du pays. A Paris, la moitié des habitants n’a
pas de voiture et la majorité des possesseurs de véhicules à moteur se déplace
à vélo ou en transport en commun. Quant au petit pourcentage qui utilise la
voiture, ils se déplacent en moyenne à moins de trente à l’heure. Comment
voulez-vous que ces gens comprennent les provinciaux qui se rendent de Biarritz
à Eugénie-les-Bains et risquent d’arriver à 14 heures 12 au lieu de 14 heures
cinq ? Nous sommes dans une folle colère à l’idée que demain au retour,
vers le Pays Basque, nous n’aurons plus le droit de rouler à 90 à l’heure et
que nous arriverons à Biarritz avec trois minutes de retard. Ivres de vitesse,
Brigitte appuie sur le champignon et nous chantons ensemble « connards de
Parisiens qui veulent nous limiter la vitesse ».
À Hossegor, arrêt pour un brunch. Les horodateurs sont les mêmes
qu’à Biarritz, avec panneau solaire et embrouilles. Il faut inscrire le numéro
de la voiture et naturellement, j’inscris le numéro de la voiture sur le
panneau de numérotation du code bancaire, après avoir fouillé dans le sac pour
chercher et trouver la carte grise car qui connait par cœur le numéro d’immatriculation
de son véhicule à moteur ? La carte bleue ne marche pas avec
l’immatriculation et le code bancaire n’ouvre pas accès à l’usage programmé de
la chaussée. Je ne me moquerai plus jamais des gens qui bataillent avec les
horodateurs Avenue Victor Hugo quand je serai de retour au pays. A Hossegor, le
tarif est quinze euros pour deux heures trois quart. Forcément, il y a des
places pour tout le monde à ce prix-là.
Deux brunch à quinze euros plus l'horodateur, calculez vous-même. Un horodateur
vaut un brunch. Nous trouvons un resto à l'ombre. Retour dans la voiture où
les téléphones portables sont en fusion.
Je demande aux indigènes la direction de Saint-Sever qui est sur
la route d’Eugénie-les-Bains. Les plus âgés nous disent à droite puis à gauche.
Les plus jeunes ne connaissent pas les noms que je leur soumets. Ils sortent
leur téléphone portable et disent GPS puis Saint-Sever jusqu' à Eugénie-les-Bains.
Ensuite, ils disent tout droit, puis à gauche puis à droite. Moi aussi j'ai un
portable Pourquoi ne pas frimer moi aussi. Je tape mappy, je fonce sur Google, une
voix nous guide avec une étonnante précision. Sur mes genoux un rectangle
en plastique noir avec une carte qui te trace la route, et une voix qui
audiodécrit. Dans deux kilomètres prendre à gauche la D 435 vers Moissans ou
Grenade. La voix parle quand s’annonce un croisement important. Plus besoin de
cartes routières, plus besoin de s'arrêter pour demander aux indigènes. Dans un
coin de France où le réseau ne parvient pas, comment faire ? C’est simple.
Là où il n’y a pas de réseau, il n’y a personne non plus. Donc tu es perdu.
Partout le réseau fonctionne et nous arrivons à Eugénie-les-Bains à l’heure
dite. Toujours à 90 à l’heure.
L'accueil aux Prés d’Eugénie est digne de Relais et Châteaux. À
l'entrée, un vigile s'avance, tablette à la main. Il se méfie n'est-ce pas
parce que une Twingo pour un Relais et Châteaux, on peut se poser des
questions. Inquiétude stupide pour deux raisons. D’une part, il y a d'autres
points d'accès à cette immense propriété. D'autre part, nous savons que les
pires truands n'utilisent jamais de Twingo, mais des katkats très puissantes
pour transporter la Cocaine et un hélicoptère pour s’évader. Le vigile nous
demande : « Etes-vous des hôtes de ce château? Oui, nous avons réservé
au nom de Pradier. Bonjour Monsieur Pradier, dit le vigile et je prends
conscience des souffrances infinies de Monsieur Veil quand sa femme Simone
l'emmenait dans des dîners en ville et qu'on lui disait, bonjour monsieur
Simone. Le vigile vérifie sur sa tablette et me répète bienvenue Monsieur Pradier,
à nouveau, je repense à Antoine, sa vie à dû être un enfer. Le vigile trouve le
nom dans sa tablette, il nous dit bienvenue aux Prés d’Eugénie. Vous roulez jusqu'à
la pergola, vous vous arrêtez et un bagagiste va prendre votre valise, dont les
roulettes du coup deviennent inutiles, un chauffeur va ranger votre voiture et
une dame va vous accompagner à l'accueil puis dans votre suite. Il nous tend un
papier:
"Nous avons le
plaisir de vous informer qu'une place privilégiée est réservé à votre voitures
portant le nom de votre chambre (Bouton d'Or), elle se situé agréablement tout
près des arcades de la galerie ouverte. Il s'agit du parc numéro 2 au cœur de
l'airial botanique peuplé d'une myriade d'arbres et d'essence magiques ».
Tout ça pour une Twingo ? On comprendrait pour une Porsche, une Rolls
Royce, une Maserati. Notre Twingo ronronne de plaisir.
Le texte poursuit : « L'airial botanique d'Eugènie est une promenade à livre ouvert faite
pour la quiétude d'automobilistes connaisseurs comme pour la curiosité de
promeneurs piétons? Parcourez-le avec lenteur, patience et délicatesse.
Respecter-le, il est confié à votre sauvegarde. Il est tout de savoir vivre».
Nous sommes impressionnés. J’imagine le même dépliant à l’entrée
du périphérique :
« Nous avons le
plaisir de vous informer qu’une place privilégiée est réservée à votre voiture
portant le nom de votre adresse. Elle se situe agréablement dans la file de
droite de cette chaussée. Il s’agit du terrain n° 2 du parc périphérique de
l’agglomération parisienne au cœur d’une myriade d’immeubles de styles divers
et de noms exotiques, Neuilly, Saint-Ouen, la Chapelle. Cette espace est une
promenade à livre ouvert fait pour la quiétude d’automobilistes connaisseurs.
Parcourez-le avec lenteur, patience et délicatesse. Respectez-le. Il est confié
à votre sauvegarde. IL est tout de savoir vivre ».
Vous ne croyez pas que
ça calmerait les énervés du volant ?
Nous abandonnons la Twingo. Brigitte va se baigner dans une
piscine entourée de chaises longues avec un serviette à votre nom. Deux couples
commandent une bouteille de champagne et des toasts de caviar. Des parvenus…
Nous avons réservé pour le soir. On nous donne à nouveau des
conseils : «La Maison est très
sensible au chic aussi nous vous remercions de bien vouloir vous vêtir avec
élégance pour le dîner. Les shorts et les sandales de plage ne sont pas admises ».
Je ne dispose pas du vocabulaire requis pour
décrire la qualité du repas.
Le retour est le 1
juillet. Nous devons rouler à 80 à cause de ces connards de Parisiens.
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