Pourquoi cette colère,
cette inquiétude devant ces soins palliatifs pour une guerre morte? Le Pays
Basque français a le droit de faire la fête à sa manière. Il a sa langue, ses
chansons, ses danses, ses poèmes. Après tout, la France tout entière chante
régulièrement « formons non bataillons, marchons, marchons, qu’un
sanguimpur… ». Et le 11 novembre, le 14 juillet, des anciens combattants
viennent présenter les armes sous les confettis, pendant que le village danse
place de la mairie. Pourquoi le Pays Basque n’aurait-il pas le droit d’avoir
des anciens combattants décorés, ses drapeaux déployés, ses veuves et ses
orphelins ?
Je suis inquiet du manque
d’inquiétude, de la tranquillité avec laquelle la socialiste Sylviane Alaux
souhaite que l’ETA ne se dissolve pas, car l’organisation terroriste doit
garder une place à la table des négociations. Je suis inquiet des visites de
Vincent Bru aux prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en
bande armée. De la manière dont il les trouve corrects. Inquiet parce
qu’il faut des mois de travail, de discussions, de coups de téléphone, pour que
les élus du Pays Basque français acceptent d’aller rencontrer des associations
de victimes, en traînant les pieds. Même ces amis qui me suivent, qui sont
d’accord avec moi, ne semblent pas partager mes inquiétudes. Le repli identitaire
leur semble un danger lointain. Tellement flou qu’il est difficile à combattre.
Comment dissiper des brumes autrement qu’en attendant un coup de vent ?
S’il n’y aucun danger de
repli identitaire au Pays Basque français, alors je combats des moulins à vent.
Ce ne sont pas des monstres lui crie Sancho Panza, ce ne sont pas des
chevaliers. Quelle rude vie que celle de Don Quichotte ! Entre les paysans
qui le bastonnent, les pèlerins qui le rudoient, sa famille qui se moque,
comment peut-il s’obstiner ?
Les patriotes envoient
leur soutien aux indépendantistes catalans, aux autonomistes corses. Ils
réclament le rapprochement des prisonniers, le retour des exilés, la
réintégration des libérés. Mais on voit bien que ces incursions adultères sont
l’admission morne d’une stagnation autochtone. Ils constatent comme moi que ça
patine. Bon, ils vont obtenir le rapprochement des prisonniers qui depuis
longtemps savent que le combat est perdu. Plus ils sortent de prison, plus la
conscience de l’échec sera aigue. Il faudrait qu’ils restent encore quelques
années, le temps d’une reprise, on ne sait jamais. S’il n’y a plus aucun
prisonnier, il restera quelques sièges à la communauté d’agglo, des
négociations aux municipales pour des strapontins, la korrika annuelle sans
portraits de prisonniers. Comme de l’axoa sans piment d’Espelette.
Il resterait alors des
patriotes sans objectif, des républicains sans adversaires, alors que partout
ailleurs menace le repli identitaire. Le grand projet abertzale du siècle
dernier est-il devenu une chimère ? Les patriotes feraient semblant de
lutter pour l’indépendance et moi je ferais semblant de penser qu’ils
constituent un vrai danger.
Ouvrez les yeux. Une
coalition sans principes a donné au Pays Basque français des frontières.
Désormais, une mécanique s’est mise en route. La frontière doit être justifiée,
elle doit entourer des locuteurs, elle doit désigner des résidents, elle doit
trouver des ancêtres et louer les martyrs. Ce ne sont pas des moulins à vent
qui la dessinent.
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