La situation
au Pays Basque français est tragique mais pas désespérée. Quand on examine les
évolutions politiques, il faut admettre qu’on ne s’y ennuie guère. Le personnel
politique est d’un courage exemplaire. On a vu un député, deux députés, deux
sénateurs, plusieurs conseillers, manifester contre l’introduction de deux
ourses dans les montagnes pyrénéennes. On a entendu des élus protester contre
la fermeture d’une perception à Hendaye. On a vu des conseillers municipaux se
confronter âprement sur un contrat locatif avec l’Hôtel du Palais.
Quand une cérémonie nationale, européenne, célèbre la
victoire de la démocratie sur le terrorisme de l’ETA, on n’a plus vu personne.
Les exemples donnés ci-dessus montrent pourtant que nos élus ne manquent pas de
courage. Manifester contre une ourse, passer encore. Mais manifester contre
deux ourses, vous vous rendez compte ? Mais soutenir une rencontre
franco-espagnole célébrant la victoire de la démocratie sur la terreur fut au-dessus
de leurs forces. Il est vrai que cette rencontre fut condamnée par EH BaÏ, et
aller à l’encontre d’EH Baï, c’est autrement plus difficile que de manifester
contre deux ourses.
Personne. C’est vraiment impressionnant. Les élus de la
République mettent leur écharpe tricolore dans leur poche pour aller manifester
avec les demi-soldes d’une terreur morte. Personne pour le remarquer. Les élus abertzale
jettent leur écharpe tricolore dans la poubelle de la mairie quand ils
officient pour un mariage. Qui en parle ? Tous les élus barbotent dans l’abertzalisme
mou, emportés par le courant. Certains sont tentés mais ils réfléchissent. Ils calculent.
Ils voient ce qu’ils ont à perdre, ce qu’ils ont à gagner.
Tout se passe dans un silence assourdissant. Une société
qui ne débat plus est une société inerte. Dans le monde, le débat fait rage
entre repli identitaire et solidarité internationale. Entre le populisme des
frontières et l’accueil des mouvements de population, entre protectionnisme et
ouverture. Ce débat se déroule à l’échelle des continents, à l’intérieur des
nations constituées. Il se mène en Italie, au Brésil, en Allemagne, au Pays
Basque espagnol, en Catalogne. Partout, sauf au Pays Basque français. Au Pays
Basque français, les sujets de discussion semblent immunisés contre les grands
débats de notre temps. Tout le monde semble vacciné contre les discussions
vitales, contre les discussions sur le nationalisme. Un vaccin efficace. Un vaccin
qui garantit le silence.
Une société qui ne débat pas est une société morte. Une
société de plomb. En Pologne, en Roumanie, en Turquie, en Russie, pour que soit
acceptée une orientation brune, les débats doivent être interdits. Les
recherches historiques étouffées, les journalistes emprisonnés. Au Pays Basque de
France, tout est permis. Pas de censure, pas de terrorisme, pas d’interdit.
Mais sur les dérives identitaires, sur la langue basque, sur la situation des
prisonniers basques, règne le silence. Le débat n’a lieu qu’entre la société et
l’état français. Entre le rectorat et seaska.
Entre le préfet et les élus. Entre la communauté d’agglo et le ministère de la
justice. A l’intérieur de la société basque règne le silence. . Le pire des
silences, celui qui n’est pas imposé, mais choisi.
Aucun des grands partis politiques n’a jusqu’à présent,
le 6 novembre 2018, pris la parole sur ces questions. Aucun n’est intervenu de
manière critique sur les revendications identitaires. Tous les principaux
partis ont soutenu la communauté d’agglomération sur des frontières identitaires,
ont soutenu les opérations de blanchiment de la terreur. Hors Jean-Jacques
Lasserre, président du département, aucun élu ne s’est démarqué. Des
conseillers bayonnais ont refusé l’installation d’une hache sculptée. Des élus
rétifs s’expriment passivement : ils disent qu’ils ne sont pas allés à
telle manifestation et que leur absence est une prise de position. Le débat s’est
éteint aussitôt allumé. Un échange furtif dans mediabask et puis le silence.
Ne vous étonnez pas que ceux qui prennent la parole dans
cette ouate s’énervent souvent, ou se découragent parfois. Que chacun de mes lecteurs
se pose la question : comment briser la solitude des lanceurs d’alerte ?
M. Goldring, entre Barbès et Biarritz, vous ne pourriez pas choisir définitivement Barbès, et y rester?
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