samedi 24 novembre 2018

colloque à Pau



Colloque Pau, 22 novembre 2018. Sur « vérité et réconciliation » dans les sociétés en fin de conflit. J’ai proposé pour cette journée une communication sur les artisans de la paix. Ce qui est surprenant, c’est que cette communication a été acceptée. En effet, les artisans de la paix est l’histoire d’une aventure où il n’y a ni vérité, ni réconciliation. Le mensonge, c’est un mensonge accepté par la société basque quasiment unanime, un mensonge selon lequel la société basque française était en guerre. Il fallait une réconciliation factice pour une guerre d’opérette. Le titre de cette imposture est « artisans de la paix ».
J’ai expliqué tout cela. J’ai dit que la transformation d’une défaite militaire en victoire politique et le blanchiment de la terreur d’ETA  s’avéraient difficiles au Pays Basque espagnol. La gauche abertzale, dépositaire du bilan d’une armée vaincue fut attirée, selon Inaki Egana « plus par les vents du Nord ». J’ai expliqué comment l’ETA a répondu avec enthousiasme à la proposition du jeu de piste des « artisans de la paix ». Elle offrait aux élus qui s’ennuyaient une poussée d’adrénaline. Des citoyens mirent de bottes et des gants, déterrèrent des armes. Les élus montent au créneau, gonflent la poitrine, se glorifient d’avoir protégé la société basque d’un danger imaginaire. J’ai dit les larmes de nos élus le jour de la célébration à Bayonne, larmes plus abondantes que celles de Clémenceau le 11 novembre 1918. J’ai dit qu’en médecine, ça s’appelle un placebo, à Lourdes, un miracle. A Bayonne, à Cambo-les-Bains, on guérit les écrouelles et on met fin à la guerre de Cent Ans. En échange de leur participation bénévole à ce Sang et Lumière, les demi-soldes accordèrent le prix Nobel de la paix à des pacifistes en carton.
A côté du Rwanda, de la guerre civile en Algérie, de l’apartheid en Afrique du Sud, avec mon petit bouquet de fleurs artificielles, j’avais l’air d’un con, ma mère, mais j’étais là, j’ai parlé, on m’a écouté poliment.             
On a beaucoup parlé d’identité. C’est le principe même de ce concept qui doit être analysé et critiqué. L’identité est une réalité subjective. Imaginée, selon Benedict Anderson, ce qui ne veut pas dire imaginaire. Irréelle, ce qui ne veut pas dire inexistante. Mais toute recherche doit tendre à déconnecter identité et politique. Partout où la connexion se réalise, elle est le gage de conflits mortifères. L’Irlande du Nord est un exemple parmi d’autres. En Europe, la montée des populismes est fondée sur la reconnexion entre identité et citoyenneté. L’un des pays où cette connexion était la plus forte, l’Irlande, est devenu l’un des pays où la déconnexion est la plus rapide. Religion, langue, récit national, s’éloignent de la politique de la république irlandaise et le pays le plus arriéré d’Europe est désormais à l’avant-garde de la tolérance et de l’ouverture au monde.
La littérature peut jouer un rôle considérable dans le refus de l’amnésie. Voir Patria de Fernando Aramburu. Pour l’Espagne : Javier Cercas, les soldats de Salamine,  le monarque de l’ombre, L’imposeur.  Voir Hemingway, Dos Passos et Orwell sur la guerre d’Espagne. Robin McLiam Wilson, eureka street pour l’Irlande du Nord.
Sur la trentaine des présents, trois avaient lu Patria.
Les regards extérieurs jouent un rôle non négligeable dans la résolution d’un conflit. Dans l’avion qui me transportait de Paris à Belfast, les passagers revenaient régulièrement sur la honte qu’ils éprouvaient quand on les interrogeait sur le conflit nord-irlandais. Une guerre de religion dans un pays moderne ? Ils ne réussissaient pas à donner du sens à ce qu’ils vivaient en Irlande du Nord.

Je suis convaincu que le Pays Basque français manque de ces regards extérieurs. Manque d’étonnement, de questionnement, de débat. Ce colloque m’a confirmé dans cette conviction. L’Observatoire du Pays Basque français peut contribuer à attirer ces questionnements.

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