Allez les jaunes ! De mon temps, du temps où il
existait une classe ouvrière en soi et pour soi, avec une conscience de ses
intérêts collectifs, le jaune était la couleur des briseurs de grève, de ceux
qui ne voulaient pas cesser le travail, des traitres qu’on appelait blacklegs en anglais. Aujourd’hui, c’est
la couleur de la révolte sans idées, de la colère sans issue, des jacqueries sans millénarisme. Trump,
Salvino, Bolsonaro, sont élus par le suffrage universel sur les mêmes mots d’ordre
« y en marre »…Les gilets jaunes n’ont pas de chefs, mais ce pourrait
être l’un de ceux-là, plus Beppe Grillo. Ils disent qu’ils en ont marre, que le
président doit démissionner, l’assemblée se dissoudre. Ils parlent comme eux.
Ils ont les mêmes mots. Les mêmes grimaces. Les mêmes certitudes simplificatrices Mettez un gilet jaune à Trump
et à Bolsonaro, vous les reconnaîtrez.
Nous sommes dans les années trente disent les uns. En
ce qui concerne le réchauffement climatique, c’est déjà plié. Le gilet jaune va
chercher sa baguette de pain avec un katkat diesel, en klaxonnant qu’il en a
marre. Atmosphère fin de siècle, fin du monde. Autour de moi, les gens disent c’est
foutu, rien à faire. D’autre que tirer la gueule.
Si l’avenir était ainsi décrit, ainsi écrit, il
resterait aux survivants que nous sommes à profiter du temps qui reste et à le
rendre le plus agréable possible. Pour passer agréablement le temps qui reste,
nous disposons d’une variété de drogues. L’alcool, le sexe, les emportements
collectifs, la vague, la musique, la lecture, les spectacles, les sucreries. D’autres
peuvent précéder l’appel et se tirer une balle dans la tête. D’autres encore
peuvent recourir à la religion, opium du peuple, se regrouper dans de grands
espaces, chanter ensemble.
Se résigner, ne rien faire ? Pour les personnes
de ma génération qui toute leur vie ont milité, pour le meilleur et pour le
pire, l’inaction est intolérable. Donc, j’ai décidé de troquer les soins
palliatifs contre des actions précises. Contre les replis identitaires, contre
les nationalismes. Pour une Europe qui protège et accueille. Au lieu de danser sur un volcan.
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