mardi 12 novembre 2013

feux de ville



        

         Dans l’ombre de mon bureau éclairé par une lampe à bras télescopique et par un brumeux lampadaire derrière les toits mitoyens, je prends les manettes du monde et je fais ce que je sais faire, à l’exclusion de toute autre activité qui m’a de tout temps été interdite, je conduis les affaires du monde.

         Avec prudence, car les petites affaires du monde que j’ai personnellement conduites ne se sont pas révélées des succès foudroyants. Affaires personnelles et affectives, carrière universitaire, lancement de nouvelles orientations dans les lieux où je pouvais jouir d’une certaine influence, dans l’ensemble, j’ai beaucoup parlé, peu agi et encore moins réussi. Donner des conseils, critiquer, dire ceci est bien, ceci est moins bien, je l’ai toujours pratiqué avec ardeur. Est-ce au nom de cette expérience que je peux ainsi distribuer des certificats ?

         Je constate que la gauche au pouvoir est à la peine. Les temps sont durs, les succès furtifs, les réformes bousculent les habitudes. Une gauche fragilisée, une droite divisée, tentée par les extrêmes. Est en train de se jouer l’alternance historique entre une droite républicaine et libérale et une gauche réformiste et solidaire. Des colères éclatent en dehors des grands courants historiques. Ce n’est pas nouveau, mais ils doivent être surveillés comme la cocotte sur feu vif. Ou ça crame ou ça déborde.

         La politique a des effets dans la vie quotidienne. On vit plus ou moins bien, plus ou moins de confort, plus ou moins de santé, plus ou moins de tranquillité. Des dirigeants comme Margaret Thatcher ou Ronald Reagan, Poutine aujourd’hui, ont rendu leur société plus inconfortable, plus tendue. Barak Obama, Mendès France, John Hume, Nelson Mandela, se sont adressés à l’intelligence des peuples et les ont rendu plus citoyens, plus actifs.

         La politique prise dans ce sens doit s’inscrire dans la durée, dans ses effets continus. Si s’installe en France l’idée de l’incompétence de la gauche à gouverner, cette idée peut empêcher l’alternance nécessaire entre gauche et droite. Pour longtemps. Et donc instaurer un système unique dont les effets ne peuvent être que catastrophiques. Nous avons tellement l’habitude de l’alternance que nous pensons être immunisés pour toujours d’un pouvoir sans limite.


         Pour moi, l’important n’est pas d’être réélu en fin de mandat, mais d’avoir rendu les citoyens plus intelligents, plus actifs. Donc de leur avoir parlé le langage de la raison, de l’intelligence, de la vérité. D’expliquer. Manque aujourd’hui le discours de la méthode. Sur la crise, sur l’implication en Europe et dans le monde. Sur les sacrifices et les solidarités nécessaires, sur les choix qui sont l’essence du politique. Sur l’implication des citoyens dans ces choix et dans ces solidarités. Une feuille de route qui sera répétée autant de fois que nécessaire. Le parti socialiste semble inapte à la pédagogie politique. Nous roulons dans la bonne direction, en feux de croisement, les projecteurs longue portée éteints. 

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