Les pieds
dans un tapis sans carton
Comment savoir ce que l’avenir retiendra de nos années
Hollande ? Le nez sur le guidon de l’actualité, nous avons du mal à nous
projeter. Les maladresses répétées, les incohérences, le vide des explications
nous irritent. Nous, militants de gauche réformiste et gouvernementale. Le
parti socialiste n’est plus un parti. Ni un parti d’action, les actions se
passent ailleurs, au gouvernement, dans les collectivités territoriales, dans
la société. Ni un parti de formation. Les réunions sont désertées, les journées
de réflexion annulées faute de candidats. Vous vous rendez compte, dans la
situation actuelle, où chaque heure, chaque pas, provoque question et recherche
de sens, les réunions de formation et de réflexion sont annulées faute de militants.
Les raisons de ce passage à vide sont multiples, mais la première,
la principale, est l’inadéquation entre nos aspirations et la politique menée.
La gauche arrive au pouvoir régulièrement après des années d’opposition
stériles, après avoir soufflé dans des ballons qui éclatent aux premières
épreuves. Chaque fois les militants et les électeurs attendent une nouvelle
poussée de fièvre, des années Front populaire, chaque fois les militants sont
déçus.
Essayons d’évaluer la situation présente en fonction d’autres
objectifs. Les différents avenirs portent des noms : Poutine, Trump,
Maduro, Orban, Castro, le Pen, Sarkozy. Ou bien Corbyn, Renzi, Merkel, Obama.
L’avenir porte des objectifs : le refus de la dictature des fonds de
pension, le développement, la modernisation des systèmes de protection sociale,
la digue contre la crue des populismes de droite et de gauche. L’avenir porte
une issue politique : qu’émergent enfin deux camps,
démocrates/républicains, conservateurs/travaillistes,
universalistes/nationalistes, solidaires/égoïstes. Que ces deux camps soient
débarrassés de leurs ailes extrêmes qui empêchent les alliances.
On peut pointer les maladresses, les inconséquences. Mais si l’on
tente de se dégager de nos irritations, de nos ressentiments vis-à-vis de
l’homme, de ses décisions ou de ses atermoiements, on se rendra compte peut-être
que nos gouvernants ne s’en sortent pas trop mal.
Une détermination tranquille qui rend fou les impatients, mais
décourage les extrêmes : le mariage pour tous, la réforme des rythmes
scolaires, le tiers payant, la réforme du code du travail, le pacte de compétitivité,
la déchéance de nationalité ont clivé la droite au sens large et permis
d’esquisser d’autres rassemblements possibles. Le fossé entre la droite croupie,
sarkozyste, porteuse d’eau des idées FN, et une droite républicaine s’est
approfondi. Les réformes du code du travail divisent la gauche extrême,
conduisent les vieilleries révolutionnaires à se saborder, à sacrifier leur
avenir. Les œufs lancés, les chemises déchirées, les voies occupées, sont les
derniers feux d’un radicalisme fatigué. Le syndicalisme de réforme et de
proposition en sortira nécessairement renforcé.
Enfin, la lente disparition du PS et les clivages de la droite
permettent d’envisager l’émergence d’une alliance entre gauche réformiste et
centre droit rempart contre le populisme.
Dire que toutes ces évolutions sont le résultat d’une stratégie
pensée, de tactiques habiles, serait franchement exagéré. Nos gouvernants se
prennent tous les jours les pieds dans un tapis dont le dessin nous échappe. Mais
à l’arrivée, qui peut prévoir les nouvelles formes de notre vie
politique ? Dans quel état était la tapisserie de Bayeux quand les fils
étaient sur les bobines et les cartons dans les tiroirs ?
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