lundi 24 octobre 2016

être basque n'est pas un Etat


Être basque ce n’est pas un État.


Selon Weizmann, le premier président de l’État d’Israël,  si les Juifs obtiennent un état, ce ne serait pas un état juif. Et ses habitants ne seraient plus juifs. Une boutade ?  Pas tellement. Pendant des siècles et des siècles, l’identité juive était marquée par l’absence d’état. Avec un État, voilà un pan entier de leur identité qui disparaît. Et à l’intérieur de ce nouvel état, des discussions sans fin pour savoir qui est juif et qui n’est pas juif. Si les vrais juifs sont les orthodoxes ou les modernes, les Loubavichs tourneurs, ou les colons de Judée Samarie. Les Juifs du mouvement « Paix maintenant » sont considérés comme des traîtres, des non juifs. Peut-on être juif en venant d’Éthiopie ? Quel appauvrissement ! Quel dessèchement ! Et même en France, certains sont juifs par une hargne dévastatrice à l’égard du monde arabe. On attribue l’identité juive, par rapport à l’État d’Israël. Vous êtes pour, vous êtes juifs, vous êtes contre, vous êtes antisémites. Être juif n’a plus rien à voir avec la langue, le territoire, la religion, la culture, la littérature, être juif c’est manifester contre le démantèlement des colons en territoire occupé ou interdire le divorce.


            Je tiens compte de cette expérience, je l’ajoute à ma connaissance du monde irlandais, de son acharnement à obtenir un État et d’en obtenir deux, un État catholique et un État protestant, des frères jumeaux ennemis, où être catholique, c’est être contre les protestants et être protestant c’est être contre les catholiques. Voilà avec la création d’un État avec adjectif, le gaélique disparaît, devient un latin pour  clercs, le mandarin pour les fonctionnaires d’Empire, une langue élitiste pour concours administratif. Le catholicisme, levier d’émancipation pour les plus pauvres, devient une dictature cléricale. Le protestantisme, levier de la démocratie et du développement industriel, devient une secte tonitruante dénonçant les papistes. Dans les deux États, les intellectuels, les artistes, les entrepreneurs, les gens différents, fuient la censure, l’étroitesse, le repli, le cléricalisme, la charia, les interdits, les condamnations.


            Insensibles à ces expériences, un certain nombre de Basques veulent à leur tour obtenir un État. Ou plutôt un deuxième, puisqu’il en existe déjà un. Un État basque en Espagne, où se déchirent les partis qui représentent les vrais Basques, contre les partis « espagnolistes ». Où parmi les vrais Basques, il y a ceux qui sont plus vrais que les autres, ceux qui sont héritiers des martyrs et les modérés, ceux qui ont condamné la lutte armée, qui n’ont tué personne et sont donc un peu moins basques.


Notre avenir est inclus dans les discussions sur l’EPCI. Une esquisse d’état basque, une institution avec un adjectif, avec des frontières fermées vers le Nord, pour se protéger des voisins landais qui voudraient en faire partie, mais ouvertes vers le Sud pour mieux tricoter un État basque à l’intérieur des frontières historiques sacrées. Les Basques, la culture, les chants, les danses, la littérature, le théâtre, les luttes pour la langue, les mouvements exaltés pour l’autonomie, tout ça est terminé. Avec le projet d’administration frontalière, est basque celui qui est pour l’EPCI, est étranger celui qui est contre. Une immense réduction, un dessèchement tectonique. Les Basques dans leur richesse, leur diversité, leur combat, leur histoire, deviennent des petits-bourgeois rabougris qui discutent pendant des semaines pour savoir si la ville voisine de Tarnos sera incluse ou pas dans les nouvelles frontières. Pour savoir si la taxe touristique sera prélevée à Bayonne ou à Urrugne. Ce n’est pas glorieux ça ?


Vous voulez vraiment savoir ce que l’avenir d’un territoire basque ? Regardez l’Irlande du Nord et du Sud, regardez la Corse, regardez Israël. Suivez les chicanes qui mettent en place l’EPCI. Et ne dites pas que vous n’avez pas été prévenu.


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