Aux armes citoyens.
Dans la ville de Biarritz, les trottoirs sont
irréguliers, en pente, troués, défaits, bosselés. Une personne en situation de
handicap, soit pour des raisons de genoux, de hanches ou de sciatique, soit
pour des raisons de liens sexuels avec un partenaire non protégé, ayant décidé
de garder le fruit de leur ardeur et voici maintenant ce fruit dans une
poussette tiré sur les trottoirs irréguliers et malaisés, soit l'âge tout
simplement, trouve de nombreuses raisons d'insulter le ciel contre l'état des
trottoirs. Au point où ces récriminations renouvelées à chaque procession vers
l'achat d'une baguette, d'un croissant si les petits-enfants sont de visite, ou
du journal, peuvent gâcher la vie si elles s'incrustent dans les recoins
profonds des neurones.
Par contraste, la chaussée est régulière,
entretenue avec soin, sans aspérité, sans nid de poule, la marche est aisée,
les roues de poussettes tournent sans bruit, les roulettes des valises glissent
mélodieusement, les caddies débordant de légumes pendant les congés scolaires
se déplacent furtivement. La chaussée est le paradis des voitures et le trottoir
l’enfer des piétons.
Telle est la situation. Si l'objectif a est
le bonheur des piétons, l'intérêt général, le bien commun, la satisfaction du
plus grand nombre, l'harmonie municipale, la reconduction des majorités, la
solution apparaît pendant l'été ou le manque de places de stationnement et la
paresse estivale, installent les voitures sur les trottoirs. Les aires à
piétons étant ainsi occupées par les
voitures automobiles, il ne reste plus pour la population pédestre que la
chaussée pour avancer. Chaque course, chaque errance vers les croissants et les
journaux devient bonheur quotidien. Le parcours du pèlerin devient béatitude.
Le moyen d'installer le bonheur du déplacement
dans la vie quotidienne est de pérenniser la situation estivale. Que les
piétons, les personnes en situation de handicapés, les personnes devenues
parents, les fatigués de corps et d'esprit, continuent d'occuper la chaussée
même si les trottoirs indignes sont vides de carrosseries. Par cette occupation
tranquille, mais obstinée, ils transformeront peu à peu la ville en zone
piétonne. Les voitures stationneront sur les trottoirs, les piétons se déplaceront
sur un tapis de goudron. Les sourires reviendront, les ventes de
tranquillisants baisseront, la
consommation d'alcool et de tabac sera en chute libre, les poumons se décrasseront,
l'air redeviendra pur, les occupants de l'espace public se lanceront de sonores
salutations : quelle belle journée !
Dès demain, citoyens, citoyennes, quittez les
trottoirs malcommodes et occupez les chaussées. Participez aimablement à une tranquille
révolution urbaine.
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