A la Goutte d'Or, les trottoirs
étroits empêchent les terrasses. Il faut traverser le Boulevard pour lire le
journal devant une tasse de café et un verre d’eau. A Biarritz, les terrasses
tranquilles réduisent les trottoirs à un mince filet de bitume et la
tranquillité des terrasses se paie de l’énervement des piétons, des parents
avec poussettes, des chalands avec caddy.
A la Goutte d'Or, après onze
heures, libération a disparu des
kiosques. Au mois d’août, les kiosques ferment et sont remplacés par des vendeurs
de brochures promettant la santé et le bonheur lumineux. A Biarritz, il faut
réserver le journal.
A Biarritz, en été, la navette
se remplit de touristes, de planches à surfer, de poussettes, d’enfants, de
parents et de grands parents, d’étrangers qui demandent où descendre et les
habitués qui occupent les places assises les renseignent avec ardeur. A la Goutte
d'Or, les bus explosent de touristes, de caddies, de poussettes. Les touristes
brandissent des plans, regardent les stations qui s’allument, rassemblent les
enfants et ferment leur sac.
A la Goutte d'Or, les
pharmacies débordent de produits éclaircissants. Les pharmacies de Biarritz explosent
de produits bronzants.
A la Goutte d'Or, les escaliers
du métro et de la butte sont durs aux miséreux. A Biarritz les rues montent et
les trottoirs ondulent. A la Goutte d'Or, en haut des marches, les trottoirs
sont plats, mais la foule gronde. A Biarritz, en haut des côtes, les trottoirs
sont toujours gondolés et les poussettes s’écartent devant les cannes. Il faut
disputer l’espace aux voitures volumineuses dont chaque roue est motrice. A la Goutte
d'Or rien ne s’écarte devant personne, il faut jouer des coudes, regarder droit
devant, ne pas s’écarter, mettre la canne en avant. Une lutte permanente pour
avancer, pour arriver au but. A Biarritz, tout le monde est poli et bien élevé,
sauf ceux qui ont un volant entre les mains. A la Goutte d'Or, les piétons sont
aussi mal élevés que les conducteurs à Biarritz.
Les Biarrots qui habitent la Goutte
d'Or veulent-ils s’échapper à l’étouffante tranquillité ? Les habitants de
la Goutte d'Or qui passent leur loisir à Biarritz cherchent-ils un havre de
paix ? Pas sûr. Si l’on veut s’énerver, qu’importe le quartier pourvu qu’on
ait l’ivresse.
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