Dans leur tribune du Monde, Rony Brauman, Régis Debray, Christiane Hessel et Edgar Morin
sont convainus « qu’une certaine idée de la France se joue à Gaza ». Rony
Brauman et Christiane Hessel sont tous connus pour avoir choisi leur camp dans
le conflit israélo-palestinien. Régis Debray et Edgar Morin apportent la
caution d’esprits plus modérés.
Les signataires acceptent que d’autres
conflits sont plus meurtriers dans le monde arabe. Mais la particularité du
conflit israélo-palestinien est « qu’il concerne et touche à l’identité des
millions d’Arabes et de musulmans, des millions de chrétiens et d’Occidentaux,
des millions de Juifs dispersés dans le monde ». Ce conflit n’est pas
local, il est de portée mondiale et de ce fait a « déjà suscité ses
métastases dans le monde musulman, le monde juif, le monde occidental ».
Il a réveillé les xénophobies et les racismes, a répandu la haine dans tous les
continents.
Il ne suffit plus « d’appels
pieux », ni de « renvois dos à dos ». Parce qu’il y a des
colonisés et des colonisateurs avec une « terrible disproportion de
forces ». Il faut sévir, suspendre l’accord d’association entre Israël et
l’Union européenne.
Les choses sont ainsi dites clairement. Le
monde est parcouru de conflits beaucoup plus meurtriers, mais sur lesquels les signataires
ne peuvent pas grand-chose. Alors que devant ce conflit, ils retrouvent les
vieux réflexes, les vieux clivages qui nous manquent tant depuis la chute du
mur de Berlin. Afrique du Sud, Vietnam, Chili, Cuba, étaient tous des conflits
de « portée mondiale », ils suscitaient tous des
« métastases » dans le monde entier. Les conflits interarabes,
internes à l’Afrique ne sont pas des « conflits mondiaux ». On n’y
peut rien. Alors que là, on retrouve le colonialisme, l’impérialisme, l’internationalisme
prolétarien, les dénonciations des complicités entre puissances coloniales.
L’inscription du conflit israélo-palestinien
comme conflit de « portée mondiale » lui assure une prolongation
indéfinie. Il faut au contraire refuser les métastases, refuser l’exportation de
ce conflit comme et les haines mondiales. Voici qui serait une contribution
utile de nos faiseurs d’opinion. Le conflit israélo-palestinien n’est pas
mondial, c’est un conflit local. Dans un petit territoire, des populations face
à face depuis 70 ans portent au pouvoir leurs représentants les plus
réactionnaires, les plus bellicistes. Ceux qui refusent les négociations, les
compromis, parce que la paix les rejeterait dans les limbes. En contribuant à
donner à ce conflit une dimension mondiale, on conforte ces extrêmes. Les Palestiniens
deviennent le symbole de tous les colonisés du monde, les Israéliens sont à l’avant-garde
de la défense du monde occidental menacé par l’islamisme radical. Dans ce face
à face, seuls les chefs de guerre ont droit à la parole. Leurs alliés soufflent
sur les braises.
Maurice Goldring
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