Une hache aspirée
Après
un assassinat, des équipes viennent avec des seaux remplis d’eau savonneuse et
des serpillières nettoyer les scènes de crime. On les appelle les
blanchisseurs. Au Pays Basque ils se nomment les artisans de la paix. Les élus
contribuent à ce grand nettoyage en portant des wassingues à la place de leur
écharpe tricolore. On nettoie les flaques de sang, on gomme les noms des 829
victimes, on déterre dans les champs les instruments de la barbarie.
Ce
mouvement est actuellement dans l’impasse. Ils ont vendu l’idée que le Pays
Basque était toujours en guerre alors qu’on n’a pas entendu un seul coup de feu
depuis sept ans. Ils ont écrit le scénario avec les quelques etarras qui de temps
en temps se réunissent dans une cabine téléphonique pour désigner celui ou
celle d’entre eux qui fermera la porte et éteindra la lumière. Ils espéraient
en échange obtenir le rapprochement des prisonniers basques condamnés pour
activités terroristes en bande armée. Les
gouvernements français et espagnols ne cèdent rien. Les demandes seront
examinées au cas par cas dans le respect du droit commun. Faites un geste,
disent les nettoyeurs, au moins quelques-uns pour qu’on ne soit pas trop
ridicules. Pour revenir vers les etarras et leur demander de se dissoudre en
échange. Depuis un an et le grand succès de l’opéra bouffe du 8 avril 2017,
rien ne vient.
Dans
le même temps, les étarras qui restent clandestins ont décidé par un vote parfaitement
démocratique, par vingt-huit voix contre quatre et une abstention, de dissoudre
leur organisation. Ce n’est pas facile. Tous ceux qui ont fait partie d’une association
savent à quel point il est difficile de la dissoudre. Les FARC récoltent 0,4%
aux élections suivant leur dissolution. Les trois cents prisonniers n’ont pas
pris part au vote, ils ont décidé de couper le cordon qui les relie à l’ETA. Les
temps sont durs.
Les
etarras ont déclaré qu’ils acceptaient éventuellement de dissoudre l’ETA, mais
quand ils le décideraient, pas sous la pression. Et pas question de repentir,
de demander pardon aux survivants ou aux familles des victimes. Et surtout, n’allez
pas prendre contact avec les associations de victimes du Pays Basque espagnol
qui sont toutes manipulées par le Parti populaire, par le Parti socialiste et
par les engourdis du Parti nationaliste.
Patatras !
Deux militants porteurs de serpillière, deux élus à l’avant-garde de la Grande
Lessive, ont cédé à la pression d’un groupe de citoyens basques pas plus
nombreux que les etarras. Ils ont traversé la frontière, ont pris une photo, le
nettoyeur Bru et le lessiveur Brisson de part et d’autre de deux membres de
COVITE, une association de victimes très militantes et très hostiles aux
blanchisseurs. Profil bas, un communiqué discret. C’était trop. Ils ont été
privés de conférence de presse le 14 mars, les artisans de la paix n’ont pas
mentionné leur voyage. Et le noyau restant de l’ETA, enfin plutôt le pépin, s’est
braqué. Si vous parlez avec ces gens, on ne se dissout pas. On reste avec notre
cagoule et notre panoplie de Noël.
D’un
côté, les états français et espagnols, qui ont le dossier Corse et catalan sur
les bras, ne sont pas du tout prêts à faire risette aux Lessiveurs. L’ETA dit
que s’il n’y a pas plus de prisonniers rapprochés, ils ne vont pas faire le
cadeau immense, historique, suprême, de leur dissolution le jour où les
Blanchisseurs vont planter la hache de guerre sur une Place de Bayonne. Bref
les temps sont durs.
Pour
ajouter à la confusion, les mots ne sont d’aucune aide. Enterrer la hache de
guerre signifie chez les Indiens faire la paix. Déterrer la hache de guerre
signifie faire la guerre. Les Grands Blanchisseurs déterrent la hache à
Louhossoa, puis ils l’enterrent à Bayonne. Il y a de quoi perdre son euskara.
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