vendredi 16 mars 2018

une hache aspirée


Une hache aspirée



Après un assassinat, des équipes viennent avec des seaux remplis d’eau savonneuse et des serpillières nettoyer les scènes de crime. On les appelle les blanchisseurs. Au Pays Basque ils se nomment les artisans de la paix. Les élus contribuent à ce grand nettoyage en portant des wassingues à la place de leur écharpe tricolore. On nettoie les flaques de sang, on gomme les noms des 829 victimes, on déterre dans les champs les instruments de la barbarie.

Ce mouvement est actuellement dans l’impasse. Ils ont vendu l’idée que le Pays Basque était toujours en guerre alors qu’on n’a pas entendu un seul coup de feu depuis sept ans. Ils ont écrit le scénario avec les quelques etarras qui de temps en temps se réunissent dans une cabine téléphonique pour désigner celui ou celle d’entre eux qui fermera la porte et éteindra la lumière. Ils espéraient en échange obtenir le rapprochement des prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée.  Les gouvernements français et espagnols ne cèdent rien. Les demandes seront examinées au cas par cas dans le respect du droit commun. Faites un geste, disent les nettoyeurs, au moins quelques-uns pour qu’on ne soit pas trop ridicules. Pour revenir vers les etarras et leur demander de se dissoudre en échange. Depuis un an et le grand succès de l’opéra bouffe du 8 avril 2017, rien ne vient.

Dans le même temps, les étarras qui restent clandestins ont décidé par un vote parfaitement démocratique, par vingt-huit voix contre quatre et une abstention, de dissoudre leur organisation. Ce n’est pas facile. Tous ceux qui ont fait partie d’une association savent à quel point il est difficile de la dissoudre. Les FARC récoltent 0,4% aux élections suivant leur dissolution. Les trois cents prisonniers n’ont pas pris part au vote, ils ont décidé de couper le cordon qui les relie à l’ETA. Les temps sont durs.

Les etarras ont déclaré qu’ils acceptaient éventuellement de dissoudre l’ETA, mais quand ils le décideraient, pas sous la pression. Et pas question de repentir, de demander pardon aux survivants ou aux familles des victimes. Et surtout, n’allez pas prendre contact avec les associations de victimes du Pays Basque espagnol qui sont toutes manipulées par le Parti populaire, par le Parti socialiste et par les engourdis du Parti nationaliste.

Patatras ! Deux militants porteurs de serpillière, deux élus à l’avant-garde de la Grande Lessive, ont cédé à la pression d’un groupe de citoyens basques pas plus nombreux que les etarras. Ils ont traversé la frontière, ont pris une photo, le nettoyeur Bru et le lessiveur Brisson de part et d’autre de deux membres de COVITE, une association de victimes très militantes et très hostiles aux blanchisseurs. Profil bas, un communiqué discret. C’était trop. Ils ont été privés de conférence de presse le 14 mars, les artisans de la paix n’ont pas mentionné leur voyage. Et le noyau restant de l’ETA, enfin plutôt le pépin, s’est braqué. Si vous parlez avec ces gens, on ne se dissout pas. On reste avec notre cagoule et notre panoplie de Noël.

D’un côté, les états français et espagnols, qui ont le dossier Corse et catalan sur les bras, ne sont pas du tout prêts à faire risette aux Lessiveurs. L’ETA dit que s’il n’y a pas plus de prisonniers rapprochés, ils ne vont pas faire le cadeau immense, historique, suprême, de leur dissolution le jour où les Blanchisseurs vont planter la hache de guerre sur une Place de Bayonne. Bref les temps sont durs.

Pour ajouter à la confusion, les mots ne sont d’aucune aide. Enterrer la hache de guerre signifie chez les Indiens faire la paix. Déterrer la hache de guerre signifie faire la guerre. Les Grands Blanchisseurs déterrent la hache à Louhossoa, puis ils l’enterrent à Bayonne. Il y a de quoi perdre son euskara.

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