Steve Pinker, Le triomphe des Lumières, les Arènes,
2018 (Entretien, Le Monde 1 janvier 2019.
Le monde se porte
mieux et le pessimisme domine. Selon un récent sondage, seul 3% des Français
estiment que la situation du monde s’améliore. A l’échelle de la planète, l’espérance
de vie, en un siècle, est passée de 30 ans à 71 ans. Les pires maladies :
malaria, pneumonie, sida sont en recul. Le taux d’extrême pauvreté a chuté de
75% au cours des trente dernières années et il n’y a plus que dix pour de la population
mondiale qui est concernée.
Pourquoi le
pessimisme ? Les désastres sont rapides et spectaculaires, les progrès
sont lents et peu visibles. Un immeuble s’écroule, les victimes sont présentes
partout (à juste titre…). Dix mille logements sociaux se construisent, ce n’est
pas une nouvelle. Quel journal va titrer : 137 mille personnes ont échappé
hier à l’extrême pauvreté ? Ou encore : dix personnes hier sont restés
en vie parmi les leurs depuis la diminution de la vitesse sur les routes.
Comme ce sont
les événements les plus spectaculaires qui dominent l’information, la société
apparaît comme « un puits sans fond d’inégalité, de racisme, de
terrorisme, de violence et de chômage. »
Ce
pessimisme démoralise. Si tous les
efforts pour que ça aille mieux sont vains, et aboutissent chaque fois à une
aggravation de la situation, à quoi bon ? Ce pessimisme stimule le
radicalisme. Si tout va mal, tout va pire, il faut détruire l’existant,
renverser la table et essayer quelque chose de nouveau.
J’ai passé
environ la moitié de ma vie à refuser de voir ce qui allait mieux parce que si
les choses allaient mieux, à quoi bon la révolution ? Et l’autre moitié à
combattre le pessimisme révolutionnaire. En Irlande du Nord, les patriotes les
plus durs refusaient de voir ce qui allait mieux alors que l’Irlande n’était
pas réunifiée et les Britanniques n’étaient pas tous partis. Je me vois à
Derry, avec un de ces patriotes, dans un quartier du Bogside composé des pires
taudis de l’Europe. /Le quartier avait été rasé, des maisons propres les
avaient remplacés et mon patriote répétait en boucle « rien n’a changé ».
Les taudis et les logements insalubres
étaient détruits dans la Goutte d'Or et les fougueux révolutionnaires n’étaient
pas plus contents. Ils disaient que les pauvres avaient été chassés et
remplacés par des bobos. Ils ne voulaient pas voir la population modeste qui
continuait d’habiter la Goutte d'Or.
A tous ceux,
patriotes intransigeants pour qui rien ne va tant que le Pays Basque n’est pas
indépendant, insoumis qui ne supportent pas qu’un logement social ou une école démente
leur catastrophisme, nationalistes qui ne sont à l’aise que dans la fange, gilets
jaunes pour qui la révolte est une solution, je souhaite pour l’année 2019 qu’ils
ne réussissent pas à à saper le moral, des élus, des associations, des ONG, des
bénévoles, des enseignants, des chercheurs, des travailleurs sociaux, des
médecins, des animateurs, des syndicats et des entrepreneurs, qui passent leur temps,
leur énergie, leur intelligence pour que tous les hommes et les femmes restent
debout et marchent.
Pendant que d’autres
vocifèrent et gesticulent.
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