Alain Finkelkraut, France inter 15 octobre 2013
Une
dame qui vit en banlieue le déplore : elle est entourée de gens qui ne
parlent pas le français, de femmes voilées et ne se sent plus chez elle. Alain Finkelkraut
reprend le témoignage. « La faute de la gauche a été d’abandonner cette
femme au Front national ».
Je
vis dans la Goutte
d'Or, je suis entouré de gens qui ne parlent pas le français, de femmes voilées
et pourtant je me sens chez moi et je vote à gauche. Socialiste, pour être plus
précis.
Quand
l’intégration fonctionne, elle passe par une intégration sociale (famille,
école, travail) et par l’adhésion aux valeurs d’accueil. Intégration dans la
citoyenneté par les adhésions politiques : le socialisme et le communisme,
le syndicalisme, en France…). Quand l’intégration est refusée, et l’on connaît
les multiples facettes de ce refus, elle se produit quand même, mais elle
répond à la brutalité du refus par les ruses des faibles. Ainsi, aux États-Unis,
le modèle dominant dans les classes du même nom était celui du WASP. (White
anglo-saxon protestant). Les Noirs ne pouvaient pas devenir blancs, les Chicanos
ne seraient jamais anglo-saxons, les catholiques ne souhaitaient pas devenir
protestants. Pour se hisser jusqu’aux lieux de pouvoir, il fallait passer par
des réseaux communautaires. Les syndicats étaient « communautaires »,
catholiques, protestants, irlandais, polonais, les églises ne l’étaient pas
moins, et Irlandais, Polonais et Italiens ne fréquentaient pas les mêmes
paroisses. Qui dirigeait ces rassemblements pouvait peser sur la politique. New
York et Tammany Hall furent symptomatiques de cette politique communautaire.
D’où ce paradoxe, pour devenir américain, il fallait s’intégrer dans des
communautés religieuses ou nationales séparées. D’autres régions du monde ont
connu les mêmes développements. En Irlande du Nord, il fallait être protestant
pour accéder aux affaires et à la politique. Pour s’intégrer dans les affaires
et la politique, il fallait que les catholiques utilisent leur identité
catholique comme moyen de lutte et de développement.
Sans
lâcher un pouce sur la laïcité, il faut admettre que la montée du
communautarisme est d’abord un manque, une défaite, des processus d’intégration.
Finkelkraut est bien placé pour étudier ce manque. Professeur à l’École polytechnique,
il peut constater que les futures élites de la nation se recrutent dans une
couche très mince de la population française.
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