samedi 19 octobre 2013

les migrants

         Les morts de Lampedusa, les expulsions d’écoliers. L’émotion est forte. Les militants signent des pétitions contre les expulsions, accompagnent les démarches dans les administrations, parrainent des écoliers. Les lycéens manifestent. Des cas particuliers seront sans doute réglés. Il reste un immense sentiment d’impuissance devant la misère qui s’étale dans nos rues, mendiantes avec les enfants dans les bras. Étalés sur nos trottoirs la hiérarchie de la pauvreté. Des commerçants modestes, des biffins et tout en bas de l’échelle, les revendeurs des épiceries sociales.

         L’émotion individuelle et collective ne se discute pas. Les indignations, les pétitions, les manifestations, les aides ponctuelles, sont précieuses, mais ne fondent pas spontanément pas une orientation politique. Le travail d’un parti politique est de politiser les émotions. De les inscrire dans le monde, les frontières, les projets, les évolutions.

         Pendant la révolution industrielle, les ouvriers dormaient dans des fossés autour de l’usine. Les indigents étaient regroupés dans des asiles ou des hôpitaux dont la philosophie était universelle : pour ne pas créer des « assistés », des gens qui « profitent », il fallait que les conditions de vie dans ces asiles fussent pires que les pires conditions de vie de ceux qui travaillaient. Chaque paroisse s’occupait de « ses » pauvres. Si des migrants, on disait alors des vagabonds, réclamaient de l’aide, on les renvoyait dans leur paroisse d’origine. Les impôts locaux devaient subvenir aux besoins de la paroisse, pas aux besoins des indigents de la commune voisine.

         Sous la pression conjuguée des mouvements sociaux, des philanthropes, des églises, un système de protection sociale se mit en place. Des retraites, des soins, des écoles, des logements. Mais L’État providence ne fonctionnait que pour les citoyens de cet État. Les papiers d’identité se répandirent avec les systèmes de sécurité sociale. Ils séparaient ceux qui avaient droit aux prestations et ceux qui n’y avait pas droit. Pendant des années, les mineurs belges qui travaillaient dans le nord de la France ne participaient pas au régime des retraites des mineurs français. Il a fallu du temps pour considérer tous les citoyens dignes de recevoir partout dans le pays le même traitement social

         Aujourd’hui, l’objectif est non plus un État providence, mais une Union européenne providence. Cette protection peine à se mettre en place. Les citoyens européens qui traversent les frontières sont souvent considérés comme des étrangers. Ils sont pourtant destinataires au même titre que les autochtones des minimums d’aide sociale et éducative. Salaire minimum, scolarité obligatoire, logement et soins. Une partie des pauvres qui arpentent nos rues ne sont pas des étranges, ce sont des européens. Comme vous et moi.

          Il faut aller plus loin, considérer tous les habitants de cette planète comme dignes de recevoir une aide sociale, sanitaire, éducative, universelle. Pour distribuer cette aide, il faut des administrations au niveau de la planète. La mondialisation des filets de sécurité n’en est pas au point zéro. Dans le domaine de la santé, de la lutte contre les épidémies, contre le Sida, des points sont marqués. Les émotions et les actes de solidarité avec les populations migrantes sont l’indice d’une plus grande aspiration à un monde solidaire. Qui reste à construire. Qui demande une pédagogie permanente contre les diffuseurs de haine.

          

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