Pour
Annie Clerval ‘Libération 19-20
octobre 2013), la gentrification de la
capitale. s’est faite aux dépens des classes populaires. Un processus
d’exclusion que la politique du logement mené par la municipalité de gauche a
ralenti, mais pas enrayé.
La
gentrification est définie comme un embourgeoisement qui touche les quartiers
populaires anciens où les classes populaires sont progressivement remplacées
par une classe intermédiaire, la petite bourgeoisie intellectuelle. Elle rompt la
fonction historique de ces quartiers populaires. Ils sont terre d’accueil, une
force, un tissu de solidarité, une ressource commerciale dynamique. En les
faisant disparaître, on ne change pas l’ordre social. On aggrave les
inégalités. La gentrification ne change rien au quotidien des classes
populaires. Au contraire. Leur situation s’aggrave. Les loyers augmentent, les
prix montent. Sur les murs de mon quartier, cette analyse se traduisait en
affiches : « La mixité sociale, c’est la guerre faite aux pauvres ».
Les
gentrificateurs ne s’installent dans ces quartiers que sous la contrainte du
marché immobilier. Ils ne choisissent pas d’habiter un quartier mixte, mais
d’habiter Paris coûte que coûte. En fait, ils ne pratiquent pas la mixité
sociale, mais la sociabilité entre soi et l’évitement scolaire.
Je
me reconnais dans ce portrait. Je suis un gentrificateur. Prof de fac retraité,
j’habite la Goutte
d'Or. Je ne pratique pas la mixité sociale. J’ai choisi ce quartier sous la
contrainte du marché immobilier. Si j’avais des enfants d’âge scolaire, je choisirais
sans doute l’évitement des écoles publiques.
Si
le portrait est juste, l’analyse me semble erronée.
Dans
la Goutte d'Or
il y avait des taudis, propriété de marchands de sommeil ils ont été détruits
et remplacés par des logements neufs, privés ou locatifs, dont un certain
nombre de logements sociaux. Il y avait des maisons closes avec des migrants
qui faisaient la queue dans la rue (était-ce une ressource commerciale
dynamique pour la ville ?). Ils ont disparu. Quand les bidonvilles ont été
détruits, des militants ont protesté. Ces bidonvilles étaient des facteurs
d’intégration, des réseaux de solidarité, de construction de la citoyenneté.
Chaque
fois qu’un quartier s’améliore, les loyers grimpent, les populations changent.
Quand il reste ghetto ou bidonville, les loyers baissent, les catégories
intermédiaires fuient, Ne rien faire, c’est rassembler les difficultés, les
misères, les galères, dans des lieux à la dérive, aboutit à la pire des
solutions : des ghettos de la misère.
Les
plus acharnés contre la mixité sociale sont les classes supérieures qui luttent
contre toute présence de logements sociaux ou de lieux de solidarité sur leurs
terres. Les plus accueillants à la mixité sociale sont ceux qui saluent
l’installation de médiathèques, de cinémas, et l’arrivée de nouvelles couches
sociales plus favorisées comme une
protection contre les dérives. Ont-ils tort ?
Anne
Clervel découvre que toutes les réformes sociales profitent d’abord aux
catégories les moins démunies. Fallait-il pour autant renoncer à construire un
État-Providence ?
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