Sur Facebook ne s’inscrivent
que les bonnes nouvelles. Les naissances, les mariages, les spectacles, les
publications, les photos de vacances. Les mauvaises nouvelles n’apparaissent
jamais sur Facebook. Si les historiens du futur ne disposaient que des archives
Facebook, ils pourront retrouver les traces d’une société heureuse. Pas de
nécrologie sur Facebook.
L’ensemble de
personnes que nous appelons société vit généralement dans l’intermittence. La majorité.
Une minorité vit dans l’assurance que l’avenir est bouché, que demain sera pire
qu’aujourd’hui et aujourd’hui meilleur que demain. Une petite minorité vit dans
la certitude que l’avenir lui appartient, que ses désirs sont des ordres, que
ses envies seront exaucées. Entre les deux, des intermittents qui ne sont jamais
sûrs. D’après Facebook, ils sont heureux et souriants. D’après l’écran de
télévision, ils sont inondés, chômeurs, malades.
Ainsi, moi
personnellement, je vous donne un exemple, mais il pourrait y en avoir
tellement d’autres. Je vis en couple non marié. Si vous épousez une conseillère
municipale, vous aurez droit à un passe pour l’ensemble du Festival du cinéma d’Amérique
latine. Si vous êtes seulement concubin, vous aurez droit à quelques tickets, une
invitation pour la soirée d’ouverture, une pour la soirée terminale, et c’est
tout. Une invitation pour le cocktail, non. Invitation pour une seule personne,
et vous imaginez la scène, vous arrivez à l’entrée de la salle de cocktail, on
laisse passer votre concubine conseillère, et vous, c'est à dire moi, le
cerbère dit non, comme si j’étais une racaille à l’entrée d’une boîte de nuit. Or
cette scène pourtant trépidante et pleine de sens parce qu’elle exprime l’intermittence
de la vie, ne se trouvera jamais ni sur Facebook, ni au journal de vingt
heures.
Pourtant, l’intermittence, c’est la vie. Celui
qui n’est sûr de rien déprime, galère, plonge. Celui qui est sûr de tout s’atrophie.
Seuls les intermittents sont inventifs, actifs, entreprenants, chercheurs, car
ils sont constamment au bord du gouffre, ils doivent pédaler pour rester en
équilibre.
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