Une
majorité semble se dégager pour les frontières identitaires. Franchement, tu en
fais tout un plat. Ce n’est pas l’indépendance, quand même. Juste un
rassemblement volontaire, sur proposition du préfet qui paraît-il se réjouit de
laisser les élus et les communes barboter dans du jus de piment quand lui sera
loin, très loin. Les communes du pays Basque, vont se retrouver ensemble dans
une grande salle. En attendant cette réunion, les partisans de la crispation
essentialiste préparent les festivités. À Bayonne ? à Saint-Pé ? à
Saint-Etienne ? à Biarritz, Place Clémenceau ? Il y aura des
ikurinas, des chants et des danses, des sourires, des regards narquois à l’égard
de ceux qui veulent vivre dans un territoire laïque. Ce fut une campagne
politique comme tant d’autres, avec ses aspects guerriers, ses coups fourrés,
ses meetings, ses débats. Avec un petit plus, la couleur des opinions, la race
des engagements, les fraternités terriennes contre des étrangers. Les liens
citoyens se disloquent au profit des fraternités. Une famille, c’est un Basque
et une Basque et leurs enfants, il ne reste pas d’espace dans une politique
crispée pour les intermédiaires, les transgenres, pour un bascophone qui ne
veut pas du regroupement barbelé, un Landais qui veut en faire » partie,
un patron d’entreprise qui commerce avec l’outre Adour. Demain, place Clémenceau, Batera, abertzale, élus
sans écharpe tricolore, chanteront, Aupa, aupa, on a gagné. On va prendre
position contre le train à trop grande vitesse, contre les autoroutes, pour le
rapprochement des prisonniers, pour l’amnistie, pour la langue basque
obligatoire pour tous les salariés du nouvel état, pour une université de plein
exercice où les crédits seront d’abord affectés au département d’études
basques. (DEB). On a gagné, on a gagné. Autour de la mairie, des manifestants
demandent le retrait du drapeau tricolore et son remplacement par l’ikurina. Ils
applaudissent Aurore Martin et Gaby Mouesca. Jakes Abeberry et Peio Claverie
tombent dans les bras l’un de l’autre, émus aux larmes. Tu te rappelles nos
premières manifestations pour un département. Rien ne bougeait, et là, l’État jacobin
nous régale. Le ciel s’éclaire. Si on t’avait dit un jour que tu applaudirais
un préfet, c’est incroyable, non ? Xabi Larralde s’approche de Peio Claverie.
Tu ne crois pas que le moment est venu de former un groupe d’abertzale dans ces
nouvelles frontières ? C’est le moment de se regrouper. Il n’est pas
impossible que quelques socialistes et des LR poussent leur engagement ethnique
un peu plus loin. Il y a en a quelques-uns qui ont vraiment milité pour la
terre de nos ancêtres, qui ont oublié l’universalisme républicain, on doit
pouvoir les récupérer, si on forme un groupe modéré, mais décidé quand même à
aller plus loin. Rien n’empêche de discuter, on verra bien. Allez, trinquons au
pays Basque !
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