Comment
rendre majoritaire un courant minoritaire ? La violence armée a échoué. On
a enterré la hache, voici le temps de la ruse. Un autre moyen : diviser
par deux les voix de la majorité. Multiplier par deux les voix de minorité. Au
temps de la révolution bolchevique, un ouvrier valait deux bourgeois ou deux
koulaks. En Irlande du Nord, un protestant valait deux catholiques. Une voix
de l’intérieur vaut deux voix de la côte. L’EPCI a des modèles.
Et
le tout, comme naguère, au nom de valeurs suprêmes qui transcendent la
démocratie. Au nom d’une « nécessité légitime, conforme à son identité »,
l’identité, le « socle qui nous unit », les frontières sacrées, un
destin partagé. Comment les élus républicains qui menaient hier le combat
contre le repli identitaire se sont-ils inclinés sans livrer bataille ? Nous
aurions dû le prévoir. Ils oublient leur écharpe tricolore lorsqu’ils
participent à des manifestations de Batera ou pour les prisonniers basques.
Je
croyais vivre dans un pays en paix. J’en doute, quand j’entends EHBai et des
élus modérés déclarer que l’EPCI fait partie du processus de paix, que si ses
adversaires l’emportent, ils seront responsables d’une reprise de la violence
armée. Les plus doux des partisans de l’EPCI laissent dire. Batera, Enbata, le
conseil des élus, courbent le dos devant un monstrueux chantage qui devrait
provoquer une sainte colère démocratique.
Pourquoi,
comment ? Peu importe. Fou qui joue
avec le feu. Fou qui ne voit pas l’incandescence d’une carte de géographie. Fou
qui détourne les yeux de notre monde et pense que nous sommes à l’abri,
protégés des dérives identitaires, des préférences territoriales.
Pour
le préfet, l’EPCI n’est pas une étape mais un point d’arrivée. Il ne croit pas
à l’intercommunalité comme point d’appui pour après. « C’est même
insultant pour les Basques, ce serait douter de leur patriotisme ». Mettez-vous
d’accord. C’est une étape ou pas. Et si oui, ne étape vers quoi ?
Tous
les jours, vous donnez la réponse. Amaia Fontang déclare que l’EPCI est une
« première étape » et que cette institution permettra de lutte contre
les violences faites aux femmes. (Personne n’avait besoin de l’EPCI pour
condamner l’assassinat de Yoyès). Dominka Daguerre : l’EPCI sera un lieu
de négociations collectives. Ni la lutte contre les violences machistes ni les
négociations collectives ne font partie des compétences de l’intercommunalité.
Alors ma première question : pour Batera comme pour d’autres partisans de
l’EPCI, c’est une « première étape ». Vers quoi ? Dans la perspective
de Batera, il s’agit graduellement d’accorder à Iparralde des compétences
chaque fois plus étendues : justice, économie, éducation jusqu’à faire du
pays Basque un territoire séparé de la République. Jusqu’où ? Une
assemblée élue au suffrage universel… une monnaie locale, l’eusko, l’officialisation
de la langue basque, une université de plein exercice, des chants patriotiques
à la place de la Marseillaise. Et pourquoi pas une carte d’identité qui exclura
du droit de vote les touristes ?
Vous vivez dans un pays Basque ouvert
aux vents du large, vous voulez l’enfermer dans une cage administrative.
Regardez autour de vous. Dans trois pays celtes gaélophones, seule l’Irlande a
fait du gaélique une langue officielle. Où les locuteurs sont-ils les plus
nombreux : là où elle n’est pas langue officielle. On parle plus gaélique
en Ecosse et en Bretagne qu’en Irlande. La langue celte s’étiole en Irlande,
devenu latin pour concours administratif. Vous voulez une université de plein
droit : comme à Corte, qu’un recrutement local et patriote condamne à
végéter ? Où 98% des étudiants votent pour des listes nationalistes ?
Où l’université a connu deux journées « université morte » bloqué les
cours par soutien aux supporters de foot ? L’excellence d’Estia tisse des
liens avec Bordeaux et avec l’Europe, pas avec Vittoria. C’est dans la
compétition avec le Big festival que
le rock basque se développe, dans la compétition avec festival latino et FIPA
que les films bascophones sont tournés, dans la compétition avec l’anglais et
l’espagnol que s’ouvrent des ikastola. Toute cette richesse, vous voulez la
mettre en cage ? Vous voulez remplacer la richesse militante par des
privilèges administratifs ?
Je suis inquiet. Je ne vois aucun
exemple autour de moi où une confusion entre gouvernement et identité n’ait
conduit à des dérives. Si vous tapez EPCI sur Google, vous avez
« établissement public corse ». à juste titre. C’est votre avenir. L’ikurina
brandi, la demande d’amnistie pour les prisonniers basques, l’inscription du
basque dans les concours administratifs.
Je
vivais dans un pays Basque sans frontière, respectueux des différences. Je dois
m’habituer à vivre dans un territoire sacré, devenir héritier d’un destin partagé.
Le
nationalisme a ceci de particulier qu’il considère qu’il n’y a qu’une seule
manière d’aimer son pays. La sienne. Toutes les autres sont le fait
d’étrangers. Pas de vrais basques. Ces étrangers, on les appelait West Britons
en Irlande, des West british comme Oscar Wilde, Bernard Shaw, Joyce, Yeats,
Beckett…Au pays Basque, on les appelle des espagnolistes. À Biarritz, les
biarrisiens. Le clivage n’est pas pour demain. Il existe déjà, il divise les
partis traditionnels, il soude les patriotes. Vous êtes tous gentils et
tolérants et me promettez un avenir radieux. Parce que vous être gentils et
tolérants, vous serez les premières victimes du golem que vous mettez en place.
Vous serez balayés par les purs et durs, par les anciens prisonniers qui
paradent sur les estrades.
Je
vous remercie de m’avoir écouté. Je n’ai pour le moment qu’un souhait. Je vais
glisser le texte que je viens de lire sur mon blog. Je vous demande de le
relire dans quelques années si l’EPCI se met en place.
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