Ils
sont paraît-il deux mille en Europe. Quelques milliers dans le monde. Un État
qui les forme et les envoie. Un État hors-la-loi, qui n’a aucune perspective
d’avenir. Autre que le chaos, le nihilisme. Ce n’est pas une guerre de
religion, puisqu’ils tuent d’abord des coreligionnaires. Ce n’est pas une guerre politique, le seul
but est l’anéantissement du tout. Le terrorisme que nous avons connu avait des
buts politiques (l’indépendance ou le pic extrême d’une lutte de classes),
l’IRA, l’ETA, les Brigades Rouges, Action directe…Ces groupes se sont effondrés
avec l’effondrement des idéologies avant-gardistes et réduits à un maigre appui
logistique, se sont dissous dans les prisons et les commémorations.
Les
groupes terroristes ne posaient un problème politique que s’ils recueillaient
un appui minimum, à la fois logistique et politique. Leurs actions étaient défendues
par des partis, des journaux, des associations (Sinn Fein pour l’IRA, Batasuna
pour l’ETA, Il Manifesto pour les Brigades rouges…). En perdant cet appui, ils
ne deviennent plus qu’un problème de sécurité. Ils cherchent à prolonger leur
influence en se transformant, en organisant une solidarité à l’égard des
prisonniers. Mais ils sont désormais des demi-soldes, et comme le colonel
Chabert, recherchent éperdument reconnaissance symbolique et pensions de
guerre.
À
nouveau, avec chaque massacre, se repose la question : le terrorisme que
nous subissons est-il un problème politique ou uniquement un problème de
police ? Des massacres de masse, nous en avons connu aux États-Unis dans
les universités et les écoles, en Norvège… Ils ne recueillent aucun soutien,
aucune solidarité, ils restent des problèmes de police. Dans le cas des
djihadistes de Daech, le soutien politique et logistique est-il nul ? Apparemment,
ils bénéficient d’un soutien logistique suffisant pour subsister des mois et
des mois sans quitter l’Europe. Mais les bandits en cavale restent parfois des
mois et des années sous la protection de familles diverses sans que cette
protection transforme le grand banditisme en problème autre que policier. Aucun
parti, aucun mouvement, aucune église ne les soutient. Selon Frank Wright, on
reconnaît une société en paix à ce qu’un voisin qui voit par la fenêtre une
personne déposant une bombe prend son téléphone et prévient la police. La
société nord-irlandaise vit en paix depuis que Gerry Adams a demandé aux
catholiques de Belfast de dénoncer les tueurs à la police. De ce point de vue,
nous sommes dans une société en paix qui fait face à un grave problème de
police. Les tueurs de Paris ou de Bruxelles ne disposent d’aucun appui
politique.
Les
forces qui veulent transformer ce problème de police en problème politique sont
diverses et variées. Les uns voient ces attentats comme les échos des guerres
coloniales. D’autres veulent voir les djihadistes en guerriers sociaux.
D’autres veulent absolument que tout musulman éprouve une certaine sympathie à
l’égard des djihadistes. Et donc placer tous les musulmans sous surveillance. Toutes
ces démarches sont des cadeaux royaux aux terroristes. Elle leur construit un
environnement politique dont ils sont dépourvus. Il faut au contraire tout
faire pour conserver à ces tueries leur statut d’un grave problème de sécurité.
Dans ce combat pour les isoler et les mettre hors d’état de nuire, les
musulmans de France sont comme les autres concitoyens : ils parlent, ils
dénoncent. Ils téléphonent.
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