L’homme bionique
Libération du 8 août 2016 annonce l’avènement
de l’homme bionique, doté de facultés physiques et mentales surdimensionnées. Je
crois d’autant plus à cette prophétie qu’à mon avis, elle est déjà réalisée. Personnellement,
je suis un homme bionique.
Faisons
le bilan. Quasi paralysé par un pincement de la moelle épinière, un chirurgien
a dégagé la vertèbre L5/L6 et rendu ma mobilité. Les genoux douloureux ont été
soignés par des infiltrations de marmelade cartilagineuse. Une hanche non moins
douloureuse a été remplacée par une prothèse qui a supprimé la douleur et m’a permis
de reprendre des promenades certes plus lentes, mais réellement existantes et
pas désagréables, avec l’aide d’une canne à ressort et au bout caoutchouteux
antidérapant. Je n’arrivais plus à lire et je n’arrivais plus à voir les images
sur écran de cinéma, grâce à des lunettes, je peux lire, je peux aller au
cinéma et au théâtre. Un estomac paresseux est stimulé par des poudres émollientes.
Une prostate qui menaçait le pronostic vital a été rabotée. Je n’entendais plus
les répliques des acteurs sur scène et je devais monter le son de la télé d’une
manière incivile. Des appareils minuscules, coûteux, mais discrets, m’ont
permis de retrouver un confort d’audition que j’avais depuis longtemps oublié.
Allons
plus loin, dans les capacités mentales. Quand je rencontrais un mot inconnu,
étranger ou national, je devais aller chercher le sens et la traduction dans
des dictionnaires Robert ou Harraps dont le moindre volume pèse dans les trois
ou quatre kilos. Ces efforts me seraient devenus impossibles. Heureusement, je
dispose maintenant de traducteurs électroniques qui me donnent la réponse en
effleurant une touche de clavier. Encore mieux, ma mémoire défaillante est
relayée par la toile. Qui est l’auteur de quel titre ? Quel film montre un
scorpion dévorée par des fourmis rouges ? À quelle date fut prise la
Bastille ? Mieux encore, la toile vérifie l’orthographe, rétablit la
grammaire, termine victorieusement des mots souvent utilisés, comme Belfast,
que j’écris Belfast. Ou homme que j’écris homme. Ou Irlande du nord que j’écris
Irlande du Nord. L’inconvénient, bien sûr, un inconvénient mineur, mais réel, c’est
que je ne peux plus écrire les lettres b et t sans que s’inscrire Belfast sur l’écran,
ou i, d, et n sans que se déroule Irlande du Nord.
Résumons.
Sans ces apports, je serais depuis longtemps ou mort, ou en fauteuil roulant, malvoyant,
malentendant, malmarchant. Je faiserais de nombreuse fautes d’ortografe. Mes erreurs
de noms ne serait pas corigé. Je sevrais un homme diffrent, certainement pas l’homme
que j’essuis actuellement. Donc j’essuis
déjà un homme bionique.
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