vendredi 23 décembre 2016

ETA et Iparretarrak


ETA et Iparretarrak

Iparretarrak (l’ETA du Nord) a cessé ses activités militaires en 2003. Il n’y a pas eu de contorsions, de mise en scène, d’interventions de la société civile. Les cagoules ont été ôtées, les armes enterrées, l’organisation terroriste s’est dissoute. Jamais il n’y eut d’accusation contre le gouvernement français, jamais Iparretarrak n’a dit « le gouvernement français nous empêche de désarmer ». Ils ont désarmé et dissous leur organisation sans demander la permission à personne. D’Iparretarrak il reste quelques morts oubliés, quelques prisonniers libérés qui font carrière dans la nostalgie, un documentaire qui leur donne la parole. Les abertzale leur rendent parfois visite comme on visite le Musée Grévin.

Ce qui fut possible pour Iparretarrak ne l’est pas semble-t-il pour ETA. Pourquoi ?

Premier élément de réflexion. Iparretarrak s’est constitué contre la volonté de l’ETA côté espagnol qui souhaitait conserver le Pays Basque français comme base arrière où l’on pouvait trouver le repos, des soins médicaux, des maisons hospitalières, sans être trop harcelée par les forces de l’ordre. Mais les patriotes basques du Nord grommelaient : pourquoi n’avons-nous pas le droit de faire joujou avec les armes et les explosifs ? Pourquoi ce sont toujours les mêmes qu’on emprisonne, qu’on célèbre, pourquoi ce sont les mêmes portraits de martyrs ou de prisonniers sur les murs ?  Ils voulaient leur part du panthéon. Quelques morts plus tard, quelques emprisonnements célébrés, ils semblent satisfaits. Mais ils n’ont jamais réussi à se placer au centre comme leurs co-terroristes du sud. Jamais ils ne réussirent à terrifier la société basque du Nord, les élus n’ont jamais eu besoin de gardes du corps, on pouvait discuter tranquillement, à haute voix, dans les cafés et les lieux publics, les chercheurs, les intellectuels, les hommes politiques pouvaient organiser des colloques sans crainte d’être harcelés ou éliminés. Au Pays Basque sud, dans les années sombres, on chuchotait, on surveillait son vocabulaire, on se donnait rendez-vous dans un jardin public.

Une société terrorisée n’a guère de tendresse à l’égard des terroriseurs. Jusqu’au cessez-le-feu de l’ETA espagnole, l’objectif central de la vie politique au Pays Basque était la fin de l’épouvante. Les assassinats étaient suivis de manifestation contre les etarras, pour la paix. Les principaux partis politiques condamnaient la terreur armée et applaudissaient les arrestations. Les victimes de l’ETA et leurs proches s’organisaient en associations de victimes du terrorisme (AVT). La société basque espagnole n’est pas disposée à aider l’ETA à sortir de son impasse au cours d’une grande cérémonie au drapeau. En ce mois de décembre 2016, l’AVT a reçu avec chaleur la juge Laurence Le Vert, qui vient de prendre sa retraite après avoir passé quarante ans de sa carrière professionnelle à pourchasser les terroristes basques. Les victimes l’ont chaleureusement félicitée pour son efficacité. On attendra encore longtemps une visite de Laurence Le Vert à Bayonne ou à Biarritz. Elle a pourtant contribué à nous protéger autant qu’elle a contribué à pacifier le Sud.

Les etarras d’Iparretarrak n’ont jamais réussi à terroriser la société basque française. Pas assez nombreux, pas assez déterminés, pas assez soutenus. Ils ont rarement tué et se sont contentés de faire sauter ici une agence immobilière, là un Macdo, avec des bouteilles à gaz. Pour la majorité des habitants et des touristes, la vie continuait. Moins de terreur, moins de haine. Les victoires du BO et quelques vitrines brisées occupaient les informations de la semaine.

Comme le ressentiment est moins fort, il est possible d’expérimenter au Pays Basque français des formes de reddition qui sont difficiles, voire impossible au Sud. On n’imagine pas au Sud des échanges de correspondance entre des militants de bonne volonté pour permettre à l’ETA de rendre les armes honorablement. On n’imagine pas que les responsables politiques du Parti populaire, du Parti socialiste manifestent côte à côte avec Otegi et les anciens etarras. Il n’y a pas d’association de victimes au Pays Basque français. C’est qu’il y a eu là-bas huit cents morts, des kidnappings, des tortures, des extorsions, des règlements de compte. Mais maintenant que les faiseurs de paix ont montré leur savoir-faire, aussitôt, dans le Sud, les soutiens de l’ETA ont sauté sur l’occasion et se sont réunis pour clamer : faisons la même chose au Pays Basque sud. Les événements de Louhossa sont une étape des efforts des terroristes pour se réinsérer sans payer le prix politique de leurs crimes.




2 commentaires:

  1. De tous ceux qui n'ont rien a dire, les plus intéressants sont ceux qui se taisent, m. Goldring.

    RépondreSupprimer
  2. M. Goldring, il parait que vous êtes communiste. On dit souvent que le communisme est une grande idée aux mains de petites gens. Celui qui a dit ça devait s'y connaitre, ou devait vous connaitre? Aucun doute là dessus.

    RépondreSupprimer