Faut-il avoir peur ?
La peur est
un sentiment irrésistible. On ne peut pas combattre la peur du noir et
affirmant que la chambre obscure ne dissimule aucun monstre. On la combat en rallumant
la lumière ou en laissant une veilleuse allumée.
La question est
donc mal posée. La bonne question est la suivante : certaines peurs sont
légitimées par des cultures, des institutions, des églises, des partis, des
intellectuels. D’autres sont considérées comme illégitimes. Par exemple, la
peur du noir, aucun parti politique ne la reprend à son compte. Mais la peur
des Musulmans n’est pas seulement une peur spontanée. Elle est considérée comme
une peur raisonnable, sensée, légitime.
Si je
dessinais ou j’écrivais pour Charlie
Hebdo, j’aurais peur d’être tué et j’accepterais sans plaisir mais avec
reconnaissance l’attribution de gardes du corps.
L’affrontement
baroque entre entre Mediapart et Charlie Hebdo porte sur la peur. Ceux-ci
accusent ceux-là de ne pas avoir assez peur ou d’avoir trop peur. Edwy Plenel
accuse Charlie d’avoir trop peur des
Musulmans, Charlie accuse Edwy Plenel
de ne pas en avoir assez peur.
Tous ont
remarqué la fièvre de la polémique. Complices des islamo-fachos contre
complices du front national. Les intégristes de l’Islam se frottent leurs mains
ensanglantées.
Daech est en
pleine déroute militaire et les monstrueuses tueries qui se réclament de son
patronage sont de moins en moins le résultat de stratégie sophistiquée. L’ennemi
affirmé est l’Occident mais les victimes sont de plus en plus civiles et musulmanes.
Donc, raisonnablement, je devrais avoir de moins en moins peur des djihadistes.
En politique, j’ai surtout peur des extrêmes, de gauche ou de droite. De Mélenchon
qui se réfère au Venezuela, ou Le Pen qui admire Orban. De ceux-là, oui, j’ai
peur car ils frappent à ma porte. Des islamistes tueurs, je n’ai pas peur. Je
devrais ?
Contre eux,
je dispose de deux armes principales. La première est la police, l’armée, les
gendarmes, la justice, la vigilance ensemble. Elle me semble efficace.
La seconde
est l’intégration des Musulmans dans la société française, une intégration suffisante
pour qu’ils participent de cette vigilance à l’égard des tueurs, pour qu’ils
les détestent autant que nous. L’arme principale de Daech est de transformer
les Musulmans en étrangers hostiles dans la société où ils vivent.
Alors
Charlie ? Charlie nous aide à intégrer les musulmans dans la société
française. Ils aident à comprendre que dans une société laïque, on peut se
moquer de la religion. Ils aident à comprendre que dans une société démocratique,
la caricature n’a pas d’autre limite que la loi. Ils aident à comprendre qu’une
crèche de Noel dans l’entrée d’une mairie est interdite, de même que le voile
dans un établissement public. Parce qu’on peut expliquer encore et encore, mais
rien ne vaut une leçon de choses : voyez-vous, chers intégristes, dans
notre pays, on peut dessiner Jésus avec des couilles et Mahomet avec ses maîtresses.
Et un prêtre pédophile est dénoncé autant qu’un imam et un rabbin.
Que ces
libertés et ces droits vous protègent comme elles protègent les laïques, les femmes
revendicatrices et les imams républicains.
Les partis
et les intellectuels qui dénoncent cette intégration, ou qui estiment qu’elle
est impossible, confirment la thèse centrale de Daech : la coexistence est
impossible entre l’Islam et la République.
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