Le
PS à 6% se déchire, exclut, inclut, ferme les yeux, décide de réfléchir. La
droite se soigne. Le FN hésite entre sortir de l’euro ou rester. Mélenchon
aurait aimé six cent mille voix de plus. Pendant ce temps, le président Macron
est élu, il nomme un premier ministre de droite.
Tous
les militants, gauche, droite, associatif, écolos, solidaires, se frottent les
yeux. Ils n’ont jamais vu ça. Pourtant, ils l’ont vu, à une autre échelle, mais
ils ne croyaient pas que c’était transposable. Des municipalités, des
collectivités territoriales, des agglos, gouvernées par des majorités
hétéroclites. Des aventures transversales qui clivaient les partis
traditionnels. Voyez la diversité des opinions sur l’ouverture des salles de
consommation. Voyez dans le seizième arrondissement de Paris la proportion des
habitants qui ont pris position contre les égoïsmes territoriaux. Le droit à l’avortement,
la peine de mort, le mariage pour tous, préfiguraient des regroupements
inédits. Les traités européens, le Brexit au Royaume-Uni, clivaient les
opinions et les partis selon des frontières nouvelles. Face aux populismes de
Poutine et de Trump, face aux aventures d’Amérique Latine, face aux régimes de
Bachir el Assad, des relations nouvelles se font et se défont.
Nous
avions l’habitude, nous ne voulions pas voir. Et voilà, je me sens plus proche
culturellement et politiquement d’Alain Juppé et d’Édouard Philippe que de
Mélenchon et Fillon. Emmanuel Macron n’est pas né du vide, mais de toutes ces
expériences. Son mouvement, son succès, était inscrit dans une longue
évolution.
Tout
le monde était sûr des étiquettes et des frontières. La finance contre les
peuples. Les riches contre les pauvres. La lutte des classes moteur de l’histoire.
Ou à l’inverse, ce qui est bon pour la Bourse est bon pour tous. Il est
confortable de dénoncer la mondialisation, mais elle sort des dizaines de
millions de pauvres de la pauvreté, en Chine, en Inde et Afrique.
J’ai
accompagné les changements en Irlande. Jusqu’aux années soixante, toutes les
misères, tous les sous-développements, étaient dus à la colonisation britannique
ou à son héritage. Dans les années soixante, on s’est aperçu que les Irlandais
qui s’enrichissaient allaient investir en Grande-Bretagne, aux États-Unis mais
pas en Irlande. Pourquoi ? Bonne question, qui provoqua un vrai séisme.
Mais par quoi remplacer la confortable dénonciation de l’impérialisme britannique ?
Comment faire de la politique autrement ?
Comment comprendre que les protestants d’Irlande du Nord n’étaient pas des
agents de l’impérialisme mais qu’ils ne voulaient pas être intégrés dans un
pays dominé par le pouvoir de l’église catholique. Par quoi remplacer la
dénonciation des laquais de l’impérialisme ? Bonnes questions. L’Irlande s’est
modernisée, s’est laïcisée, s’est ouverte au monde. Les partis traditionnels
furent bousculés. L’Irlande était terre d’émigration, elle attire maintenant
les migrants. Ce n’est certes pas un paradis, mais à côté du Vénézuela et de Cuba…
Je
comprends les désarrois Nous pensions dominer le monde grâce à nos
certitudes, et le monde nous échappe. Plus nous nous accrocherons à nos
vieilles certitudes et plus il nous échappera.
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