Dans les années 1980, j’étais universitaire à Paris
VIII (Vincennes) et journaliste à France
nouvelle. France nouvelle était
l’hebdomadaire du PCF. En ces années troublées, le PCF retrouvait le chemin de
Moscou, approuvait l’intervention soviétique en Afghanistan, estimait le bilan
du socialisme globalement positif et rompait avec la politique d’union de la
gauche. Après le dégel des années 1970 revenait le temps des glaciations.
Le comité de rédaction de l’hebdo communiste était en
ébullition. La majorité des journalistes était opposé à ce retour suicidaire
vers l’orthodoxie. Yvonne Quilès, Jean Tornikian, Jean Rony, François Hincker,
Gérard Belloin et moi-même, menaient le combat, discutaient pied à pied avec le
directeur figé, les articles allaient à
la poubelle, les insultes volaient. On ne s’ennuyait pas.
La direction du PCF décida d’envoyer au front des
jeunes journalistes fidèles de la direction (Georges Marchais était secrétaire,
rappelez-vous). Parmi ces missionnaires cuirassés, Dominique Vidal. Il nous
expliquait tous les lundis matins, le jour du comité de rédaction, comment les
socialistes étaient des traîtres et que nous étions leurs complices. Dominique
Vidal est aujourd’hui journaliste au Monde
diplomatique, le seul journal communiste qui reste en France, le seul
endroit dans notre pays où Cuba est un modèle et le Venezuela admirable.
Dominique Vidal s’est spécialisé dans le conflit au Moyen-Orient, il pourfend
la politique d’Israël, défend les Palestiniens. Dans ce conflit qui a besoin de
questions, il fait partie de ceux qui apportent des réponses. Il a choisi son
camp. Choisir son camp, c’est prolonger la guerre. Comme ceux qui choisissaient
l’IRA contre les unionistes d’Irlande du Nord, ceux qui choisissaient l’ETA
contre la population basque. Aujourd’hui, ce prolongateur de conflit, ce
verseur d’huile sur les brasiers apparaît dans les médias pour expliquer que
l’insulte « sioniste » n’est pas antisémite. Sale sioniste n’est pas
une insulte raciste.
Ce préambule pour expliquer l’envie qui m’a pris
d’entrer dans ce débat. Fort de mon expérience dans les conflits insolubles,
armé de mes recherches sur les conflits ethnicisés, porteur de mes études sur
les aléas de la xénophobie, du racisme, de la haine ethnique, je vais vous
donner mon avis. Je vais plus loin : dans le débat qui agite aujourd’hui,
pendant plusieurs jours encore, la question de l’antisémitisme. Où l’on discute
pour savoir ce qui est antisémite ou pas, je connais la réponse. Je sais
comment intervenir et je vais vous l’expliquer. C’est une simplicité que je
n’ose pas qualifier de biblique sous peine de trop me dévoiler.
Voici la question : si un gilet jaune traite un
Juif de sioniste et lui demande de rentrer chez lui, est-ce une insulte
raciste ? Est-ce antisémite ? Le débat est difficile. On se noie très
vite dans des arguties. En effet, dans ce cas précis, le gilet crie :
espèce de sioniste, rentrez chez vous, ce slogan demande au Juif de retourner
en Israël, donc, en fait, c’est un slogan sioniste. Les sionistes demandaient
aux Juifs de créer un état juif. En disant aux Juifs de « retourner chez eux »,
le gilet jaune est sioniste. Comment peut-on être sioniste et antisémite ?
Vous comprenez que les arguments raisonnables peinent à exister dans le feu de cette
discussion.
Voici ma réponse. Une suggestion. Qui est le plus à
même d’interpréter son cri de haine. Qui, sinon celui qui le prononce ? Pour
savoir si sa diatribe est antisémite, il suffit de lui demander. A celui qui
crie. C’est tout simple. Gilet jaune, quand tu as crié à Alain Finkielkraut
« sale sioniste, rentre chez toi », est-ce que tu voulais dire que tu
reprochais à ce monsieur de soutenir l’existence de l’état d’Israël ? Voulais-tu dire que tu étais d’accord avec
les sionistes qui demandaient aux Juifs de « rentrer chez eux » ?
Voulais-tu dire que les Juifs doivent tous vivre en Israël ? Ou bien,
comme dans la Russie d’après-guerre, utilises-tu l’adjectif sioniste à la place
de « Juif » auquel cas il devient une insulte raciste.
Je ne demande pas l’impunité, la passivité. Je demande
la clarté. La police doit poursuivre et la justice condamner les actes et les
paroles antisémites. Donc, la première arrête et interroge. Monsieur Gilet
Jaune, par vos paroles, avez-vous pris position dans le débat des années trente
entre les Juifs sionistes et les Juifs socialistes qui voulaient s’intégrer
dans le pays où ils vivaient ? Etes-vous d’accord avec Hertzl ou avec le
Bund ? Ou peut-être vous situez-vous du côté des Juifs orthodoxes qui
prétendent qu’Israël ne peut être fondé
qu’avec le retour du Messie et tant que le Messie n’est pas revenu, Israël ne
doit pas exister. Monsieur Gilet jaune, répondez, êtes-vous du côté de l’orthodoxie
juive, du côté des Juifs orthodoxes ?
Ou monsieur Gilet Jaune, avez-vous utilisé le mot « sioniste »
à la place de « Juif », parce que vous savez que vous risquez d’être condamné
si vous exprimez une opinion antisémite ? C’est à vous de vous expliquer.
Qui peut répondre à sa place ?
Cette méthode peut être généralisée. Qui mieux que le
pédophile peut nous dire si ces actes étaient d’abominables agressions ou s’il
a agi par amour pour cet enfant ? Il suffit de lui demander.
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