Vous vivez
dans un pays où existent liberté d’opinion, liberté de manifester, liberté de
faire grève, des élections libres, …
Vous êtes révolutionnaire, contre le système, et vous pensez que ce système de
libertés formelles est en fait une dictature, du grand capital, d’un état
policier, d’informations contrôlées, d’une presse vendue.
C’est une
situation compliquée. Plus vous criez au manque de liberté, plus vos cris sont
la preuve que ces libertés existent. Plus vous manifestez contre le système,
plus vous montrez que ce système permet de manifester. Cette aporie donne aux révolutionnaires
un visage triste et une élocution crispée. Comment s’en sortir ?
Plusieurs
moyens existent. Dans un passé récent, des révolutionnaires fougueux qui
dénonçaient un état policier en Allemagne, en France, en Italie, en Irlande,
prenaient les armes contre cet état policier et lorsqu’ils étaient arrêtés,
protestaient contre cette preuve du caractère policier de cet état, lorsqu’ils
étaient condamnés, criaient contre la preuve du manque de liberté de cet état.
Ces méthodes ont fait leur temps et Che Guevara est devenu moins tendance.
Qu’est-ce qui
peut remplacer ces coups de boutoir ? La reprise des mêmes méthodes, mais
en mineur. En douceur. Sans tuer personne. Au Pays Basque espagnol, ce fut la calle borroka, des émeutes urbaines, des
manifestants qui saccageaient les banques, les centres commerciaux, et qui
hurlaient à l’état policier dès qu’ils étaient arrêtés. Avec les gilets jaunes,
pour « prouver » que le système est une dictature, il faut manifester
sans demander la permission, sans négocier les itinéraires, rencontrer ainsi
les forces de maintien de l’ordre et risquer de prendre des coups. Ensuite on
montre les bleus et les blessures pour prouver que nous vivons dans un état
policier. Ensuite on manifeste avec des pansements pour montrer à quel point l’état
est policier.
Un cran au-dessus,
on casse les vitrines, on caillasse les policiers, on pille les magasins, et la
répression franchit elle aussi un cran, les blessures sont plus graves, et le
caractère policier de l’état dictatorial qui empêche les pillages et les caillassages,
s’en trouve ainsi davantage démontré.
Alors, les
blessés l’ont bien cherché ? Bien sûr que non. Mais une fois qu’ils sont
blessés, ils deviennent une preuve, on n’a plus besoin de prouver, ils sont la
preuve, que les manifestants ont raison, que l’état est une dictature.
La conclusion
est évidente. Il faut que l’état démocratique cherche les moyens les moins
maltraitants pour contrôler ces manifestants. Quitte à décevoir gravement les
révolutionnaires.
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