mercredi 20 février 2019

les pauvres




Les pauvres sont mal logés ou pas logés du tout. Ils habitent loin de leur travail quand ils ont un emploi. Ils se chauffent mal et cher. Ils mangent mal et le taux d’obésité est plus élevé chez eux que dans le reste de la société. Ils sont plus malades que les autres, se soignent moins, fument plus, meurent davantage du cancer du poumon, ils consomment plus d’alcool et sont plus victimes des maladies et des malheurs associées. Ils ajoutent à ces maux parfois l’addiction aux drogues les plus dangereuses. Leurs enfants fréquentent les établissements scolaires les moins prestigieux, ils ne partent pas en vacances.



Toutes les sorties de pauvreté coûtent cher. Une famille qui vit dans un taudis ne pourra pas se permettre de payer un loyer même social. Le choix, si l’on appelle cela un choix, est un petit loyer dans un logement infâme ou un appartement confortable au loyer inaccessible. Si elle trouve un logement à sa portée, il sera loin et elle sera la première à supporter les augmentations liées à la circulation automobile, essence et péage. L’installation d’un chauffage central est trop chère et il est remplacé par des appareils électriques coûteux. Quand on leur suggère de mieux manger, les pauvres répondent que l’alimentation saine est une alimentation chère. La cigarette et l’alcool font partie des rares plaisirs de leur vie.



Pour couronner le tout, on les considère comme responsables de leur galère. Ils n’avaient qu’à mieux travailler à l’école, moins fréquenter les macdo, arrêter de fumer et de picoler et mieux surveiller leurs enfants. Conseils futiles. Ces comportements ne sont pas liés à la pauvreté. Ils sont la pauvreté.



Comme la misère concentre les maux de la terre, les mesures prises par les gouvernements pour atténuer leur nocivité pèsent prioritairement les pauvres. Loyers, légumes et fruits, augmentation du prix des cigarettes et du diesel, taxes sur l’alcool frappent davantage les pauvres que les riches.



Les mesures prises pour sortir les pauvres de la pauvreté sont supportés par les pauvres. Pour une politique qui marche, il faut convaincre les pauvres qu’elles sont prises dans leur intérêt, et convaincre les autres qu’elles doivent être soutenues par la solidarité nationale.



Les politiques à l’égard de la misère se partagent grossièrement en deux orientations. La première, la plus ancienne, la plus traditionnelle, consiste à punir la pauvreté. On chasse les pauvres, on les enferme dans des asiles, on interdit la mendicité, on refoule les pauvres quand ils sont étrangers.



Cette politique a reculé. Nous vivons dans des sociétés où les pauvres sont ou doivent être considérés comme des êtres humains. Bien plus, les sociétés modernes sont évaluées selon leur degré de solidarité à l’égard des personnes en difficultés. Sont considérées comme barbares les sociétés qui transforment les mères célibataires en esclaves, qui enferment les personnes âgées dans des mouroirs, qui emprisonnent ou laissent mourir les malades que sont des consommateurs de drogues.



Les partisans de la première politique n’ont pas disparu. Ils manifestent contre les centres d’accueil de personnes en difficultés. Ils refusent les salles de shoot à moindre risque. Ils barbelisent les bancs publics. Ils enlèvent leurs enfants des écoles où il y a des pauvres pour les inscrire dans des ghettos de riches. Ils prennent position contre toutes les mesures qui visent à sortir les pauvres de la pauvreté. Ils ne supportent la prostitution que derrière les rideaux. Ils dissimulent souvent leur égoïsme sous des discours mielleux. Quand les pauvres se révoltent en émeutes sans issue, ils les flattent. Allez-y, messieurs dames, cassez, pillez, plus vous vous comportez en ruffians, plus vous vous éloignez des lieux de pouvoir.



Les partisans de la seconde politique sont actifs. Hommes politiques réformateurs, philanthropes, bénévoles, associatifs, enseignants, médecins, assistants sociaux, ils réussissent à faire reculer la pauvreté. Ils ne flattent pas les pauvres. Ils sont exigeants. Veulent faire d’eux des citoyens, des hommes de culture, des artisans, des artistes. Quand ils enseignent, ils sont exigeants à l’égard des plus démunis. Pas question de leur boucher l’avenir en les enfermant dans le présent. Consommateurs de drogue de la Goutte d'Or, point accueil jour à Biarritz, partout, les intervenants ont une haute conception de leur métier, de leur engagement, qui se traduit par un profond respect pour les hommes et les femmes en galère. Ils négocient des entrées pour les musées, des billets de cinéma et de théâtre. Installent des bibliothèques, font respecter les règles. Invitent des chefs étoilés à réaliser des tables du soir. Tous ces intervenants ne flattent jamais la bêtise, la paresse, les insultes, les préjugés. Dans tous ces lieux que j’ai côtoyés, la première insulte xénophobe, raciste,  était interdite et les sanctions lourdes. Eviction pour quelques jours, puis définitive. Ces attitudes montraient le respect pour ces galériens.



A mettre en regard avec le mépris, la condescendance, de tous ceux qui autour des gilets jaunes flattent les préjugés, excusent les comportements, expliquent que tout ça c’est la faute à Macron. Dans les lieux que j’ai côtoyés où l’on remettait des gens debout, jamais de flatterie. Vous êtes des femmes et des hommes capables de penser, capables de raisonner. Il ne viendrait à l’idée de personne de dire que c’est « la faute à Macron » si un usager casse le mobilier ou maltraite un bénévole. Si quelqu’un casse ou se comporte de manière violente, tout l’entourage l’isole, lui fait comprendre qu’il met toutes ces institutions en danger. Y compris les usagers, les galériens, comprennent que ces lieux doivent être défendus, protégés.



Tous les jours, sous vos yeux, deux conceptions s’affrontent.  

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