L’Irlande
est une île. Quoi de plus naturel ? Les Irlandais demandent leur
indépendance, ils veulent un gouvernement. Pour toute l’île. Une partie des
Irlandais au Nord veulent rester britanniques. Ils ne comprennent pas que l’Irlande
est une île dont les frontières sont maritimes donc nécessaires, légitimes,
naturelles et éternelles. Il y eut d’abord une guerre d’indépendance, puis une
guerre civile pour confirmer le caractère naturel et éternel de cette
insularité. Entre les Irlandais qui acceptaient la partition du pays et ceux
qui ne l’acceptaient pas. Puis des guérillas. Des organisations clandestines,
des morts. Beaucoup de morts. Les partis politiques des îles Britanniques furent
balayés. Plus de travaillistes ni de conservateurs. Il reste des partis
nationalistes catholiques, des partis unionistes protestants. Tous se réclament
dépositaires de l’identité éternelle. Le tout coexiste, cahin-caha. Ceux qui se
sentent étrangers sont partis.
Le
pays Basque n’est pas une île, il est traversé par des montagnes et par des
frontières. Pourtant des mouvements nationalistes lui accordent une réalité territoriale,
une identité accordée par son histoire, sa géographie, ses cultures. Les « sept
provinces », quatre en Espagne, trois en France. Ces aspirations portées
par des mouvements nationalistes à force finissent par construire cette
identité. Déçus par les résultats des élections, certains nationalistes ont
remplacé les urnes par des explosifs et la terreur a été une force politique
pendant deux générations. Ces forces politiques ont obtenu l’autonomie d’une communauté
basque en Espagne, où la vie politique se partage entre indépendantistes et « espagnolistes »,
entre les « vrais » Basques et les étrangers.
Du
côté français, les revendications identitaires s’étaient étiolées. Les
patriotes qui demandent le rattachement d’Iparralde à la communauté basque sont
rares. Mais il reste des abertzale
qui réclament avec constance une
reconnaissance administrative du pays Basque. Par les armes, un certain temps,
puis par des manifestations, des pétitions, des actions pacifiques. Par les
urnes aussi, avec un succès mesuré. Jusqu’à présent, la vie politique dans le pays
Basque français se partageait entre gauche et droite.
Il
appartiendra aux historiens de percer le mystère. Comment des revendications
identitaires minoritaires sont-elles devenues majoritaires ? Comment les
partis républicains, socialistes et droite républicaine, traditionnellement
hostiles à toute revendication identitaire, ont repris mot pour mot le langage nationaliste ?
La dispute sur l’organisation territoriale du pays Basque français ne porte pas
sur la nécessité d’une reconnaissance institutionnelle, mais sur ses modalités.
Tout le monde est devenu nationaliste, patriote, abertzale. Tout le monde
accepte une « nécessité légitime, conforme à son identité ». Cette
identité est « le socle qui nous unit ». Les frontières du pays
Basque sont « sacrées ». Nous sommes les héritiers d’un destin
partagé. Telles sont les paroles communes aux partisans de l’EPIC et à ses
opposants.
Comment
les élus républicains qui menaient hier le combat contre un repli identitaire
se sont-ils inclinés sans mener bataille ?
Je
vivais dans un pays Basque sans frontière, respectueux des différences, riche
de sa diversité. Je dois m’habituer à vivre dans un territoire sanctifié,
devenir héritier d’un destin partagé. Ceux qui n’acceptent pas les vaches
sacrées vont devenir des touristes. Quelqu’un peut-il m’indiquer le bureau où
je devrai prendre mon nouveau passeport ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire